Frappes US sur l’Iran: pourquoi le prix du pétrole ne monte pas?

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Le transit des tankers dans le très stratégique détroit d’Ormuz, qui relie le golfe Persique au golfe d’Oman, ne semble à ce stade pas perturbé par Téhéran.

Les prix du pétrole n’ont que peu réagi à l’attaque américaine sur l’Iran survenue dimanche matin, le marché semblant pour le moment écarter le scénario catastrophe d’une riposte de Téhéran sur le détroit d’Ormuz, où transite 20% du brut mondial.

Ormuz épargné

Les cours de l’or noir ont connu un bref sursaut lundi en ouverture de séance, avant de se stabiliser.

Vers 13h20 GMT, le baril de Brent de la mer du Nord, la référence mondiale, grappillait 0,19% à 77,16 dollars, après être monté jusqu’à 81,40 dollars, un niveau inédit depuis janvier, lorsqu’il avait été propulsé par des sanctions contre le secteur énergétique russe.

La «réaction modérée» du marché lundi «suggère que les investisseurs n’anticipent pas encore une perturbation majeure de l’approvisionnement mondial», estime Daniela Sabin Hathorn, analyste chez Capital.com.

Le transit des tankers dans le stratégique détroit d’Ormuz, qui relie le golfe Persique au golfe d’Oman, n’est d’ailleurs à ce stade pas perturbé par Téhéran.

Plus de 20 millions de barils de brut y transitent chaque jour, soit un cinquième des flux pétroliers mondiaux et un tiers du trafic maritime de pétrole.

Ce passage est particulièrement vulnérable en raison de sa faible largeur, 50 kilomètres environ, et de sa profondeur, qui n’excède pas 60 mètres.

Sa fermeture constituerait un «cauchemar absolu» qui ferait exploser les prix, selon Arne Lohmann Rasmussen, analyste de Global Risk Management.

Interrogé par l’AFP, Ole Hvalbye, de SEB, estime que le seuil des 100 dollars serait dépassé pour le baril de Brent.

Craintes modérées sur la réplique iranienne

Ormuz est «hautement surveillé d’un point de vue mondial», notamment par la marine américaine, relève Ole Hvalbye. «Un véritable blocus pendant des semaines est très improbable.»

L’analyste n’exclut cependant pas des attaques ciblées sur des compagnies maritimes occidentales de la part de «petites embarcations avec des armes, par des mines» ou des missiles.

Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a prévenu lundi qu’un blocage d’Ormuz constituerait «une autre terrible erreur» et «un suicide économique» pour Téhéran, qui dépend des exportations de pétrole.

Certains investisseurs «pensent que l’Iran évitera de riposter pleinement et de provoquer un chaos régional afin de protéger ses propres installations pétrolières», qui pourraient devenir des cibles, selon Ipek Ozkardeskaya, de Swissquote Bank.

Une escalade nuirait en outre à la Chine, principal client du pétrole de l’Iran, neuvième producteur au monde avec 3,3 millions de barils par jour.

Un risque déjà pris en compte

«Les marchés réagissent de moins en moins à l’actualité», observe Mme Ozkardeskaya, pour qui «ce manque de réaction est fascinant.»

Il faut dire que le risque géopolitique, après le déclenchement mi-juin de la guerre entre l’Iran et Israël, a déjà été largement intégré dans les prix avec les craintes de frappes américaines sur le territoire iranien, qui ont finalement eu lieu dimanche.

Au plus fort du pic atteint dans la nuit de dimanche à lundi, le Brent a été jusqu’à 15% plus cher qu’avant les hostilités en Iran.

Pour Giovanni Staunovo, analyste chez UBS, interrogé par l’AFP, cette «prime de risque» géopolitique s’élève à environ 10 dollars le baril.

Des alternatives

Une hausse de prix finirait par s’atténuer avec la «libération des réserves stratégiques, en particulier aux États-Unis et en Chine», remarque Ole Hansen, analyste de Saxo Bank.

Il note aussi qu’une partie des exportations de pétrole de l’Arabie saoudite et des Emirats pourrait être réorientés «via des pipelines vers des installations situées à l’extérieur du détroit».

Une prévision cependant tempéré par Ole Hvalbye, pour qui il n’existe pas «d’alternative immédiate» à Ormuz, sinon «un oléoduc allant du Qatar vers l’ouest, mais avec une moindre capacité».

En outre, signale Stephen Innes, analyste chez SPI AM, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+) --qui a déjà augmenté plus que prévu sa production cette année-- possède une capacité inexploitée d’environ 5,2 millions de barils par jour, en particulier en Arabie saoudite.

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