Entreprises et engagement: le COVID-19 change la donne

Sasja Beslik, J. Safra Sarasin Asset Management

3 minutes de lecture

Avec la pandémie, les priorités ont évolué. Il est plus difficile de sensibiliser les conseils d’administration au durable.

©Keystone

L‘engagement a pour but de sensibiliser les entreprises aux enjeux du développement durable par le biais d’un dialogue constructif, et si possible, de faire de ces discussions un axe de développement prioritaire dans les nouvelles mesures exposées pendant les conseils d’administration. A l’heure où les entreprises se focalisent, à juste titre, sur la gestion immédiate de la crise du coronavirus, il est plus difficile de convaincre les conseils d’administration de se consacrer sur ces sujets. Nous sommes conscients que les priorités ont évolué, mais nous devons aussi veiller à ce que les questions de développement durable ne sombrent pas dans l’oubli, et encourager les sociétés à poursuivre leurs efforts en ce sens lorsqu’elles le peuvent. Même dans ce contexte de pandémie de courte durée, nous gardons un objectif d’investissement à long terme.

Les décisions à court terme ne produisent que des effets à court terme.

Les perturbations provoquées par la crise de la COVID-19 ont remis la dimension «sociale» au centre des considérations ESG. Il existe un lien entre ces facteurs et la performance et les rendements à long terme. Les décisions à court terme prises durant la pandémie de la COVID-19 vis-à-vis du capital humain, de la clientèle ou de la société dans son ensemble peuvent avoir de profondes répercussions. En matière de gestion des effectifs, les décisions varient fortement d’un secteur à l’autre et sont généralement dictées par un ensemble de facteurs, comme l’évolution de la demande de produits, les fermetures imposées par l’Etat, la trésorerie, le type de personnel (p. ex. un emploi payé à l'heure par rapport à un emploi salarié) et la possibilité pour les employés d’avoir recours au télétravail. L’importance des aides fiscales constitue un autre facteur déterminant. Méfions-nous des conséquences à long terme des décisions affectant le capital humain sur la satisfaction des employés et sur la culture d'entreprise. La façon dont chaque entreprise traite ses clients et les efforts consentis pour faciliter les choses et apporter des solutions à la crise de la COVID-19 pourraient avoir une influence déterminante sur la notoriété de sa marque et contribuer à améliorer durablement ses relations avec ses collaborateurs.

Une bonne réputation s’acquiert au prix de nombreux efforts.

Une étude de 2017 réalisée par Optimy, un cabinet de conseil spécialisé dans le développement durable en entreprise, suggère que 60% des clients sont prêts à payer davantage pour des produits commercialisés par des entreprises ayant une solide réputation et qui prônent de bonnes valeurs. D’autre part, 71% des milléniaux choisiraient de travailler pour une société qui a fait preuve d’un engagement citoyen sans faille. Comme le dit l’adage: «Une bonne réputation est le fruit de nombreux efforts, mais un seul faux pas peut suffire à la ruiner». L’attention va se focaliser sur la façon dont les entreprises traitent leurs clients – dont beaucoup éprouvent d’importantes difficultés financières –, et sur les mesures qu’elles prennent pour aider la société dans son ensemble à traverser cette situation sans précédent. Leurs agissements et leurs décisions seront scrutés avec attention et pourraient avoir une influence déterminante sur leur réputation auprès des différentes parties prenantes. Celles qui parviendront à s’adapter à un environnement qui évolue rapidement tout en maximisant les avantages offerts à l’ensemble des forces en présence (ou en minimisant les perturbations) pourraient en tirer un avantage compétitif à long terme.

L’investissement durable est devenu incontournable
Source: «The Millennial Investor», Julian Seelan, Investments & Wealth Monitor, avril 2019, ISR = investissements socialement responsables
 
Les questions auxquelles il faut répondre

Voici une sélection de questions importantes dans le cadre du dialogue avec les entreprises. Elles sont centrées sur les impacts sur le capital humain, sur la clientèle et sur les populations au sein desquelles les entreprises exercent leurs activités:

  • Quels sont les efforts déployés pour accompagner les employés pendant la crise de la COVID-19?
  • Quelles sont les implications à court terme en termes de coûts des décisions affectant le capital humain?
  • En matière de gestion du capital humain, des obligations syndicales ou contractuelles impactent-elles la prise de décisions?
  • Si des employés ont été mis au chômage technique temporaire, la durée de leur mise à pied leur a-t-elle été communiquée de façon transparente? De quels avantages sociaux et de quel accompagnement peuvent-ils bénéficier pendant leur absence?
Il faut garder en tête le challenge du changement climatique.
Il pourrait avoir des impacts bien plus néfastes sur nos écosystèmes.
  • Quels sont les efforts déployés pour maintenir le dialogue avec les employés? Lorsque les conditions de travail ont changé, quelles mesures ont été prises pour s’assurer que les employés restent efficaces et productifs?
  • Y a-t-il eu des changements au niveau de la direction (p. ex.: des baisses de salaires) en réponse aux perturbations provoquées par la COVID-19?
  • Si la demande se redresse, combien de temps faudra-t-il pour reconstituer les effectifs?
  • Quelles sont les mesures prises par l’entreprise pour accompagner les clients en proie à des difficultés financières du fait des perturbations provoquées par la COVID-19?
  • Quel sera l’impact sur l’entreprise des diverses mesures prises par l’Etat?
  • L’entreprise a-t-elle consenti des efforts exceptionnels pendant la crise pour accompagner davantage les communautés qui l'entourent?
Nous devons choisir

La pandémie de coronavirus est une crise mondiale sans précédent. Les impacts humain, économiques et financiers sont d’ores et déjà considérables, et à ce jour, nul ne sait précisément d’ici combien de temps le virus sera sous contrôle et quand une activité économique normale pourra reprendre. Au niveau macroéconomique, l’Agence internationale de l’énergie a averti que le ralentissement économique allait vraisemblablement porter un coup d’arrêt à un grand nombre de projets écologiques financés par les finances publiques, puisque les Etats distribue des subventions exceptionnelles dans l’urgence afin de maintenir leurs entreprises et leur population à flot. Les évènements sanitaires ont relayé les mesures concernant le changement climatique au second plan. Il est important de garder en tête ce challenge dans la mesure où il pourrait avoir des impacts bien plus néfastes sur nos écosystèmes. Nous avons encore le choix d’aller dans la bonne direction.

A lire aussi...