Face au COVID, les Etats ont poussé à la consommation. Mais le défi climatique nécessite des investissements.
L’urgence de s’attaquer à la crise du coronavirus n’est pas uniquement liée au besoin de sauver des vies ou de rétablir des emplois. C’est aussi parce qu’il y a un besoin vital de recentrer rapidement nos efforts sur la lutte contre le réchauffement climatique. Et même les dirigeants les plus talentueux ont de la peine à avancer simultanément sur plusieurs priorités.
Il n’a pas fallu attendre le Covid pour que des politiques climatiques soient mises en place, mais les perturbations et les opportunités à venir pourraient s’avérer sans précédent. En effet, ce que l’on constate c’est une réorientation des moteurs de croissance, passant d’une focalisation sur le maintien des niveaux de consommation actuels à un effort herculéen pour générer des investissements à la fois nouveaux et innovants.
La principale réponse économique au choc de la pandémie a été de donner de l’argent aux gens. Les gouvernements qui pouvaient se le permettre se sont endettés pour offrir des aides d’urgence aux familles et aux entreprises dont les revenus s’étaient effondrés. Les banques centrales ont inondé le marché de liquidités pour que les entreprises puissent rembourser leurs dettes et rester à flot. Cette méthode n’a pas permis de sauver tout le monde, mais le rebond de la consommation a été impressionnant.
Le changement climatique, dans sa dimension économique, requiert une approche très différente. Cette dernière consiste avant tout à décourager un certain nombre de comportements actuels, à forte intensité de carbone, et à encourager de nouveaux modèles pour une activité propre et verte.
En clair, et comme le soulignent certains, nous allons au-devant d’un choc de l’offre aussi considérable qu’inévitable. En augmentant le prix du carbone à travers une combinaison de taxes, de tarifs douaniers, de subsides et de régulations, les gouvernements accélèrent l’obsolescence des plateformes pétrolières, des raffineries pétrochimiques et de tout ce qui entre dans la production d’un moteur à combustion interne.
Dans le même temps, cet ajustement des prix en faveur des alternatives renouvelables stimulera l’investissement dans la recherche sur les énergies propres, dans la mobilité électrique et dans la rénovation et l’optimisation énergétique d’anciens bâtiments. Selon certaines estimations, l’investissement annuel dans le secteur de l’énergie devrait plus que doubler au cours de la prochaine décennie.
Même s’il est dans l’intérêt de tous de vivre sur une planète plus propre, reste que la transition fera peser des coûts immédiats sur certains et génèrera des bénéfices bien plus lents pour d’autres. Tous les opérateurs de stations-services ne pourront pas se reconvertir dans l’installation de panneaux solaires. De plus, la rapidité d’ajustement désormais nécessaire pour éviter un réchauffement climatique de 2 degrés Celsius rendra la transition d’autant plus difficile à amortir.
En parallèle d’une diminution de la consommation et d’une augmentation des investissements, cela signifie que les Etats vont devoir accroître leurs dépenses pour financer cette transition, alourdissant ainsi leur dette.
En théorie, cela ne devrait pas être nécessaire. La taxe carbone devrait en effet être fixée par les gouvernements à des niveaux qui compenseraient l’intégralité des coûts de la décarbonisation et des dommages causés à la planète. Ce qui permettrait d’assurer la transition climatique sans fausser les mécanismes du marché.
Mais en pratique, ces coûts sont difficilement quantifiables. De plus, l’augmentation du prix de consommation du carbone peut vite se transformer en une taxe extrêmement régressive et ce à un moment où l’inégalité alimente l’action politique. Emmanuel Macron l’a découvert à ses dépens alors que son projet de financement de la transition écologique en France, par le biais d’une taxe sur les carburants, s’est effondré face au mouvement des gilets jaunes.
Tant que les taux d’intérêt resteront bas, les dépenses et la dette liées à la pandémie ne feront qu’augmenter, car les gouvernements subventionneront à la fois les effets du choc de l’offre et l’accélération des besoins en investissement.
Si la politique climatique est un champ si complexe, c’est parce qu’elle exige de démêler un nombre important de défis étroitement imbriqués. Il y a tout d’abord un défi scientifique, celui de comprendre l’étendue et le rythme des changements climatiques. Il y a ensuite le défi technologique d’atténuer les dégâts déjà causés, de développer des formes d’énergies renouvelables et de préserver les zones humides et les forêts. Il y a également un défi moral, celui d’éponger les péchés des générations passées et actuelles pour laisser une planète vivable aux générations futures. Puis, il y a le défi politique – national et international – de surmonter le problème classique du «passager clandestin», où tous attendent que les autres changent en premier. Et enfin, il y a le défi économique traditionnel, qui consiste à créer les incitations nécessaires pour encourager une activité écologiquement durable à des coûts financièrement supportables.
Si les quatre premiers défis sont encore intimidants, la dimension économique se précise de plus en plus. Il y aura un choc, lent mais implacable, de l’offre, causé par une combinaison de taxes et de règlementations limitant la rentabilité de ces activités à forte intensité de carbone. Les opportunités d’investissement seront encore plus lentes à apparaître, avec l’évolution des prix relatifs et la mise en place de nouveaux modèles d’activité. Les dépenses publiques, quant à elles, se multiplieront afin d’accélérer et de faciliter la transition énergétique.