Intégrer les peuples indigènes dans la transition ESG

Rosa van den Beemt, Derek Ip, BMO GAM

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La transition énergétique ne doit pas se faire aux dépens des peuples autochtones.

Les peuples autochtones représentent moins de 5% de la population mondiale, mais ils protègent près de 80% de la biodiversité de notre planète et possèdent, occupent ou utilisent 25% de sa surface totale. Pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris d’ici à 2050, l’industrie des énergies renouvelables devra se développer rapidement, en parallèle d’une accélération de l’extraction des ressources minérales nécessaires à la production d’une énergie non-carbonée. Des activités qui pourraient entraîner des coûts très souvent payés par les populations autochtones – pensons notamment aux questions de propriété foncière et à la destruction des habitats. C’est pourquoi il est impératif que la transition énergétique se fasse en partenariat avec les peuples indigènes plutôt qu’à leurs dépens.

Or l’indice de référence des énergies renouvelables par rapport aux droits de l’homme, développé par le Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme, montre qu’il reste du chemin à faire. Le secteur obtient, en moyenne, moins d’un point sur six en matière de respect des droits des peuples autochtones et d’autres communautés affectées par ses activités et de respect du droit foncier.

Le consentement au cœur du contrat social

Cette année, la cérémonie de commémoration de la Journée internationale des peuples autochtones, tenue virtuellement le 9 août dernier, a porté sur la refonte d’un nouveau contrat social pour ces derniers, qui garantirait le respect de leurs propres formes de gouvernance et modes de vie, fondés sur leur consentement libre, préalable et éclairé (CLPE).

Le cadre de définition et de révision du CLPE constitue également un point important.

Du point de vue des investisseurs, les entreprises doivent s’engager à respecter ce CLPE et s’assurer ainsi que les populations autochtones consentent aux activités menées sur leurs terres ou à proximité. Cela permettrait d’atténuer les risques pour les personnes et pour les entreprises et aider à identifier les opportunités de bénéfices communs. Une bonne pratique est en train d’émerger à ce titre au Canada, avec des partenariats conclus entre les entreprises et les communautés autochtones qui prévoient une participation directe de ces dernières aux différents projets. De tels partenariats favorisent la réconciliation économique et établissent de meilleurs contrats sociaux, mutuellement bénéfiques.  

De l’engagement à la pratique

Si l’indice des énergies renouvelables par rapport aux droits de l’homme a pu relever que la plupart des entreprises s’engagent publiquement en matière de CLPE, les positionnements politiques ne se traduisent pas toujours par de bonnes pratiques sur le terrain. C’est ce qu’a démontré en 2020 la destruction par les sociétés minières Rio Tinto et BHP d’un site à Juukan Gorge, en Australie, qui faisait partie du patrimoine culturel aborigène. Afin de s’assurer que ce type de préjudice aux populations et aux cultures autochtones ne se reproduise plus, les investisseurs doivent pouvoir comprendre les pratiques et les indicateurs d’un CLPE solide. Les entreprises, elles, doivent mettre en place des processus de diligence efficaces, effectuer des évaluations d’impact sur les droits de la personne, au niveau de leurs projets comme de leurs sites d’activité, et s’engager à respecter la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones.

Aller plus loin

Les investisseurs disposent d’une série d’outils leur permettant de déterminer la solidité des engagements des entreprises dans lesquelles ils investissent et, en particulier, de celles actives dans le secteur de l’extraction et de l’énergie. Il s’agit par exemple d’identifier comment les préoccupations des communautés autochtones sont rapportées à la direction et au conseil d’administration de l’entreprise. Un autre indicateur serait la manière dont l’entreprise définit une personne autochtone et identifie ce qui constitue un territoire, un patrimoine culturel et des ressources coutumières, ancestrales ou collectives. Le cadre de définition et de révision du CLPE constitue également un point important: ce dernier est-il considéré comme une exigence dure ou souple? Comment l’entreprise s’assure-t-elle que les procédures de consultation et que le consentement se maintiennent sur la durée? Enfin, l’investisseur pourrait s’intéresser aux modes de gestion des situations plus délicates, aussi bien au niveau des prévisions contractuelles en cas de mécontentements que de la transparence quant aux griefs exprimés et des mesures adoptées pour y remédier, de même que la façon dont l’entreprise intègre dans ses projets explicitement le partage des bénéfices avec les communautés.

En ce qui concerne la détermination des meilleures pratiques à adopter pour minimiser l’impact de la transition énergétique sur les peuples autochtones, l’élaboration d’un CLPE solide et efficace et le maintien d’une relation harmonieuse avec ces communautés, la meilleure des pratiques reste celle de l’intégration des principaux intéressés dans les projets.