Economie & Taux: frictions ou collision?

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Les frictions sur les échanges, les politiques économiques ainsi qu’entre économie et politiques pourraient venir gripper l’économie mondiale.

A première vue, tout va bien. La croissance de l’économie mondiale avoisine les 4%, dans le haut de la fourchette de ces dernières années. Les Etats-Unis ont une forte croissance sans inflation, c’est l’idéal. L’Europe a survécu au coup de froid du premier semestre et semble à même de se reprendre. Sa demande intérieure reste solide. La Chine encaisse les coups de Donald Trump, là encore sans trop faiblir. Dans chaque cas pourtant, il y a des fragilités que peuvent exacerber les frictions commerciales ou politiques. Avec moins de commerce et des conditions monétaires moins généreuses, on fabrique une croissance plus faible.

La croissance instantanée de l’économie mondiale a accéléré au deuxième trimestre 2018 à 4% contre 3,6% au trimestre précédent. Les indicateurs avancés du climat des affaires ne présagent pas de fléchissement imminent mais on observe néanmoins des signes avant-coureurs que la demande mondiale est en train de ralentir (prix des métaux, crises de change dans plusieurs pays émergents). En surface, la situation globale est bonne, au-dessous, plus inquiétante. Il y a trois types de frictions qui peuvent gripper la machine et qui, dans des cas extrêmes que nous ne retenons pas dans notre  scénario central, sont susceptibles d’aboutir à une collision. 

«C’est tout le système d’échange mis en place sur des décennies
que le président des Etats-Unis veut démanteler.» 
Les risques frictionnels

Les premières sont les frictions dans les échanges. Aux Etats-Unis, les droits de douane mis en place depuis le début de l’année couvrent 110 milliards de dollars d’importations de produits chinois, de métaux industriels, plus quelques biens de consommation. C’est faible, presque insignifiant à l’échelle de l’économie. Reste que ce genre de pratique accroît le prix des biens concernés et réduit les volumes échangés. Ajoutez-y les autres menaces de Donald Trump, et l’on monte à près de 800 milliards de dollars (Chine, automobiles), auxquels il faut ajouter les répliques proportionnées venant du reste du monde. De plus, c’est tout le système d’échange mis en place sur des décennies (traités de libre-échange, procédures d’arbitrage) que le président des Etats-Unis veut démanteler. Restreindre le commerce ne crée pas la prospérité. 

Un deuxième facteur de risque vient des frictions dans la conduite des politiques économiques. Ces frictions se manifestent quand les divers objectifs poursuivis sont antagonistes. Deux exemples et non des moindres, méritent l’attention: la Chine et les Etats-Unis. En Chine, les autorités ont un objectif de court terme qui est de soutenir/relancer leur économie face aux assauts subis sur le front commercial et un objectif de moyen-long terme qui est de contrôler/réduire leur endettement. Les prescriptions ne sont évidemment pas du tout les mêmes. Aux Etats-Unis, il y a une contradiction profonde entre ce que visent respectivement la Fed, le Trésor et la Maison Blanche. La politique monétaire est resserrée pour éviter la surchauffe. Les impôts ont été baissés pour stimuler au contraire la demande intérieure – et la bourse. Quant à la politique commerciale, on ne sait trop si elle a d’autres buts que de faire de la publicité, bonne ou mauvaise qu’importe, au président américain. 

«Rien n’est plus explosif et imprévisible qu’un problème affectant
la souveraineté des nations. C’est pourquoi l’Italie est un risque sérieux.»

Il y a enfin les frictions entre les champs de la politique et de l’économie. Nulle part ailleurs qu’en Europe ce sujet ne se pose avec autant d’urgence. Le Brexit est en soi une affaire horriblement complexe car s’y mêlent des aspects économiques, financiers, juridiques, règlementaires, sociaux, etc. Tout cela n’est rien à côté de sa dimension politique. Le Brexit touche à l’intégrité du Royaume-Uni (la frontière irlandaise) et aux fondements mêmes de l’Union européenne (les quatre libertés fondamentales). Rien n’est plus explosif et imprévisible qu’un problème affectant la souveraineté des nations. C’est pourquoi l’Italie est un risque sérieux. Quoique très endetté, le pays n’est pas aux abois. Il dégage des excédents extérieurs et a une large épargne domestique. La question budgétaire serait parfaitement gérable si elle n’était instrumentalisée dans la lutte que Rome mène contre Bruxelles.

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