Gérer la normalisation du cycle

Emmanuel Ferry, Banque Pâris Bertrand Sturdza

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Les années de reflation unilatérale des classes d’actifs sont derrière nous. C’est le moment de repenser les lignes de défense de l’allocation d’actifs.

 

Une décennie de gestion de la crise financière par les banques centrales a tiré la valorisation combinée des classes d’actifs (actions, taux, crédit) à un niveau record. Cela pose deux problèmes: d’une part, le rendement attendu à long terme d’un portefeuille diversifié 60/40 (60% Actions, 40% Obligations) tombe à 2% en termes réels contre une moyenne historique de plus de 4% au cours de l’ensemble du 20e siècle; d’autre part, la capacité diversifiante de la poche obligataire est non seulement limitée par le faible niveau des taux d’intérêt, mais aussi discutable en cas de remontée de l’inflation au-delà d’un certain seuil (phénomène de corrélation à la baisse entre les deux grandes classes d’actifs). A court terme, l’investisseur doit intégrer trois facteurs de risque: 1/ la sphère financière est plus vulnérable, 2/ le risque de récession est élevé à horizon 2 ans, 3/ les marges d’intervention des Etats et des banques centrales pour contrer une nouvelle crise financière sont limitées.

«La question pour l’investisseur n’est donc pas de se désinvestir
mais plutôt d’adapter son processus de gestion.»

La normalisation macro-financière se traduit par un couple croissance/inflation plus équilibré, un resserrement des conditions de crédit plus avancé, un changement de régime de la volatilité, un éloignement du «put banque centrale», un rôle accru des fondamentaux vs. liquidité et une meilleure discrimination dans la rémunération de la prise de risque. La normalisation signifie pour l’investisseur des tendances fortes sur les classes d’actifs mais associée avec une dispersion élevée entre les classes d’actifs. La question pour l’investisseur n’est donc pas de se désinvestir mais plutôt d’adapter son processus de gestion à cette nouvelle donne. 

La première ligne de défense est la diversification des portefeuilles sur l’ensemble des classes d’actifs. Un niveau élevé de diversification permet de préparer le portefeuille à la fois à des rotations de classes d’actifs mais aussi à des rotations de styles, de régions ou de tout autre ordre macro-économique. L’univers d’investissement doit inclure un ensemble exhaustif de classes d’actifs afin de pouvoir conférer un caractère tout terrain au portefeuille. A cet effet, le contexte de marché est désormais propice à ces rotations de fin de cycle. Ainsi, posséder des actifs liés à la reprise de l’inflation et à la remontée des taux (TIPS, matières premières, sociétés Value) est aussi important que conserver des actifs défensifs (Obligations d’Etat, sociétés Low Risk) ou capables de capter les mouvements de change (dette EM en devise locale, sociétés domestiques vs. multinationales). La diversification doit ainsi pouvoir répondre aux possibles changements de régime économique.

«L’objectif est la recherche de convexité
et d’asymétrie dans le portefeuille.»

Cependant, afin d’exprimer cette diversification, l’allocation du portefeuille doit suivre un processus de gestion active. C’est la deuxième ligne de défense. L’objectif est la recherche de convexité et d’asymétrie dans le portefeuille. La gestion active permet d’utiliser au mieux le levier de la diversification. Elle vise à adapter l’allocation du portefeuille en fonction des conditions de marché. De plus, le processus actif doit permettre le désinvestissement du portefeuille en cas de choc de marché et de re-corrélation des classes d’actifs (perte de diversification). Dans un contexte de valorisation élevée aussi bien sur les Actions que sur les Obligations d’Etat et le Crédit, l’utilisation du Cash comme classe d’actifs ultimement dé-corrélée peut redevenir cruciale en cas de baisse concomitante des trois grandes classes d’actifs.

Plusieurs options sont envisageables pour générer des choix d’investissement actifs. La voie d’un processus systématique semble être adaptée pour répondre de manière optimale à l’exigence de gestion du risque et constitue la troisième ligne de défense. Le caractère discipliné d’un processus de gestion systématique fait d’autant plus de sens en cas de scenario extrême de marché pour un cadrage rigoureux du risque. De plus, le caractère reproductible d’une telle gestion permet de construire le processus sur la complémentarité des payoffs. Ainsi, combiner une approche momentum (profil convexe) avec une approche risk-parity (profil long-only controlé) et une approche carry (profil concave) confère stabilité et diversification au processus d’allocation.

Pour les prochaines années, l’efficience du processus de gestion sera la clé pour la génération d’une performance solide. Il faut ainsi repenser la diversification des portefeuilles au travers des classes d’actifs et des processus d’allocation dans le cadre d’une gestion active. Les années de reflation unilatérale des classes d’actifs sont derrière nous. Elles avaient placé l’investisseur dans le siège du passager avec la préférence pour la gestion passive. La normalisation macro-financière coïncide avec un retour de la dispersion entre les classes d’actifs et des tendances plus marquées. Cela nécessite de repasser en mode actif. Dans ce contexte, nous sommes convaincus que c’est la solidité du processus d’allocation qui fera la différence.

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