Comment ne pas s’énerver en 2023

Emmanuel Garessus

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Si l’Histoire et la technologie s’accélèrent, l’investisseur doit passer de la gestion des risques à celle de l’incertitude.

L’œil rivé sur l’actualité du jour, stressé par d’incessantes surprises, désemparé par les changements de tendances, les investisseurs, comme les médias, sont souvent passés à côté des événements qui ont marqué l’année 2022.

Pourtant, les événements de cette année étaient le fruit de tendances profondes. Chacun sait que les errements des banques centrales face à l’inflation étaient inscrits dans la croissance monétaire des 3 dernières années, que le conflit ukrainien devait faire partie des scénarios probables, que la politique idéologique des gouvernements en matière d’environnement et d’énergie devait se traduire par une crise énergétique, que l’incroyable saga de FTX devait se finir par une explosion en vol.

Pour 2023, à la lecture des stratégistes, souvent très proches les unes des autres parce qu’il leur est difficile de s’éloigner des indicateurs économiques avancés et des courbes de taux d’intérêt, un sentiment étrange émerge, celui d’un certain désarroi. Une question s’impose: La science de la prévision a-t-il progressé? Le monde est-il plus difficile à anticiper?

Le hasard restera toujours un puissant élément de réussite, mais l’investissement n’est pas une loterie.

Le biologiste Daniel Goodwin, sur son blog, tentait récemment de répondre à la question sous l’angle scientifique, mais ses leçons nous paraissent importantes en matière d’investissement. L’auteur constate d’une part une plus grande prévisibilité comportementale des individus (au plan micro), comme le montrent chaque jour la publicité qui apparaît sur les réseaux sociaux grâce à l’intelligence artificielle. Il observe d’autre part que la prévisibilité macro est de plus en plus compliquée car le sort des événements qui modifient le cours d’un pays ou d’une branche économique sont souvent le résultat - pour le meilleur ou pour le pire- des réflexions et des décisions d’un minimum d’individus, de Vladimir Poutine à Xi Jinping, d’Elon Musk à Mark Zuckerberg, Satoshi Sakamoto ou Sam Bankman-Fried.

Daniel Goodwil suggère que l’évolution technologique ne cessera pas de s’accélérer. Nous ne devrions pas essayer de l'anticiper. Mieux vaut ne pas s’inquiéter et tenter d’améliorer notre gestion de l’imprévisibilité. C’est un virage majeur qui est suggéré aux investisseurs. Il s’agit ni plus ni moins que de passer de la gestion des risques (et de son travail sur la probabilité des scénarios) à celle de l’incertitude.

Cette proposition n’est pas un appel à la paresse, comme on en rencontre tant dans nos contrées. Au contraire, cette attitude exige de l’investisseur d’approfondir ses connaissances de l’histoire, de la finance, de la politique et de la culture afin d’adapter correctement  et rapidement sa stratégie aux aléas des marchés. C’est une attitude de responsabilité individuelle qui améliore les chances de succès.

Le hasard restera toujours un puissant élément de réussite, mais l’investissement n’est pas une loterie. L’analyse de la saisonnalité des bourses a par exemple correctement tiré son épingle du jeu dans la gestion des investissements en 2022.

Dans un pays où, telle la Chine, l’incertitude est liée aux décisions politiques, l’entrepreneuriat nécessite des stratégies particulières pour s’adapter à ce type de choc externe. Dans Dragon Tactics, Sandrine Zeerbib et Aldo Spaanjaars présentent les stratégies choisies par Xiami, Tencent ou Huawei. Le monde occidental est de plus en plus interventionniste et politique, donc incertain, car les conséquences indirectes des décisions politiques sont souvent sous-estimées. Pour l’investisseur, les prévisions des instituts conjoncturels, des banques centrales et des statistiques officielles restent utiles, mais insuffisantes. Les leçons de l’histoire et la connaissance géopolitique autant qu’économique et financière seront encore plus déterminantes.

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