Dérèglement, Destruction et Démocratie

Igor de Maack, DNCA

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Au lieu de s'attarder sur l'accord sino-américain et le Brexit, ne faudrait-il pas plutôt se projeter sur les dix ans à venir?

Bill Gates avait l'habitude de dire que les personnes «ont tendance à surestimer les changements dans les deux ans à venir et sous-estimer les changements qui interviendront au cours de la prochaine décade». 

Alors que tout le monde s'attarde à parler de l'accord sino-américain et du Brexit, il faut peut-être se projeter sur les dix ans à venir (et non les six mois) pour percevoir les modifications en profondeur qui vont influencer nos décisions de gérant. Nommons ces modifications les «3D».

Le premier «D» c'est le dérèglement qui est bien sûr climatique. Toutes les économies y sont confrontées. Pour décarboner l'industrie, 50’000 milliards de dollars seront nécessaires pour investir et «réglementer» les procédés les plus polluants. Le prix des biens et des services va augmenter. Les mesures sanitaires vont se durcir pour éviter les pandémies (ex: fièvre porcine en Asie). Plus qu'un slogan politique, ce sera une nécessité économique pour les entreprises et les consommateurs. Le décarbonisation pourrait bien finir par engendrer l'inflation que les banques centrales ont tant de mal à stimuler.

Le capitalisme numérique induit une nouvelle forme d'esclavage
de l'être humain, par un algorithme, une application ou un logiciel.

Le second «D» c'est la destruction... d'une certaine forme du monde du travail. Le dernier film de Ken Loach (Sorry we missed you) en fait la narration poignante dans une histoire familiale liée à l'«uberisation» des conditions des salariés-entrepreneurs qui travaillent dans la livraison à domicile. Le capitalisme numérique induit une nouvelle forme d'esclavage de l'être humain non plus directement par d'autres êtres humains mais par un algorithme, une application ou un logiciel. Les entreprises vont être confrontées à une volatilité de plus en plus importante du facteur travail et seront tentées de remplacer partout l'homme par la machine (ex: fermeture des agences bancaires) avec le risque aussi d'être boycottées par des consommateurs qui deviendraient plus «humanistes». Les régulateurs seront alors poussés à briser les monopoles numériques (Amazon, Uber...) pour maintenir l'harmonie dans le monde du travail.

Enfin le troisième «D», c'est le plus important et le plus en péril. C'est le «D» de la démocratie. Les populations malmenées par la globalisation rugissent comme des félins affamés sur tous les continents. Bolivie, Chili, Liban, Hong Kong, Catalogne, France...chaque mois se rallonge la liste de pays où les gouvernements sont assiégés pour panser les plaies des plus fragiles et des plus démunis ou offrir une once de liberté supplémentaire à des individus toujours plus contraints. Ces «3D» vont probablement façonner le monde de demain, les systèmes économiques, les organisations politiques. Les marchés financiers y seront très sensibles si ce n'est déjà le cas. Les investissements devront donc être adaptés en conséquence.

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