Ethereum 2.0 – Une mue spectaculaire et silencieuse

Yves Longchamp, SEBA Bank

3 minutes de lecture

Chronique blockchain. Une réforme qui a pour but d’améliorer la capacité de la blockchain Ethereum 1.0 à traiter un grand nombre de transactions.

Ethereum, la deuxième blockchain la plus connue après bitcoin, commencera fin juin une longue mue qui la transformera de façon spectaculaire et silencieuse. Si la mue aboutit, elle passera d’un algorithme Proof-of-Work (PoW) à un algorithme Proof-of-Stake (PoS) moins énergivore, et augmentera sensiblement sa capacité à traiter des transactions. Dans cette chronique, nous décrivons les grandes lignes de ce projet. Si vous n’êtes pas un afficionado de la blockchain, cet article devrait vous permettre de saisir les enjeux de la mue et d’ajouter à votre vocabulaire quelques termes techniques que je tenterai de vous expliquer le mieux possible.

Le problème d’Ethereum 1.0

Ethereum est un écosystème blockchain qui a été pensé et conçu pour les smart contracts, des contrats qui s’auto-exécutent sans avoir recours à une partie tierce. Suite au succès d’une application (cryptoKitties) qui a engendré un grand nombre de transactions, le réseau a été congestionné et a sensiblement ralenti. Afin d’améliorer les performances de la blockchain, de la rendre plus rapide et ainsi capable de gérer un plus grand nombre de transactions, Ethereum entame le 30 juin la phase 0 de sa mue. La phase 2, la dernière, est prévue pour 2022 s’il n’y a de retard.

Les mineurs du PoW déploient beaucoup d’énergie pour battre leurs compétiteurs.
Quelques définitions

L’objectif de la phase 0 est la création de la beacon chain qui permettra le passage du consensus PoW à PoS.

PoW est un consensus de validation des transactions basée sur le travail. Si un mineur, effectue correctement et le plus rapidement le travail de validation des transactions pour la blockchain, il reçoit une gratification sous la forme de cryptomonnaie. Comme il faut être le plus rapide, les mineurs du PoW déploient beaucoup d’énergie pour battre leurs compétiteurs. L’inconvénient d’un tel algorithme est que le travail de l’ensemble des mineurs, à l’exception du plus rapide, est quelque part gaspillé puisqu’il ne sert pas à traiter un plus grand nombre de transactions1. Le résultat est que la blockchain PoW avance à la vitesse du mineur le plus rapide et qu’il n’est pas possible d’en faire travailler plusieurs en même temps, en parallèle.

C’est là qu’entre en jeu PoS, un algorithme dont la philosophie différente permet à plusieurs mineurs, que l’on appelle validateurs (validators en anglais), de travailler en parallèle. L’idée est que si l’on travaille en parallèle sur une chaine de montage, on augmente la productivité, ce qui dans le cas de la blockchain revient à augmenter la vitesse de traitement de transactions. Notez en passant que la chaine de montage doit être réaménagée pour permettre le travail en parallèle, c’est ce que promet la beacon chain.

Pour participer au consensus PoS, les validateurs mettent en caution des ethers, la cryptomonnaie d’ethereum. S’ils travaillent correctement, ils reçoivent une gratification sous forme de cryptomonnaie, sinon ils perdent leur caution. Contrairement à PoW, il n’y a pas de compétition entre les validateurs puisqu’il n’y a pas nécessité d’être le plus rapide. Aussi peut-on faire travailler en parallèle plusieurs validateurs et réduire la consommation énergétique2.

Phase 0: Aménagement et basculement

Actuellement, ethereum 1.0 fonctionne dans le mode PoW. Les deux principaux défis de la phase 0 sont (i) d’aménager la chaine de montage pour permettre le travail en parallèle et (ii) de la faire basculer dans la logique PoS et ceci sans interrompre les activités. Ceci revient à changer le moteur d’une voiture à essence en électrique sans que celle-ci ne s’arrête jamais et sans que les passagers s’en aperçoivent, une transformation spectaculaire et silencieuse.

Il faut que les mineurs d’ethereum 1.0 changent de travail
et deviennent les validateurs d’Ethereum 2.0.

La chaine de montage actuelle est standard. Elle est constituée d’une seule blockchain (ethereum 1.0) qui fonctionne selon les règles PoW. Avec la phase 0, la chaine de montage devient multiple. Au sommet de la hiérarchie, il y aura la beacon chain qui deviendra à terme la nouvelle chaine principale ou Ethereum 2.0. Au-dessous de celle-ci se trouveront des shards, c’est-à-dire des blockchains – probablement au nombre de 64 – qui opéreront en parallèle selon les règles PoS et permettront ainsi à 64 validateurs de travailler en même temps. Le résultat de leur travail sera ensuite envoyé dans la beacon chain pour l’assemblage final. A terme, Ethereum 1.0 sera intégrée avec les 64 sous-chaines et ne sera qu’une parmi d’autre.

Pour réussir cette mue, un basculement des habitudes est impératif. Concrètement, il faut que les mineurs d’ethereum 1.0 changent de travail et deviennent les validateurs d’Ethereum 2.0. Or, dans le monde décentralisé de la blockchain, il n’y a pas de CEO qui impose la transition, chaque mineur est libre de rester mineur ou de suivre le mouvement et chacun de nous est libre de devenir validateur ou non. Par conséquent, pour que cette mue s’opère, un système d’incitation est mis en place afin d’attirer un maximum de validateurs et permettre à la nouvelle organisation de se mettre en branle.

En conclusion

Ethereum 2.0 est une mue ambitieuse qui a pour but d’améliorer la capacité de la blockchain Ethereum 1.0 à traiter un grand nombre de transactions. La phase 0 qui débute à la fin du mois consiste à créer la beacon chain, les sous-chaînes, et à attirer le plus grand nombre de validateurs. Si cette transition réussit, Ethereum s’établira probablement dans la durée comme la plateforme de référence pour les smart contracts. Le défi est grand. Le risque d’un bug n’est jamais écarté, au risque de repousser à après 2022 la mue, laissant le temps à d’autres blockchains concurrentes de se profiler3.

 

1 L’ensemble du travail des mineurs augmente la sécurité de la blockchain.
2 Le désavantage de cette approche est une sécurité moindre.
3 Pour une analyse plus approfondie, vous pouvez consulter notre publication (en anglais): The Digital Investor - Phase 0: One Small Step for Ethereum, One Giant Leap for Decentralised Networks

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