Inflation, politique monétaire, crise du crédit: les marchés sont secoués depuis le début de l’année

Lucio Soso, Bellevue Group

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La décision de la Fed sera déterminante afin de savoir s'il s'agit d'une reprise transitoire ou du début d'une longue période de forte inflation.

Au vu de la pandémie, un optimisme prudent aide l'économie de nombreux pays à se redresser – mais le spectre de l'inflation est au centre des conversations. Que peuvent, que doivent faire les banques centrales face à cette situation? Aux États-Unis, on ne sait pas exactement comment la banque centrale va allier les hausses de taux et la réduction du bilan après sa réunion de mars. Et puis il y a les inquiétudes en Extrême-Orient: en Chine, une énorme bulle de crédit pourrait être sur le point d'éclater, ce qui pourrait entrainer des répercussions dans le monde entier.

L'année 2022 a commencé avec des chiffres d'inflation élevés portant l'attention des investisseurs sur les banques centrales. La politique monétaire est l'une des questions dominantes, en particulier aux États-Unis. La Fed a imprimé 4,500 milliards de dollars pour lutter contre les répercussions économiques de la pandémie – mille milliards de dollars de plus que Ben Bernanke a dépensé pour tous ses programmes d'assouplissement quantitatif. Le bilan de la Réserve fédérale a été multiplié par dix depuis 2008 pour atteindre près de 9000 milliards de dollars, et la masse monétaire a augmenté de 41% en l'espace de deux ans. Ces deux phénomènes sont inflationnistes.

L'inflation des prix à la consommation a atteint +7% en décembre. La décision de la Fed sera déterminante afin de savoir s'il s'agit d'une reprise transitoire ou du début d'une longue période de forte inflation. Quoi qu'il en soit, l'inflation des prix à la consommation devrait rester élevée pendant les six prochains mois. En effet, l'indice des prix à la consommation à fin 2021 était nettement plus élevé, de sorte que, même si les prix restent inchangés par rapport à leur niveau actuel, le taux d'inflation global sera probablement de l’ordre de 5% à fin juin 2022. En réalité, il est plus probable que l'inflation de juin se situe autour de 6%.

Pendant ce temps, les taux d'intérêt réels, qui reflètent le rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans moins l'inflation, ont dépassé les taux négatifs records observés dans les années 1970. Un rendement de 6 à 8% sur les obligations du gouvernement américain à 10 ans est nécessaire pour ramener les taux d'intérêt réels en territoire positif, mais cela n'est pas envisagé pour le moment. Cette situation n'est pas viable – à moyen terme, les rendements obligataires doivent augmenter ou l'inflation doit diminuer. Le plus probable est que nous assistions à une combinaison des deux facteurs.

L'inflation aux États-Unis restera, selon nous, globalement élevée pendant la majeure partie de 2022. En mars, la Fed aura clairement réduit son assouplissement quantitatif. Ce qui se produira ensuite demeure une question de spéculations. Ce que les responsables politiques aimeraient voir, c'est une courbe des taux plus pentue. Le marché anticipe quatre hausses de taux d'intérêt d'un quart de point chacune, se succédant rapidement pour l'année en cours. Pour la plupart des classes d'actifs, toute augmentation significative des taux d'intérêt au-delà de ces hausses à moyen terme ne serait pas une bonne nouvelle.

Moins dramatique en Europe

L'inflation est également en hausse en Europe mais, du haut de ses 5%, elle n'est pas aussi élevée qu'aux États-Unis. La croissance de la masse monétaire a été beaucoup plus lente en Europe, de sorte que la situation de l'inflation y est clairement plus faible - mais on peut en dire autant de la croissance économique de la région. Il est également important de noter que les taux d'intérêt négatifs ont réduit les écarts entre les obligations périphériques de la zone euro et les obligations allemandes, ce qui est crucial pour la survie de l'euro. Les rendements négatifs des obligations allemandes ont forcé les investisseurs avides de rendement à acheter des obligations italiennes. Si les rendements en Allemagne se rapprochent à nouveau du territoire positif, les rendements des obligations italiennes seront susceptibles de progresser également. Nous estimons donc que la BCE commencera à réduire ses achats d'actifs dans le cadre de l'assouplissement quantitatif à mesure que l'année avance, mais qu'elle agira très lentement pour relever ses taux d'intérêt.  

L'économie chinoise au bord d'une contraction massive?

En Chine, en revanche, nous sommes confrontés à un problème totalement différent: une bulle de crédit aux proportions épiques s'y est formée. La dette totale de la Chine en pourcentage du PIB est passée de 160% en 2008 à 320% en 2020 - et la dette des entreprises, qui représente actuellement 70% du montant total, a été multipliée par sept sur la même période. Une grande partie de cette dette a été utilisée pour acheter des biens immobiliers, dont le prix est aujourd'hui largement surévalué. Étant donné que le secteur de l'immobilier en Chine représente 27% à 28% du PIB depuis huit ans (comme le secteur de l'immobilier en Espagne pendant la bulle immobilière de ce pays entre 2006 et 2008), le caractère très inquiétant de la situation est évident. Les crises de crédit sont généralement résolues par une combinaison de remboursement de la dette, d'allègement de la dette et de monétisation. Les observateurs extérieurs ne peuvent que deviner les mesures que prendra le gouvernement chinois afin de résoudre ce problème.

Qu'est-ce que cela signifie pour les marchés financiers? Une forte baisse de l'activité économique en Chine se répercuterait probablement dans le monde entier; la valeur du renminbi pourrait baisser, temporairement ou pour une période prolongée; et il y aurait probablement une répression des investissements à l'étranger. Dans le même temps, un ralentissement de l'activité en Chine pourrait amener la Fed à ralentir le rythme de son resserrement monétaire. Ce serait une bonne nouvelle pour les obligations américaines et les actions mondiales.

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