Etats-Unis, en mars et ça repart!

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Le plan Biden relance le moteur économique US et pourrait redorer le blason de son modèle économique, face à ses alliés comme à ses rivaux.

«America is back!» a proclamé Joe Biden. Il semble s’en être donné les moyens. Tout d’abord en réussissant à faire adopter dans sa quasi intégralité un plan de soutien économique massif – le 3e depuis le début de la pandémie – qu’une large majorité d’américains approuve. Ensuite en accélérant la campagne de vaccinations, tenant ainsi sa promesse de voir 100 millions de ses concitoyens vaccinés (90 millions ont bien reçu une première injection à ce jour) dans les premiers cent jours de son mandat.

Sur le plan économique, les intempéries extrêmes du mois de février, l’attente de nouveaux chèques d’aide après les fêtes de fin d’année, ne permettent pas de retracer fidèlement l’état de la conjoncture à l’approche du printemps. Quelques indicateurs avancés sont plus révélateurs: les indices préliminaires PMI1 de mars dans l’industrie comme dans les services, déjà nettement au-dessus de leurs niveaux d’avant-crise, continuent de progresser. Les dernières inscriptions hebdomadaires au chômage qui n’ont cessé de baisser, sont revenues sous le seuil d’avant-crise. On s’attend à une nette amélioration de l’emploi au printemps et à une poursuite de la baisse du chômage, alors que l’activité domestique reprend.

Les mesures budgétaires de soutien ont été décisives dans un pays
où les amortisseurs sociaux sont bien moins étendus qu’en Europe.

La reprise en cours marquerait-elle le triomphe du modèle économique américain alliant flexibilité extrême du marché du travail, productivité retrouvée et fiscalité réduite? Sans conteste, les mesures budgétaires de soutien ont été – et seront – décisives dans un pays où les amortisseurs sociaux sont bien moins étendus qu’en Europe. Au choc initial du chômage, en hausse brutale au printemps, a succédé une baisse non moins spectaculaire, dès la réouverture des entreprises et des commerces. La distribution de chèques d’aide aux ménages, l’allongement de la durée des allocations chômage, la suspension des expulsions et les aménagements de dettes, ont permis de limiter l’ampleur de la récession. La consommation des ménages étant prépondérante dans l’économie américaine (plus de 70% du PIB), les effets de ces mesures ciblées ont été plus largement ressentis qu’en Chine par exemple où la consommation ne pèse que pour près de 40% du PIB, face à l’investissement, levier toujours central du modèle de croissance du pays.

Le plan Biden s’inscrit dans cette continuité. Il n’en serait cependant que la première étape sur le chemin d’une politique plus large et ambitieuse, s’inscrivant, elle, dans la tradition de ses plus éminents prédécesseurs Démocrates, du New Deal de Franklin Roosevelt, à la Great Society de Lyndon Johnson.

Le Président Biden compte lancer une politique
plus ambitieuse de réduction des inégalités.

Ainsi, l’équipe présidentielle prépare-t-elle déjà un nouveau plan budgétaire, centré cette fois sur la relance de grands travaux d’infrastructures, de 3’000 milliards de dollars. Le Président de son côté n’a pas hésité à soutenir publiquement la formation de syndicats chez Amazon, comme à promouvoir la hausse du salaire minimum dans la fonction publique fédérale (même si la mesure a été retirée du précédent projet budgétaire, elle reste d’actualité). Il est soutenu par la Réserve Fédérale dont nous avons déjà signalé le changement d’orientation dans les objectifs de politique monétaire, et aligné avec sa Secrétaire d’Etat au Trésor, qui dès sa première audition au Congrès, a dévoilé son projet fiscal. Le Président Biden compte lancer une politique plus ambitieuse de réduction des inégalités, de recentrage économique et industriel domestique et de promotion d’une croissance verte.

Outre l’opposition intégrale du parti Républicain, l’Administration trouve déjà sur son chemin les modérés du parti Démocrate, inquiets du risque de surchauffe, de l’augmentation de la dette publique et des déficits extérieurs – au profit de la Chine entre autres - faisant craindre un retour de l’inflation (avec pour cause une possible rigidification du marché du travail), et l’effondrement de la bourse (hausse de la fiscalité des entreprises et de la réglementation financière, et en faveur du climat).

Après ces premiers succès, le Président Biden, prompt à dénoncer le recours aux procédures parlementaires dilatoires du Filibuster2, risque de se heurter à de rudes oppositions au Congrès et peut-être également à la Cour Suprême. Les dégâts humains et économiques laissés par la gestion de la pandémie lui commandent d’avancer, mais le chenal est étroit, le danger de l’ensablement certain.

 

1 PMI, purchasing manager index, indice de confiance des directeurs d’achats
2 Filibuster: procédure d’obstruction parlementaire qui, en l’absence d’une majorité de plus de 60 Sénateurs pour voter une législation, peut en retarder voire empêcher l’adoption.

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