ESG: vers une redéfinition en profondeur des critères de durabilité

Yves Hulmann

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Selon Fidelity International, presque toutes les normes environnementales appliquées dans l’UE et le Royaume-Uni auront été revues d’ici la fin de la décennie.

©Keystone

 

C’est un calendrier de réformes particulièrement chargé qui attend les investisseurs, gérants ou toutes les personnes concernées par les questions liées à l’investissement durable ces prochaines années. Selon une présentation effectuée par le gérant de fonds Fidelity International fin janvier, pratiquement toutes les réglementations les plus influentes dans ce domaine, à commencer par celles qui s’appliquent dans l’Union européenne, connaîtront d’importants changements dans un délai quatre à cinq ans. Qu’il s’agisse de la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD), des règles de Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) s’appliquant aux produits d’investissement ou encore de celles de MIFID 2 qui ont pour objectif de garantir que les préférences des clients en matière de durabilité ont été prises en compte dans le processus de placement, de nombreuses adaptations sont en cours ou en voie de finalisation, en particulier en 2024 et en 2025.

Des incohérences entre les différentes régulations

Pourquoi est-il envisagé de procéder à autant de réformes actuellement ? Pour Jenn-Hui Tan, Chief Sustainability Officer chez Fidelity International, la nécessité de réformer les règles qui encadrent la finance durable résulte d’un besoin d’harmonisation entre certaines réglementations. Globalement, la régulation en matière de finance durable est incohérente, constatent les experts de Fidelity International. Dans le domaine des obligations de reporting des entreprises, la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) dans l’UE diffère des normes de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) applicables sur le plan mondial. De plus, beaucoup de pays qui adoptent les règles d’ISSB les interprètent malgré tout différemment.

«Globalement, la régulation en matière de finance durable est incohérente, constatent les experts de Fidelity International.»

Au niveau des produits, les règles de SFDR dans l’UE diffèrent de celles de SDR (Sustainability Disclosure Requirements) au Royaume-Uni. L’Australie et Singapour misent sur une approche prévoyant des labels, tandis que la France a développé son propre label. Quant à l’idée d’attribuer des notations ESG aux entreprises, comme on le fait pour la qualité de crédit des obligations, des projets sont envisagés aussi bien au Royaume-Uni, dans l’UE ainsi qu’en Asie, notamment au Japon, à Singapour et à Hongkong.

Une redéfinition de SFDR est en cours

Dans le domaine de la régulation qui s’applique aux produits, la régulation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) est aussi un grand chantier. Le cadre actuel, qui distingue entre ce qui relève de l’article 8 (produits qui promeuvent des caractéristiques environnementales et/ou sociales) et de l’article 9 (produits qui ont pour but de promouvoir l’investissement durable) plus strict ou simplement de l’article 6 (produits financiers qui ne font pas la promotion des caractéristiques environnementales et/ou sociales et qui n’ont pas un objectif d’investissement durable et qui ne répondent pas à la définition des articles 8 et 9), pourrait être remplacé par une approche qui prévoit quatre labels.

Peu de soutien à la transition

Pourquoi faudrait-il revoir la répartition actuelle de SFDR ? Fidelity International mentionne plusieurs défis en lien avec le système actuel. Premièrement, les différentes exigences de divulgations actuelles prévues dans les articles 6, 8 et 9 sont utilisées de facto comme des labels. Deuxièmement, l’étendue de ce qui est considéré comme durable parmi les fonds relevant de l’article 8 est extrêmement vaste et ne répond pas aux objectifs de la Commission pour lutter contre l’éco-blanchiment. Troisièmement, en se concentrant avant tout sur les émetteurs qui sont déjà les plus durables, le cadre actuel restreint la possibilité de financer les émetteurs encore en phase de transition. Les consultations effectuées pour améliorer SFDR, qui se sont terminées en décembre 2023, devraient permettre de faire émerger de nouvelles proposition – mais au plus tôt à partir de 2025, estiment les experts de Fidelity International.

Quatre labels distincts

Quant à savoir à quoi pourrait ressembler la future réglementation SFDR, quatre labels sont envisagés. Le premier serait attribué aux leader thématiques (Thematics/Leaders), à savoir des produits qui sont déjà durables. Le deuxième serait consacré à la transition ou à l’amélioration (Transition/Improver). Le troisième serait l’impact, à savoir des produits qui peuvent démontrer quel est l’effet concret de leurs investissements. Enfin, le quatrième porterait sur les exclusions, soit des produits qui excluent simplement les émetteurs les moins durables.

Des changements attendus aussi outre-Manche

Au Royaume-Uni, les exigences prévues dans le cadre de SDR (Sustainability Disclosure Requirements) se concentrent sur la protection des investisseurs de détail. Ces règles, qui prévoient un encadrement précis de l’usage de termes tels que ESG ou «sustainable» devraient entrer en vigueur cette année. Dans un premier temps, les règles contre l’éco-blanchiment entreront en vigueur en mai 2024. Ce sera le cas en décembre pour les règles s’appliquant à la dénomination et la promotion des produits d’investissement. Quelle que soit la législation concernée, une attention croissante sera portée sur les questions de transparence, observe Jenn-Hui Tan.

Enfin, au-delà des directives nationales ou régionales telles que CSRD, SFDR ou SDR, il faut aussi tenir compte des nombreux changements qui interviendront dans le cadre des différents groupes de travail «task force» spécifiques telles que la Transition Plan Taskforce (TPT) ou la Task Force on Climate Related Financial Disclosures (TCFD). Pour celles-ci, le calendrier sera tout aussi chargé, observe Fidelity International qui répertorie l’ensemble de ces changements dans un aperçu allant jusqu’à 2030. 

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