Elections en Turquie: vers un tournant majeur?

Gordon Bowers, Columbia Threadneedle Investments

2 minutes de lecture

Les marchés émergents ont désespérément besoin de bonnes nouvelles.

Une victoire de l’opposition aux élections du 14 mai pourrait permettre à la Turquie de devenir la nouvelle «coqueluche» des marchés du crédit. Avec une base d’exportation solide, un secteur privé innovant et résilient, une industrie touristique attrayante et des atouts géographiques, la Turquie réunit tous les ingrédients du succès. Mais vingt années sous la férule de plus en plus autocratique du président Erdogan ont placé son économie dans une situation précaire. Une politique monétaire non conventionnelle et des taux réels fortement négatifs ont entraîné des déséquilibres internes et externes sous la forme d’une inflation élevée et d’un déficit courant insoutenable. Sans changement de politique, la Turquie risque une crise de sa balance des paiements. Les afflux de capitaux étrangers s’amenuisent déjà et les conditions monétaires actuelles pourraient entraîner un retrait massif des dépôts bancaires. Alors que les liens financiers de la Turquie avec le reste du monde se sont distendus depuis 2018, le pays reste néanmoins un acteur suffisamment important pour qu’une crise se propage au reste de l’univers émergent.

Pour la première fois depuis des décennies, l’opposition a une vraie chance de battre Erdogan, victime de sa mauvaise gestion de l’économie.

À court terme, les indicateurs de crédit sont voués à se dégrader davantage à l’approche des élections alors que le président Erdogan applique un programme de relance agressif visant à doper la croissance et à remporter le scrutin. Toutefois, compte tenu de la confortable marge de manœuvre budgétaire pour faire face à un ajustement post-élection, les investisseurs ne se laissent pas décourager par les freins à court terme, attirés par la promesse d’un scénario de croissance à long terme plus durable en cas de changement de régime. L’Alliance de la nation est une coalition qui regroupe six partis aux intérêts divergents, mais unis sur la nécessité de doter la Turquie d’une banque centrale indépendante et d’une politique monétaire conventionnelle. Alors qu’un gouvernement d’opposition entendra poursuivre un calendrier de réforme plus vaste, nous estimons qu’un pilier monétaire restauré suffira à attirer des sources de financement étranger plus fiables et permettra au secteur privé de prospérer.

Malgré les terribles dégâts occasionnés par le séisme à l’est de la Turquie en février, nous avons ressenti, chez nos interlocuteurs à Istanbul, un enthousiasme et un optimisme forts. Pour la première fois depuis des décennies, l’opposition a une vraie chance de battre Erdogan, victime de sa mauvaise gestion de l’économie et des conséquences du séisme. La dette turque nous semble le moyen le plus efficace de nous prépositionner pour un résultat électoral positif compte tenu de la surévaluation des actifs obligataires turcs et de la forte volatilité que connaîtra la lire dans le sillage immédiat du scrutin. Les investisseurs détenant globalement des positions courtes sur les actifs turcs, les spreads pourraient dépasser leur «fair value» grâce à une couverture massive des positions vendeuses si les Turcs sortent Erdogan. Il est possible que le résultat de l’élection soit contesté et les Occidentaux estiment qu’Erdogan ne peut pas se permettre de perdre. Pour leur part, les Turcs pensent qu’Erdogan ne peut pas se permettre de «voler» l’élection. Dans l’intérêt de cette classe d’actifs, espérons que les institutions turques sortiront gagnantes et que les Turcs auront raison.

A lire aussi...