Déjouer l'effet de manchette

Fabiana Fedeli, Robeco

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Au-delà des «catalyseurs» leaders sur leurs marchés, les histoires parallèles recèlent encore du potentiel.

Le résultat crucial des élections a modifié le terrain de jeu des investisseurs en actions, sans doute dans le bon sens. Suivant les limites et les implications d'une éventuelle obstruction, de grandes parties du programme de l'administration Biden peuvent être réalisées avec une faible majorité au Congrès. Cela inclut davantage de mesures de relance, de politiques environnementales et de changements au niveau du système de santé américain.

Bien entendu, le montant du financement des initiatives en matière de relance, de climat et de santé sera limité par la nécessité d'un processus de réconciliation budgétaire. Il ne s'agit pas là d'une issue défavorable pour les marchés actions, car cela apportera en fait une lueur d'espoir pour les investisseurs américains préoccupés par les politiques potentiellement plus à gauche d'une administration démocrate. De ce point de vue, nous sommes passés à un scénario «Boucle d'or». Ni trop chaud, ni trop froid. 

Pour le secteur financier, l'effet négatif d'une surveillance accrue
pourrait être compensé par les avantages d'une reprise économique.

Il y a cependant deux domaines au niveau des actions dans lesquels on pourrait constater un impact négatif tangible. Tout d'abord, avec le nouveau gouvernement Biden, nous sommes susceptibles de voir une surveillance réglementaire accrue du secteur financier, du big data et des industries à fort impact environnemental. Pour le secteur financier en particulier, l'effet négatif d'une surveillance accrue pourrait être compensé par les avantages d'une reprise économique, mais tout dépendra de l'ampleur de celle-ci.

L'autre domaine qui pourrait être impacté est celui des soins de santé. Compte tenu de la faible majorité au Congrès, le résultat des élections américaines reste globalement positif pour le secteur des soins de santé, une réforme radicale ne devant probablement pas être à l'ordre du jour. Toutefois, au sein des sous-secteurs de la santé, l'impact sera différent.

Par exemple, les entreprises des sciences de la vie devraient bénéficier d'un financement accru pour soutenir la base de recherche universitaire américaine, compte tenu de la pandémie actuelle. A l'inverse, nous pourrions assister à péjoration de la situation pour l'industrie pharmaceutique, les marchés ayant déjà anticipé une potentielle réforme des prix des médicaments. En réalité, une telle réforme risque d'être encore relativement limitée dans sa portée, étant donné la faible majorité au Sénat, voire également repoussée dans le temps.

Le problème des valorisations

Si les valorisations moyennes ont augmenté sur les marchés actions, elles ne devraient pas encore freiner la hausse des actions. Tous les marchés ne sont pas trop valorisés, et certainement pas toutes les actions. La polarisation exceptionnelle que nous avons constatée au niveau des performances des actions au cours des trois derniers trimestres permet encore aux investisseurs de trouver des titres attractifs avec des valorisations raisonnables. 

Les valorisations ne sont pas suffisantes pour déterminer l'attractivité d'un marché.

Sur une base relative, on trouve de meilleures opportunités d'investissement en Asie du Nord et en Europe qu'aux Etats-Unis. Il est important de noter que les valorisations ne sont pas suffisantes pour déterminer l'attractivité d'un marché. La croissance relative des résultats continuera à être le véritable facteur discriminant, et il s'agira là de la variable clé à surveiller.

L'effet de manchette

La polarisation des performances du marché au cours de l'année écoulée amène à ce qui pourrait devenir l'un des héritages les plus remarquables de 2020. L'an dernier fut l'année des extrêmes. Les cinq plus grandes actions de l'indice S&P 500 ont enregistré une performance de 64,5%, contre une performance moyenne de 9,7% pour les 495 titres restants. L'année dernière a également connu le plus grand nombre de mouvements quotidiens supérieurs à 1% et 2% en dix ans, pour l'indice S&P 500.

Les actions dont la marque ou l'histoire est bien connue
ont fait l'objet d'achats sans précédent par rapport au reste du marché.

On ne peut s'empêcher de lier cela à un autre record: la participation des investisseurs individuels sur le marché actions. Selon Bloomberg Intelligence, les transactions boursières individuelles jusqu'en juin 2020 ont atteint leur plus haut niveau en dix ans, les transactions de particuliers étant estimées à 19,5% de l'ensemble des flux des ordres américains, contre 10,1% en 2010 et 14,9% en 2019. Et ce phénomène ne s'est pas limité aux Etats-Unis. Les comptes en bourse de particuliers ont augmenté dans le monde entier.

Bien qu’il n’y ait pas de preuve tangible d’une corrélation directe, ce qui apparaît clairement sur le marché, c'est un certain «effet de manchette». Les actions dont la marque ou l'histoire est bien connue ont fait l'objet d'achats sans précédent par rapport au reste du marché.

Une excellente nouvelle pour les investisseurs prêts à aller plus loin pour trouver des opportunités. Pour toutes les nouvelles énergies et les nouveaux noms de véhicules bien connus, pour tous les célèbres géants numériques, il y a un certain nombre d'actions que l’on peut appeler «catalyseurs», qui font partie de la chaîne de produits ou de services soutenant ces acteurs connus, ainsi que des actions qui seront entraînées par ces mêmes tendances. C'est dans celles-ci que réside la «valeur», car beaucoup de ces titres «suiveurs» se négocient encore à des valeurs raisonnables.

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