La bonne tenue de l’économie américaine et le reflux accéléré de l’inflation mondiale sont susceptibles d’exercer une influence positive sur la dette des marchés émergents.
La bonne tenue de l’économie américaine et le reflux accéléré de l’inflation mondiale, deux évolutions économiques qui réservent une bonne surprise jusqu’ici en 2023, sont susceptibles d’exercer une influence positive sur la dette des marchés émergents une bonne partie de l’an prochain.
Au deuxième trimestre de cette année, la croissance du PIB réel aux États-Unis s’est accélérée à 2,4% en rythme annuel, contre 2,0% au premier trimestre1. En comparaison, la reprise en Chine s’essouffle et la zone euro a rendu compte d’une croissance de seulement 0,3% au deuxième trimestre, ce qui est surprenant compte tenu de l’impact plus faible qu’attendu de la guerre russo-ukrainienne sur les prix de l’énergie. À supposer que les États-Unis continuent d’impulser l’activité économique mondiale à court terme, l’Amérique centrale, la région des Caraïbes et, bien sûr, le Mexique, en seront les principaux bénéficiaires et d’autres économies émergentes devraient en profiter — autant de facteurs positifs pour la dette souveraine et d’entreprise des marchés émergents.
Le ralentissement inattendu de l’inflation mondiale pourrait même avoir un impact plus important. Il n’est pas exclu que l’inflation cesse d’être problématique d’ici le début de 2024. Fait important, à la mi-2023, le taux d’inflation annuel dans les pays émergents était inférieur au taux moyen de l’inflation dans les pays développés2.
Les banques centrales des pays émergents commencent déjà à abaisser leurs taux d’intérêt, le Costa Rica, la République dominicaine, la Hongrie, l’Uruguay, le Chili et le Brésil ouvrant la voie. Il ne serait pas surprenant de voir la plupart des banques centrales d’autres pays émergents leur emboîter le pas avant la fin de l’année, suivies peu après par celles des pays développés.
En amont de cette inflexion, les gouvernements de pays émergents sont en bonne posture, sachant qu’ils ont surmonté les récentes pressions inflationnistes épineuses d’un point de vue social et ont globalement évité de mettre en œuvre des politiques populistes non soutenables. En réaction au Covid, les pays émergents ont en fait appliqué dans l’ensemble des politiques monétaires plus judicieuses et des politiques budgétaires plus prudentes que les pays développés. Ainsi, l’inflation dans les pays émergents converge de facto avec celle des pays développés et l’encours de la dette émergente en pourcentage du PIB retrouve ses niveaux d’avant la pandémie, avec une dépendance relativement limitée vis-à-vis de l’épargne extérieure. En dépit de défauts et de difficultés qui ont fait les gros titres, la grande majorité de la dette émergente est de qualité Investment Grade et notée BB, et bénéficie d’une assise solide.
S’agissant de la dette émergente, l’évolution probable du dollar américain et des taux d’intérêt dans les pays émergents devraient offrir des conditions favorables aux émetteurs bien notés d’obligations en monnaie forte. Les pays qui bénéficient de solides institutions, de cadres politiques stables et du soutien d’un consensus politique et social autour de la stabilité macroéconomique devraient tirer leur épingle du jeu. Bien que dirigés par des présidents issus du centre-gauche, la combinaison de ces trois facteurs au Brésil, au Chili, en Colombie et au Pérou par exemple s’est révélée bénéfique pour les investisseurs obligataires. Par ailleurs, des pays comme l’Albanie et la Serbie dont les institutions et les politiques sont ancrées par leur appartenance à l’Union européenne ou leur statut de candidat à l’adhésion devraient également y trouver leur compte.
En ce qui concerne la dette d’entreprises des pays émergents, l’hypothèse répandue selon laquelle la hausse des coûts de financement entraînera une augmentation des défauts a toutes les chances de s’avérer erronée si les banques centrales des pays développés commencent à abaisser leurs taux l’an prochain. En fait, à mesure de l’embellie de la toile de fond économique et du ralentissement de l’inflation, les entreprises émettrices des pays émergents multiplient les opérations telles que rachats anticipés, offres de rachat et remboursements. En conséquence, un nombre plus important qu’on ne le pensait d’émetteurs à haut rendement parviennent à renouveler, rembourser ou refinancer leur dette. Un autre facteur important concerne les prix des matières premières qui, bien qu’en baisse d’une année sur l’autre, demeurent toutefois supérieurs aux niveaux historiques3. Bien que les prix récents aient réduit le chiffre d’affaires des producteurs de matières premières, d’autres entreprises de pays émergents ont tiré parti de la baisse des coûts de production.
Compte tenu des vents porteurs que constituent la bonne tenue de l’économie américaine, le reflux accéléré de l’inflation et l’abaissement des taux, les perspectives de la dette émergente semblent prometteuses.