Il y a longtemps que les rendements obligataires n’ont pas été aussi intéressants

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Si les investisseurs acceptent que l’inflation avale les rendements sur le court terme, les obligations offrent aujourd’hui de meilleures possibilités.

  • Les banques centrales sont restrictives, l’inflation est haute, la confiance des consommateurs a perdu du terrain et les soucis quant à l’ampleur du redressement de la politique monétaire dominent l’ambiance.
  • Pourtant, le marché du travail affiche une reprise, les salaires augmentent et les entreprises gagnent de l’argent.
  • Si les investisseurs acceptent que l’inflation avale les rendements sur le court terme, les obligations offrent aujourd’hui de meilleures possibilités.
  • Il est recommandé d’établir une certaine duration dans le portefeuille afin de se protéger d’une réaction éventuellement encore plus forte des marchés des actions.
Pic de l’attitude restrictive atteint?

Ces dernières semaines, la rhétorique restrictive des banques centrales a augmenté. Entre-temps, tous ou presque s’attendent à une ou plusieurs augmentations du taux directeur de 50 points de base (bp). Pour les Etats-Unis, le marché reflète actuellement une augmentation de 50 pb pour les trois sessions du Federal Open Market Committee (FOMC) à venir. Le Fed Funds Rate pourrait alors être atteindre les 1,75 pour cent. Par ailleurs, le marché compte sur un resserrement de la politique monétaire par la Banque centrale européenne (BCE) de 80 pb cette année.

Aucun allègement pour les taux à court terme

Etant donné qu’en matière d’inflation, les banques centrales sont «derrière la courbe», elles doivent envoyer un message particulièrement restrictif. Même si elles continuent à partir du principe que le niveau actuel de l’inflation diminuera au cours de l’année, elles devront augmenter les taux. Il s’agit de rapprocher les taux directeurs réels de zéro. Pour cela, la BCE doit ramener son taux d’apport nominal vers zéro, ce qui semble être un défi pour le consensus – du moins pour ce qui est de la planification et de la coordination des augmentations des taux d’intérêt en liaison avec la fin des acquisitions de valeurs patrimoniales. Alors que la Federal Reserve (Fed) juge nécessaire de maintenir les attentes concernant une hausse de trois pour cent et plus du Fed Funds Rate, la BCE doit nous persuader que les taux d’intérêts augmenteront un jour ou l’autre. Pour le marché, ceci signifie qu’il y a peu de marge pour une prochaine diminution des rendements obligataires sur le court terme. L’aplanissement de la courbe va donc continuer, surtout à l’extrémité courte entre le taux au jour le jour et la plage des deux à trois ans.

Cycle de durcissement agressif?

Il reste à savoir si le cycle de durcissement sera si agressif qu’il causera une récession et d’autres pertes significatives au niveau des investissement à risque. Aux Etats-Unis, les banques ayant déjà publié leurs résultats du premier trimestre, étaient en général assez détendues quant au degré de solvabilité dans le secteur du crédit - même pour les entreprises proches des consommateurs. Comme toujours, il est important de surveiller le marché de l’immobilier. Cette année, les intérêts hypothécaires des Etats-Unis à taux fixe sur 30 ans ont augmenté de 200 BP. Jusqu’à présent, les acquisitions de biens immobiliers neufs sont restées significatives et il n’existe aucun signe visible d’augmentation des exécutions forcées bien que l’habitat soit moins abordable. Du côté des entreprises, le ratio endettement/fonds propres était inférieur dans les années passées, et les coûts de financement ont moins augmenté, surtout pour les gros débiteurs dotés d’une meilleure notation de crédit. Le rendement des obligations des Etats-Unis de qualité investment grade a également augmenté d’environ 200 BP. Toutefois, il est prévu que la croissance des bénéfices des entreprises S&P se situe entre cinq et dix pour cent pour l’année à venir. Très loin d’une pénurie de crédit.

Les prix sollicitent les revenus

Bien entendu, le resserrement de la politique monétaire ne sera pas la seule cause d’un ralentissement significatif. Les consommateurs subissent la pression de la hausse des prix. Ceci apparaît déjà dans les données sur la confiance des consommateurs et les dépenses de consommation. En Grande-Bretagne, les chiffres d’affaires du commerce de détail ont diminué de 1,1 pour cent au mois de mars (sans carburants). Une valeur indicative de la confiance des consommations est au plus bas depuis la première publication au début des années 80. En Grande-Bretagne, il est attendu que pour 2022, les prix de l’électricité soient d’environ 50 pour cent supérieurs en moyenne à 2021. Il est évident qu’une augmentation des produits nécessaires à couvrir les besoins élémentaires entraîne une diminution des acquisitions de biens discrétionnaires. C’est pourquoi sur le marché des actions britanniques, les secteurs des produits ménagers, de l’automobile et du commerce de détail présentent une évolution inférieure à la moyenne. Il est peu probable qu’en Grande-Bretagne, les dépenses concernant les produits de consommation explosent dans les mois à venir.

Où atterrirons-nous sur la courbe de Phillips?

Le consommateur est le premier à souffrir d’une hausse de l’inflation. Une augmentation des taux se répercutera sur toutes les économies nationales. Les interruptions dans la chaîne logistique et la géopolitique vont perturber la production et le commerce. Tout ceci signifie une augmentation inférieure du PIB pour 2022 et 2023. Mais pour le moment, le taux de chômage est faible et les revenus du travail augmentent. Le Président de la Fed Powell a même déclaré la semaine dernière que le marché du travail a particulièrement «chauffé». Au final, pensent-ils qu’il faut en faire plus? Personne ne veut une augmentation significative du taux de chômage. Même si ceci pourrait être nécessaire pour ramener l’inflation à deux pour cent, si toutefois les responsables en matière de politique monétaire le veulent. De leur point de vue, il pourrait y avoir un compromis nuancé entre le taux de chômage et l’inflation. Si des facteurs comme la mondialisation fragmentée et la transition énergétique entraînent une hausse de l’inflation structurelle, le benchmark de la politique monétaire devra probablement être plus flexible qu’un objectif général de l’inflation fixé à deux pour cent.

Les marchés baissiers continuent à grogner

Entre-temps, l’ambiance du marché reste «bearish» - avec pratiquement aucune pause des rendements négatifs pour la plupart des catégories d’investissement liquides au mois d’avril. Les rendements obligataires continuent d’augmenter. Les credit-spreads ont continué leur extension après le retour à zéro du premier élargissement au cours de la deuxième quinzaine de mars pour des raisons dues à la guerre. Les marchés des actions affichent au mieux une évolution latérale. Depuis la mi-janvier, le S&P 500 présente une marge commerciale comprise entre 4’200 et 4’600 points, le NASDAQ Composite est noté entre 12’500 et 14’500 points. Comme la volatilité était relativement haute, nous avons affaire à un environnement difficile. Jusqu’à présent, il y a eu cette année huit jours pendant lesquels les rendements des obligations souveraines des Etats-Unis sur dix ans ont varié de plus de dix BP, contrairement à cinq jours en 2021. Pour les obligations fédérales sur dix ans, ce fut cette année le cas pendant six jours, par rapport à un seul jour pour toute l’année précédente.

Grande avancée de la réévaluation des obligations

Nous sommes d’avis que pour les rendements des Etats-Unis, avec leur trois pour cent, un pic est imminent. Certes, la Fed n’a pas encore signalé que le Fed Funds Rate doit être nettement supérieur à ce niveau. Il est probable que l’inflation affiche une certaine détente dans les semaines à venir. Par ailleurs, la réévaluation des obligations est plus avancée que celle des actions. Les performances du marché des bons du trésor des Etats-Unis enregistrées pour le premier trimestre étaient le double de l’écart standard du total des recettes trimestrielles globales depuis 1975. Pour le S&P, la diminution trimestrielle n’a même pas atteint un écart standard de sa performance trimestrielle historique. L’écart entre le rendement nominal des bénéfices et le taux sans risque continue à diminuer sur les marchés des Etats-Unis.

Rendements obligataires intéressants

Les analystes de sell side évaluent les obligations de manière de plus en plus positive, et il existe un certain nombre de recommandations concernant une augmentation de la duration. Dans les portefeuilles des clients, les titres à rémunération fixe sont peu appréciés bien qu’il y ait longtemps que ces rendements n’ont pas été aussi intéressants - alors que sur le marché des actions, les ratio cours sur bénéfices restent élevés (surtout aux Etats-Unis) car les actions sont soutenues par de hauts bénéfices. A l’heure actuelle, les résultats de l’univers S&P des Etats-Unis affichent au total peu de surprises positives en termes de croissance du produit de la vente et de bénéfices pour le premier trimestre – même s’il faut souligner quelques fautes remarquables dans les secteurs comme les biens de consommation cycliques et l’approvisionnement.

établir une certaine sécurité

Cela vaut la peine de se rappeler que les actions ont tendance à afficher de moindres résultats quand l’économie s’effondre véritablement et que les rendements baissent. Ceci est précédé d’une hausse des taux. Certes, la situation n’est pas encore aussi grave. Mais l’apport lent d’obligations pendant la hausse des rendements offrira au final davantage de sécurité dans un portefeuille multi-actifs si les rendements des actions continuent de diminuer.

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