Concilier rendement et performance ESG

Salima Barragan

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Dans son approche de gestion obligataire, Edmond de Rothschild AM tire profit des différentes perspectives de l’analyse crédit et ESG.

 

Concilier objectifs financiers et critères extra-financiers dans le cadre d’une gestion obligataire est possible. Alexis Foret, gérant du fonds Edmond de Rothschild Euro Sustainable Credit chez Edmond de Rothschild Asset Management, explique comment choisir les émetteurs obligataires en fonction des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance): «Nous avons un objectif de surperformance de 2% par rapport au benchmark que nous réalisons avec des arbitrages sur le marché du crédit tout en prenant en compte les critères ESG».

Alors que les objectifs financiers d’un portefeuille obligataire sont facilement quantifiables, les objectifs ESG sont, eux, qualitatifs. Mais leurs impacts sont également mesurables comme, par exemple, un ratio d’empreinte carbone inférieur au benchmark. «La performance ESG consiste aussi en la gestion des risques afin d’éviter les émetteurs exposés aux risques extra-financiers, comme des problématiques de gouvernance, qui peuvent filtrer dans la performance de la société», explique Alexis Foret. Le gérant avait écarté Teva (société pharmaceutique israélienne), Steinhoff (conglomérat sud-africain) et Telecom Italia qui ne répondaient pas aux exigences ESG. Les émissions de ces sociétés ont ultérieurement souffert de sévères contre-performances: «L’alpha est relatif à l’attribution de la performance mais dans le cas de ces sociétés, nous avons calculé une perte non-réalisée de 30 à 50 points de base alors que le rendement actuariel du segment «Investment grade» est de 80 points de base».

Les investisseurs en crédit ont favorisé les signatures
de meilleure qualité au détriment des plus cycliques ou endettées.
Un portefeuille crossover OCDE

Alexis Foret investit sur l’ensemble du segment crédit en Euros, majoritairement en «Investment Grade» mais aussi du crédit à haut rendement pour un poids maximum de 30%. «Nous sommes exposés au High Yield au travers de sociétés soigneusement sélectionnées, dont certaines sont détenues par des capitaux privés. C’est dans cet espace que notre expertise ESG et notre recherche interne fait la différence. Nous rencontrons également leurs équipes dirigeantes. Une société non cotée comme LOXAM, qui se finance sur le marché du crédit à haut rendement, sera ignorée par les cabinets d’analyse extra-financière. D’un point de vue crédit, elle est intéressante», explique le spécialiste.

En 2018, les investisseurs en crédit ont favorisé les signatures de meilleure qualité au détriment des plus cycliques ou endettées. De la même manière, les émissions de maturités plus courtes ont été préférées aux maturités longues. Au regard du taux de défaut des émissions high yield, les niveaux de valorisation sont jugés acceptables malgré la volatilité sur les taux, les primes de risque et sur les marchés actions. « Les primes de risque se sont reconstituées et des flux entrant sur le crédit en euro se matérialiseront dès que la situation politique en Italie se sera stabilisée et que le contexte économique deviendra plus favorable», rajoute-t-il.

La société de gestion d’actifs cherche à créer des synergies
entre ses équipes de recherche ESG et crédit.

Le portefeuille investit parmi les émetteurs de l’OCDE, dont 10% sont des sociétés américaines ayant émis de la dette libellée en euro afin de créer une couverture naturelle. La France représente 33% de son allocation. «La France offre une grande diversité de secteurs, ce qui permet de construire des portefeuilles avec des business model diversifiés». Le poids des pays périphériques est assez modéré. La duration moyenne de son portefeuille est de 4,5 ans. «Cette duration permet d’amortir les mouvements de baisse. Si les données macroéconomiques ne se détériorent pas et que l’inflation reprend, nous ajusterons la duration à la baisse», explique Alexis Foret.

Une analyse interdisciplinaire des émetteurs

Dans son approche de gestion obligataire, Edmond de Rothschild Asset Management tire profit des différentes perspectives de l’analyse crédit et ESG. En outre, la société de gestion d’actifs cherche à créer des synergies entre ses équipes de recherche ESG et crédit afin de sélectionner les émetteurs obligataires jouissant des meilleurs fondamentaux et mettant en œuvre une politique ISR (Investissement Social et Responsable) sur le long terme.

Du fait de la réglementation et des pressions croissantes de la part des investisseurs, les entreprises en Europe communiquent davantage. Les émetteurs sont comparés et sélectionnés selon une approche «Best-in-universe» indépendamment du secteur, de leur notation ou de leur taille. L’objectif consiste à limiter les risques ESG et favoriser les sociétés présentant les meilleurs reportings. «Nous excluons toutes les sociétés de l’industrie des mines antipersonnel et les pays sujets à des sanctions internationales ou des embargos», précise Alexis Foret.

Le secteur financier est surreprésenté avec 17% du portefeuille investi sur des obligations bancaires et 10% sur des sociétés d’assurance. «20% est constitué de dettes subordonnées financières dont 15% de Tier 2 ou subordonnées d’assurance et 5% de Tier 1; des CoCos chez Rabobank et Nordea, qui contribuent au portage du portefeuille», détaille Alexis Foret. Le secteur pétrolier est représenté via les entreprises de certification ou de services. En revanche, les fournisseurs d’énergie classiques sont sous-pondérés au profit de ceux qui ont intégré les technologies d’énergie renouvelable à leurs activités.

Dans l’univers du crédit d’entreprise, les émissions d’obligations vertes deviennent de plus en plus prisées, également parmi les fournisseurs d’énergie. Le portefeuille est investi dans certaines de ces émissions. «Nous gardons un œil particulièrement bienveillant sur les obligations vertes mais nous n’investissons pas pour autant si elles ne répondent pas à nos critères de rendement», souligne le gérant qui estime que l’analyse des risques financiers et des émetteurs reste primordiale.