Des régimes aux technologies: opportunités dans l'agriculture durable

James Govan, Barings

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Première partie. Vers une réduction de l’impact toxique de modes de production qui pèsent sur la planète.

©Keystone

Le maintien du statu quo n'est pas une option pour l'agriculture et les systèmes alimentaires mondiaux. En effet, une étude universitaire suggère une augmentation de 87% des émissions de GES et une augmentation de 67% de la demande de terres cultivées pour répondre à l'augmentation prévue de la demande alimentaire entre 2010 et 2050. L'utilisation de technologies innovantes telles que l'agriculture de précision et numérique, les solutions biologiques et la technologie des semences sont essentielles pour stimuler la productivité agricole tout en réduisant l'impact environnemental. La production de protéines doit être rendue plus durable grâce à l'amélioration de la productivité en matière d'alimentation et de santé animales. Il est également nécessaire de modifier le régime alimentaire des populations, en passant d'une alimentation d'origine animale à une alimentation plus végétale. Un tiers de la nourriture produite pour la consommation humaine est perdue ou gaspillée le long de la chaîne d'approvisionnement, avec des pertes et des gaspillages à chaque étape du système alimentaire.

Il est de plus en plus nécessaire de transformer le système alimentaire mondial afin d'offrir des produits sains à une population croissante, tout en garantissant la durabilité environnementale.

Lorsqu'on évalue les conséquences de l'augmentation de la demande alimentaire mondiale, l'impact sur la biodiversité constitue l'un des principaux sujets de préoccupation. De fait, plus de 75% des types de cultures alimentaires dans le monde dépendent de la pollinisation animale. Par conséquent, alors que nous cherchons à augmenter la production alimentaire, nous devons réduire la superficie des terres destinées à la production alimentaire afin de maintenir la biodiversité qui permet cette pollinisation. Cette réduction de la surface agricole est clairement en conflit avec l'augmentation significative de la demande alimentaire jusqu'en 2050. Il est de plus en plus nécessaire de transformer le système alimentaire mondial afin d'offrir des produits sains à une population croissante, tout en garantissant la durabilité environnementale. Ces changements passeront par une variété de solutions spécifiques et l'ensemble de ces gains marginaux transformera notre façon de fonctionner et de consommer.

L’agriculture extensive

Au cœur de l'agriculture arable, les solutions agricoles durables impliqueront des technologies à la fois dans l'agriculture de précision et numérique, qui transforme le secteur et augmente les rendements en optimisant les intrants des cultures, dans les biosolutions, qui offrent une solution plus respectueuse de l'environnement pour protéger et faire pousser les cultures, protégeant ainsi la biodiversité. Et également dans la technologie des semences, qui augmente structurellement les rendements.

Les technologies de précision et d'agriculture numérique

Les technologies de précision et d'agriculture numérique ont connu une croissance structurelle depuis qu'elles sont apparues sur le marché. Ces technologies ont permis d'augmenter les rendements, de réduire le gaspillage et d'accroître la rentabilité des agriculteurs - permettant fondamentalement à l'agriculture de faire plus en termes de production avec moins d'intrants de protection des cultures, d'engrais et de semences. Ces percées impliquent l'utilisation du «Big Data», qui s'appuie sur des informations historiques pour créer des analyses prédictives de la qualité et de la composition des sols, ainsi que des conditions météorologiques les plus idéales, souvent à l'aide d'images satellites ou aériennes.

AGCO et ses innovations promettent aux agriculteurs de booster la rentabilité de 20% sur cinq ans, en améliorant le rendement et en réduisant les coûts.

En disposant de ces données, les agriculteurs sont en mesure de prendre de meilleures décisions sur ce qu'ils doivent utiliser pour cultiver (semences, engrais et produits phytosanitaires) et sur le moment où ils doivent planter et finalement récolter. Ces données peuvent ensuite être programmées dans l'équipement afin que la machine plante de manière autonome les graines à la bonne densité, avec les produits de protection des cultures et les engrais dans les parties les plus productives du champ.

AGCO, l'un des principaux fabricants du secteur, estime qu'en utilisant son portefeuille complet de technologies d'agriculture de précision, un agriculteur peut améliorer sa rentabilité de 20% sur cinq ans, en améliorant le rendement et en réduisant les coûts. En outre, la division «Precision Planting» d'AGCO a pour objectif de permettre aux agriculteurs de rentabiliser leur équipement en un à deux ans, ce qui constitue un argument de poids pour promouvoir le changement. Ceci est d'autant plus vrai si l'on considère que les technologies d'AGCO peuvent également être adaptées à de vieux équipements de plantation, les transformant ainsi pour les rendre «intelligents», et ce à un budget accessible.

De même, le fabricant de machines agricoles américain John Deere estime qu'un agriculteur du Midwest qui cultive aujourd'hui du maïs et du soja sur une exploitation de 6’500 acres en utilisant sa dernière technologie, de la plantation à la récolte, peut économiser sur les principaux intrants de culture que sont les engrais, les semences et les herbicides, ainsi que près de 6’000 litres de carburant. Cela représente un avantage économique matériel de 40 dollars par acre (environ 4’000 m2), soit plus de 260’000 dollars pour l'ensemble de son exploitation.

En ce qui concerne les herbicides, John Deere propose actuellement des technologies qui peuvent réduire l'application d'herbicides jusqu'à 77%. Généralement, lorsqu'un agriculteur applique des herbicides, il a tendance à pulvériser l'ensemble du champ, alors que la technologie See & Spray de Deere utilise des caméras pour ne pulvériser que les mauvaises herbes identifiées, ce qui permet de réduire l'utilisation d'herbicides de manière considérable. Si cette technologie a d'abord été utilisée dans de petites zones agricoles, elle est aujourd'hui étendue aux cultures plus industrialisées, ce qui augmente la rapidité de la pulvérisation engendrant des gains de temps considérables et présente donc des avantages économiques et environnementaux.

En outre, l'agriculture de précision et numérique offre également des solutions durables pour gérer les niveaux de carbone dans le sol. Cela pourrait ouvrir la voie à un système où les agriculteurs génèrent des crédits carbone et sont récompensés pour la réduction des émissions et la séquestration du carbone. L'entreprise nord-américaine de vente au détail d'engrais et de produits agricoles Nutrien et le fabricant de fertilisants Yara International ont déjà commencé à mettre en place un système d'échange de crédits carbone pour les agriculteurs. Ce marché du carbone présente clairement un énorme potentiel. Nutrien suggère que l'agriculture pourrait être une source majeure de crédits carbone et représenter potentiellement près de 30% du marché total du carbone d'ici 2050.

Biosolutions

Les biosolutions sont une autre méthode permettant aux agriculteurs de réduire l'utilisation des pesticides chimiques et de les remplacer par des méthodes alternatives telles que les enzymes et les microbes. Les biosolutions peuvent protéger les plantes contre les parasites et les maladies (en remplacement des herbicides, des pesticides et des insecticides). En outre, de nouveaux inoculants biologiques peuvent être appliqués au sol ou à la plante afin d'améliorer la productivité et la santé des cultures, par exemple en rendant les plantes plus efficaces dans leur absorption d'engrais. Dans ces deux catégories, les microbiens ne représentent encore qu'un pourcentage faible à moyennement élevé de la taille totale du marché, mais ils ont un grand potentiel de croissance future.

La technologie peut améliorer la sélection des semences, augmentant ainsi la qualité du germoplasme et le potentiel de rendement.

Novozymes, leader mondial des solutions biologiques, estime que si tous les champs de maïs et les élevages de poulets des Etats-Unis appliquaient des solutions biologiques, il en résulterait une production supplémentaire de 520 millions de litres de biodiesel, 40 milliards de litres de bioéthanol, 1,1 milliards de kilos supplémentaires d'aliments pour animaux riches en protéines et 21 TWh de bioélectricité. Cette amélioration de la productivité serait réalisée tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre de quelque 90 millions de tonnes métriques, ce qui équivaudrait à retirer 18 millions de voitures particulières de la circulation.

Technologie des semences

La technologie des semences est un autre principe qui devra s'améliorer pour offrir des rendements et des résistances plus élevés, en particulier si les terres disponibles pour l'agriculture sont réduites à long terme. Au cours des 30 dernières années, la majeure partie de l'augmentation du rendement des cultures a été générée par des percées dans les semences à rendement plus élevé. Ces progrès ont été réalisés grâce à l'amélioration du germoplasme, le matériel génétique de base d'une graine. A partir de cette compréhension, la technologie peut améliorer la sélection des semences, augmentant ainsi la qualité du germoplasme et le potentiel de rendement. Les cultures génétiquement modifiées (OGM) complètent la sélection traditionnelle des cultures en insérant certains traits dans les semences, qu'il s'agisse de la gestion des parasites, de la tolérance aux herbicides ou de la résistance à la sécheresse.

Les semences génétiquement modifiées suscitent parfois certaines inquiétudes quant à leur impact sur la biodiversité. Reste que les avantages d'un rendement plus élevé, d'une utilisation moindre des pesticides chimiques et des évolutions nécessaires pour protéger les cultures des effets du changement climatique l'emportent clairement sur ces inquiétudes. Les principaux semenciers, tels que Corteva et Bayer, sont à l'avant-garde du développement du matériel génétique et des caractéristiques des semences OGM. Ces deux entreprises devraient continuer à bénéficier de cette demande structurelle, tandis que la stratégie «de la ferme à la fourchette» du Green Deal européen souligne le soutien gouvernemental croissant en faveur de l'accès à des variétés de semences adaptées aux pressions du changement climatique.

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