L’économie suisse s’en sort étonnamment bien, eu égard à ce qu’elle a traversé et à la situation actuelle. Il s’agit à présent de passer l’hiver sans trop de dommages.
La semaine a débuté sur une note extrêmement prometteuse. Durant le week-end, il a enfin été évident qui dirigerait la première économie du monde ces quatre prochaines années. Mais il y a encore mieux: il y a le BNT162b2! C’est la désignation d’un vaccin prometteur contre le coronavirus. Les élections américaines et leur décompte de voix ont semblé durer une éternité par rapport au développement du vaccin qui a été mené à bien en un temps record. Si tout va bien, les deux fabricants BioNTech et Pfizer demanderont une autorisation d’utilisation d’urgence pour le vaccin aux Etats-Unis dans les prochaines semaines. Autant dire que les bourses mondiales ont exulté lundi dernier. Elles ont enfin pu célébrer la fête tant attendue en silence autour du vaccin. La logique derrière tout cela: deux chantiers en moins, même si cela va encore prendre un peu de temps avec le vaccin. Nous voyons enfin une lueur pointer à l’horizon.
Mais c’est en effet une idée réjouissante de retrouver prochainement la liberté. Il faudrait d’ailleurs plutôt dire «se sentir en liberté» dans notre pays, car nous n’avons jamais été réellement enfermés, comme nos voisins européens ou d’autres populations dans le monde. Même maintenant, alors que nous figurons dans le peloton de tête des statistiques du coronavirus, notre gouvernement fait preuve d’une certaine retenue. Dans d’autres pays, nos statistiques des nombres de cas auraient assurément entraîné des restrictions plus rigoureuses. La Confédération mise encore sur la responsabilité individuelle, car chacun est le mieux à même de gérer le nombre de personnes qu’il rencontre ainsi que la fréquence de ces rencontres. Les chiffres des nouvelles infections sont en baisse et même leur moyenne sur 7 jours est en recul. Les hôpitaux tournent en revanche à plein régime et les décès augmentent également. Mais la tendance pourrait être inversée. Il s’agit à présent de passer l’hiver sans trop de dommages.
Tout le monde et toutes les entreprises n’y parviendront cependant pas. Peu importe les élections américaines et le vaccin, l’économie européenne tourne encore au ralenti ou est à l’arrêt. Et nous sentons également que tout se passe de nouveau plus paisiblement depuis le ralentissement. Les données relatives aux trajets des pendulaires ne laissent aucune place au doute. Le quatrième trimestre sera une nouvelle fois dans le rouge, le bref rêve estival de l’économie appartient depuis longtemps au passé. Les premières annonces de faillites et non des moindres dans le secteur de l’hôtellerie ont attiré notre attention la semaine dernière. Mais nous ne pouvons pas encore parler de vague de faillites. Le secteur de la restauration va certainement connaître une recrudescence des fermetures d’entreprises, car la situation actuelle ne génère plus de revenus. C’est aussi dans ce secteur que l’assise financière est la moins solide. Les chiffres du chômage sont toujours aussi bas et la réduction de l’horaire de travail qui a fait ses preuves évite aux offices régionaux de placement (ORP) d’être pris d’assaut. La charge de travail dans l’industrie manufacturière est moins dramatique que prévu. La possibilité pour le commerce de détail stationnaire de rester ouvert lui épargne sans doute des effondrements aussi massifs qu’en mars et avril de cette année. Mais, il n’en sortira pas totalement indemne pour autant. Le marché immobilier est le véritable roc face à la tempête. A l’exception des vacances en légère hausse sur le marché du logement locatif, tous les indicateurs se situent au même niveau qu’avant le coronavirus. Les prix des logements en propriété augmentent, la demande est forte, seule l’offre est de plus en plus rare. Malgré des vacances plus élevées, la construction de logements locatifs se poursuit allègrement, mais la réserve de projets n’est plus aussi importante qu’il y a trois ou quatre ans. Un nouveau processus n’en a pas moins commencé sur le marché du logement locatif, les anciens logements locatifs étant lentement évincés par des nouveaux. Bilan global: l’économie suisse s’en sort étonnamment bien, eu égard à ce qu’elle a traversé et à la situation actuelle. Il s’agit à présent de passer l’hiver sans trop de dommages.
Aux Etats-Unis, l’hiver avec le coronavirus ne sera pas simple non plus. Maintenant que la fièvre électorale est retombée et que le quotidien refait son retour, des aides économiques devraient être administrées dans les meilleurs délais, faute de quoi la consommation risque une nouvelle fois de s’effondrer. Mais qu’en sera-t-il tant que le président en fonction devrait être le moteur de ces mesures. N’avait-il pas annoncé qu’il mettrait au point un important train de mesures de relance après la victoire aux élections? D’ici à ce que Joe Biden puisse mettre en œuvre son vaste programme économique annoncé et qu’il produise ses premiers effets il sera trop tard. Par conséquent, les Européens ne devraient pas s’imaginer à tort au cours des prochains mois que l’économie américaine redeviendra rapidement la locomotive conjoncturelle. Et encore moins que l’arrivée d’un nouveau président américain intelligent bouleversera tout ce que Donald Trump a initié dans le cadre de son slogan «America first». Joe Biden n’est pas non plus un adepte du libre échange et avant de se présenter sur la scène internationale, il tentera surtout de remettre de l’ordre dans son pays. Une entreprise qui marquera toute sa mandature, car les Etats-Unis sont plus divisés que jamais en deux camps irréconciliables. «America first» est une devise qui s’appliquera donc également à lui. Seul le ton et les manières changeront visiblement et s’amélioreront dans un premier temps.
Les valeurs qui avaient bénéficié de la pandémie de coronavirus viennent juste d’être liquidées à grande échelle en bourse au profit des titres qui avaient été les plus touchés. Les acteurs de la bourse se positionnent en quelque sorte en prévision du retournement conjoncturel. En optant pour la structure sectorielle éprouvée, ils misent sur le comeback du normal quantitatif, le retour de la performance économique aux niveaux quantitatifs d’avant la crise, puis sur une croissance quantitative. Ils font ainsi ce qu’ils font toujours lorsque l’horizon économique s’éclaircit - business as usual. Nous nous réjouissons également du retour imminent à la normalité, mais est-il pour autant synonyme de business as usual? Il faut espérer que non, car le ralentissement de notre existence avait aussi ses bons côtés, comme on peut le lire et l’entendre un peu partout. Les gens ont découvert avec ravissement des lieux et des choses souvent modestes à deux pas de chez eux, qu’ils avaient toujours ignorés avant le coronavirus. Pour l’économie, ce ne serait certes pas une bonne chose que nos besoins muselés ne retrouvent pas leur niveau antérieur à la crise. Mais que représente vraiment l’économie? Nous en sommes en effet une composante essentielle et au cas où nous déciderions de conserver un peu de ce ralentissement, il pourrait littéralement enrichir notre existence, au plan qualitatif et non quantitatif évidemment. Et l’économie le supporterait, la nôtre de toute façon.