Elections de Joe Biden à la tête des USA: priorités et enjeux

Bastien Drut, CPR AM

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La politique économique de Joe Biden dépendra en large part du deuxième tour des deux élections sénatoriales qui se dérouleront en Géorgie le 5 janvier.

Quelles sont les marges de manoeuve de Joe Biden?

La politique économique de Joe Biden dépendra en large part du deuxième tour des deux élections sénatoriales qui se dérouleront en Géorgie le 5 janvier.

Deux hypothèses peuvent être faites.

HYPOTHÈSE A: les deux candidats démocrates gagnent en Géorgie et les deux partis ont chacun 50 sénateurs. Dans ce cas, la vice-présidente Kamala Harris pourrait départager les votes au Sénat. Joe Biden pourrait faire passer assez facilement un nouveau plan de soutien budgétaire de grande ampleur. Toutefois, celui-ci aurait été de plus grande envergure si les démocrates avaient eu une majorité de 52-48 par exemple, car il faudra composer avec les différentes susceptibilités au sein du parti démocrate. Joe Manchin, sénateur démocrate modéré, est, par exemple, opposé à certaines mesures du Heroes Act proposé par la Chambre des représentants (3000 milliards de dollars). La sénatrice de l’Arizona Kyrsten Sinema pense, elle, que toute législation majeure doit être négociée avec les républicains.

HYPOTHÈSE B: au moins l’un des deux candidats républicains gagne en Géorgie et les républicains conservent la majorité au Sénat. Chaque adoption de loi, comme par exemple une nouvelle phase de soutien budgétaire, sera le fruit d ’une (âpre) négociation entre les deux partis. Assurément, les politiques seront moins ambitieuses que dans l’hypothèse A. Joe Biden devra privilégier l ’utilisation d ’executive orders (qui ne peuvent mobiliser de nouvelles dépenses).

QUELLES SERONT LES PRIORITÉS AFFICHÉES PAR LE TANDEM BIDEN-HARRIS?

Le site de transition du tandem Biden-Harris affiche 4 priorités: la gestion de la pandémie, la reprise économique, l’égalité ethnique et le changement climatique. Sur ce dernier sujet, on peut s’attendre à de vrais changements et à défaut de blue shift (raz-demarée démocrate aux élections), on devrait assister à un green shift, après 4 années de dérégulation environnementale. Au-delà du retour dans l’Accord de Paris dès sa prise de fonction, Joe Biden devrait avoir recours à un certain nombre d’executive orders sur le plan environnemental, comme par exemple:

  • Mise en place de limites d’émission de méthane pour les opérations d’extraction fossile nouvelles et existantes,
  • Transition des véhicules du gouvernement fédéral vers une flotte de véhicules électriques,
  • Développement de standards environnementaux rigoureux pour les voitures afin que 100 % des véhicules légers soient électriques à terme,
  • Imposer aux entreprises de publier les risques climatiques et les émissions de gaz à effet de serre liés à leurs activités.
LA REPRISE ÉCONOMIQUE EST L’UNE DES PRIORITÉS DE BIDEN: QUEL EST LE CONTEXTE?

La reprise entamée en mai a d’abord été puissante, en large part grâce au CARES Act voté en mars, puis a marqué le pas au fil des mois. Plusieurs obstacles se dressent sur les prochaines semaines. Fin décembre, les programmes d’assurance chômage temporaires PUA et PUEC prendront fin et les revenus de leurs 13 millions de bénéficiaires seront fortement amputés.

A partir de janvier, plusieurs millions de personnes devront reprendre le paiement des mensualités de leurs prêts immobiliers ou de leurs prêts étudiants et les revenus disponibles pour la consommation seront abaissés d’autant. Sans aide de l’État fédéral, les États, dont les finances ont été sérieusement affectées par la crise, mettront en place une certaine dose d’austérité budgétaire, qui affaiblira la reprise. De plus, une deuxième vague de mesures sanitaires draconiennes a commencé ces dernières semaines. C’est dire à quel point une nouvelle phase de soutien budgétaire est importante…

QU’EST-CE QU’INDIQUENT LES PREMIÈRES NOMINATIONS PAR JOE BIDEN?

L’équipe Biden-Harris a déjà officialisé trois poids lourds du futur gouvernement: Antony Blinken au poste de secrétaire d’État, Janet Yellen pour le Trésor et John Kerry en tant qu’émissaire spécial pour le climat. Ces trois choix incarnent des priorités de Biden.

L’une des priorités d’Antony Blinken, qui était l’adjoint du secrétaire d’État John Kerry sous Obama, sera de renouer avec les alliés traditionnels des États-Unis, et en particulier avec l’Europe, pour se retrouver en position de force contre la Chine. La confrontation sino-américaine va se poursuivre. N ’oublions pas que le programme de campagne de Biden comprenait un plan de réindustrialisation Made in All of America. Si les relations avec l’Europe devraient s’améliorer avec Blinken, il faut se départir de tout angélisme car la confrontation devrait persister sur des dossiers tels que la taxation des GAFA.

Janet Yellen est respectée à la fois dans les deux partis et par les différentes franges du parti démocrate. Yellen connait très bien la Fed puisqu’elle a passé près de 14 ans à son comité de politique monétaire et qu’elle a été vice-présidente puis présidente du Board of Governors. Ayant côtoyé Jerome Powell pendant 6 ans, on peut envisager une collaboration constructive entre les deux. Au-delà, on peut aisément imaginer Yellen pousser pour une revalorisation du salaire minimum à 15 dollars de l’heure (au moins pour les entreprises sous contrat avec l’État), notamment car elle a insisté de longues années sur la trop faible inflation salariale.

Enfin, le choix de John Kerry est riche en symboles mais rappelons simplement ici que c’est lui qui avait signé l’Accord de Paris au nom de l’administration Obama.

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