L’année 2024 s’est achevée dans un climat d’incertitude en France: sans budget, sans croissance et avec une visibilité politique limitée. Le gouvernement Bayrou, confronté à une pression politique intense, semble prêt à faire des concessions majeures sur les finances publiques pour assurer sa survie, allant jusqu’à envisager une hausse des taxes sur les forces productives et une révision de la réforme des retraites.
Sur le plan économique, la situation reste fragile. Le taux d’épargne des ménages a atteint un niveau historiquement élevé, dépassant 18% du revenu disponible, soit trois points de plus qu’avant la pandémie. Cette sur-épargne, présente également en Allemagne, en Italie et en Espagne, reflète une prudence face à des chocs récents comme l’inflation et les tensions géopolitiques. La consommation, moteur clé de la croissance française, n’a pas retrouvé son dynamisme. Par exemple, les ventes de véhicules, indicateur significatif de la demande intérieure, stagnent autour de 200'000 unités par mois, bien en deçà des niveaux pré-pandémiques.
La croissance prévue pour 2025, initialement estimée à 1,1%, a été révisée à 0,8%. Toutefois, ce chiffre reste optimiste compte tenu des signaux économiques négatifs. En 2024, le PIB avait bénéficié d’un apport exceptionnel des Jeux olympiques et des exportations, qui ont contribué à hauteur de 1 point, soit 90% de la croissance totale. La demande intérieure, quant à elle, est restée quasi nulle. En outre, les prévisions fiscales montrent que le déficit public atteindra 5,4% du PIB en 2025, au lieu des 5% initialement prévus, ce qui représente une diminution de l’effort budgétaire d’environ dix milliards d’euros.
Les mesures fiscales envisagées pour compenser ces déficits incluent une surtaxe sur les bénéfices des entreprises, qui devrait rapporter huit milliards d’euros, et une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, estimée à deux milliards d’euros. De plus, une augmentation de la «flat tax» sur les revenus du capital de 30% à 35%, ainsi qu’un alourdissement de la taxation des transactions financières, sont à l’étude. Ces propositions, bien qu’ambitieuses, risquent d’accentuer la pression sur les entreprises et les investisseurs.
Le marché du travail, lui aussi, montre des signes de faiblesse. Les craintes de chômage, mesurées par des indices INSEE, sont à des niveaux supérieurs à leur moyenne historique. Le nombre de demandeurs d’emploi, toutes catégories confondues, dépasse toujours les 5,5 millions, tandis que les conditions de crédit se resserrent, avec une baisse de 5% des prêts aux entreprises non financières en 2024. Cette tendance risque de freiner les investissements nécessaires à une reprise durable.
Sur le plan politique, le Premier ministre François Bayrou doit convaincre le Parti socialiste de soutenir son gouvernement pour éviter une nouvelle motion de censure. Lors de la chute de Michel Barnier en décembre, une alliance entre les partis de gauche et le Rassemblement National avait permis d’atteindre les 289 voix nécessaires pour renverser le gouvernement. Cette fois, la survie politique de Bayrou repose sur l’obtention des 66 votes socialistes pour contrer les forces d’opposition. Si cette tentative échoue, le gouvernement pourrait être à la merci des caprices de l’opposition.
Les indicateurs économiques et de confiance peignent un tableau sombre. Les PMI manufacturiers et des services se situent respectivement à 41,9 et 49,3, bien en deçà des seuils de croissance (50). L’indice composite de l’INSEE, qui mesure le climat des affaires dans tous les secteurs, oscille autour de 97, alors que sa moyenne de long terme est fixée à 100. Ces signaux reflètent une économie au bord de la récession, avec peu de garanties d’une amélioration rapide.
Dans ce contexte, les mois à venir seront déterminants. L’adoption d’un budget d’ici mars 2025 est essentielle pour rétablir la confiance des ménages et des marchés. Cependant, les défis restent immenses. Le retour à une croissance soutenable nécessitera une stratégie audacieuse, alliant réformes structurelles et soutien à la demande intérieure. Sans cela, la France risque de prolonger une période de stagnation économique, marquée par une fragilité sociale et politique persistante. Nous restons sous-pondérés sur les grandes capitalisations européennes, les obligations souveraines française et l’euro.