2021 s’annonce comme une année post-crise financière record pour l’émission et le refinancement de CLO européens.
Dans la fièvre d’activité actuelle, la documentation relative aux émissions refinancées tend à s’affaiblir: une tendance inquiétante que les investisseurs devraient à notre avis combattre.
Selon les données de Bloomberg, 31 nouveaux titres ont été émis cette année pour un volume total de 12,5 milliards d'euros: cette hausse de 60% par rapport à la même période de l’année dernière n’est pas surprenante compte tenu des perturbations liées au COVID-19 début 2020. En revanche, environ 86 CLO européens (représentant un volume cumulé de 32 milliards d'euros) ont été réévalués ou refinancés entièrement depuis le début de l’année. A l’aube de 2021, nous pensions certes que le marché du refinancement serait très actif mais le chiffre de 32 milliards d'euros dépasse presque toutes les prévisions des analystes et un montant de de 50-60 milliards d'euros semble aujourd’hui réaliste pour l’ensemble de l’année.
La vague de refinancement est essentiellement portée par les CLO émis en 2017/18 et 2020, largement mûrs pour le refinancement: les premiers touchent à la fin de leur période de réinvestissement et les seconds, émis aux spreads 2020, terminent bientôt leur période de non-call. Ces chiffres sont peu intéressants en eux-mêmes, mais nous semblent témoigner d’une certaine créativité de la part des gérants de CLO et des investisseurs equity. Ainsi, nous avons récemment vu des gérants de CLO réévaluer les tranches AAA d’une émission et changer la documentation en accord avec l’investisseur equity existant et le nouvel investisseur AAA. Ces changements impacteront bien sûr les détenteurs d’obligations tout au long de la structure du capital et pas seulement sur le segment AAA. Alors que nous considérons généralement les acheteurs de CLO AAA (la «classe dominante» des CLO) comme une catégorie d’investisseurs relativement hostile aux risques, nous les avons récemment vus empocher des droits de révision («waiver fees») en échange de leur accord avec une documentation plus «equity friendly».
Parmi d’autres gérants de CLO, ICG et Carlyle sont récemment parvenus à modifier certains critères de réinvestissement dans les émissions réévaluées, ce qui impacte aussi les investisseurs mezzanine. Ce point est particulièrement intéressant si l’on considère que les critères modifiés incluent notamment ceux qui sont soigneusement négociés entre les gérants et les investisseurs mezzanine avant chaque nouvelle émission de CLO.
Même si certains de ces changements ne nous paraissent pas ajouter un risque substantiel pour les détenteurs d’obligations, en notre qualité d’investisseur CLO, nous partons du principe que la documentation signée par nous et d’autres au moment de l’émission d’un nouveau CLO restera inchangée pour toute la durée de la transaction. Nous jugeons ce comportement inadmissible et très curieux à un moment où la Gouvernance avec un grand «G» devient plus importante que jamais. Les gérants de CLO doivent savoir que nous lutterons avec la plus grande fermeté contre de telles altérations. Pour nous, la tendance qui émerge a trois implications probables: nous taillerons sévèrement dans les notes ESG des gérants de CLO qui se conduisent de la sorte, exigerons une documentation encore plus stricte pour les nouveaux CLO et évaluerons le risque ajouté en conséquence pour les gérants qui font preuve de mauvaise volonté.
ICG a évalué les titres BB de son St Paul 7 CLO refinancé (après avoir récemment modifié la documentation St Paul) à 6,4% la semaine dernière, tandis qu’Oaktree refinançait les BB de son Arbour CLO 2 (inchangé) à 5,8%; nous voyons donc déjà un écart se creuser – les investisseurs mezzanine n’apprécient guère les hausses inattendues du risque de crédit. Cela montre néanmoins aussi que l’approche ICG a du succès, car le rebond du rendement de 60 pb ne manque pas d’attrait dans l’environnement actuel de taux bas.
En ce qui concerne les nouveaux CLO qui seront prochainement émis, une dynamique intéressante se met en place avec des investisseurs BBB, BB et B qui tentent d’imposer une nouvelle documentation afin de réduire la possibilité d’ajouter du risque de crédit et des changements susceptibles de prolonger la durée d’un CLO au-delà de la période pour laquelle ils ont signé. La semaine dernière, BNP Paribas Asset Management et Partners Group ont été parmi les premiers gérants à s’entendre sur des dispositions qui protègent les intérêts mezzanine, et définissent les parties du prospectus pouvant être uniquement modifiées avec l’accord de tous les investisseurs et non celui des détenteurs AAA seulement.
Cela ne veut pas dire que chaque gérant CLO usera de toute la liberté que lui laisse la documentation. De fait, la plupart des gérants ont montré une grande prudence dans la gestion des CLO pour l’ensemble de leurs investisseurs et nombre d’entre eux ont enregistré de bonnes performances, en particulier durant les turbulences de l’année 2020. En tant qu’investisseurs, nous sommes toutefois convaincus que nous devons lutter contre ce type de comportement afin de nous protéger contre des changements dans le futur, car le capital des CLO peut changer de mains et nous ne savons pas quel sponsor pourrait tenter de modifier les règles d’ici quelques années.