Comment Ferrari est devenu un géant en bourse

Beat Keiser, Rothschild & Co Bank

2 minutes de lecture

Un modèle économique unique, bien plus proche de l’industrie des produits de luxe que de celle de l’automobile.

Comme nous l'avons déjà mentionné à plusieurs reprises dans cette chronique, les meilleurs modèles économiques du point de vue des investisseurs sont souvent ce qu'on appelle des «business de relations», à l'opposé des «business de coûts de transaction». En effet, grâce à des clients fidèles, ces entreprises n'ont pas à se battre quotidiennement pour réaliser des ventes en baissant les prix. Dans les secteurs très volatils de l'automobile et des produits de luxe, ces entreprises sont particulièrement rares. Hermès et Ferrari en sont les exemples parfaits.

Contrairement aux autres constructeurs automobiles classiques, Ferrari suit une stratégie claire de luxe, qui n'a presque pas d'égal, même au sein de l'industrie du luxe, sauf peut-être Hermès. Les produits sont fabriqués avec amour (et beaucoup de travail manuel), la marque possède un ADN et une histoire uniques de voitures de course, elle est extrêmement exclusive et peut choisir ses clients – on ne devient pas un «Ferraristi» si facilement. Non, les clients doivent se qualifier pour l'achat d'une «Macchina» chez des concessionnaires Ferrari soigneusement sélectionnés (la société ne possède pas son propre réseau de distribution).

Ferrari applique une stratégie axée sur la croissance rentable et non sur la production de masse, contrairement à la plupart de ses «concurrents».

Le prix d’une telle voiture commence à quelques centaines de milliers d’euros. Une bonne partie de la clientèle possède plusieurs Ferrari, et une grande partie des nouveaux clients en possèdent déjà une. Cette fidélité et cette exclusivité se reflètent dans des listes d'attente de plus d'un an. Il n'est donc pas surprenant que plus d'un tiers de l'entreprise soit encore détenu par la famille.

Ferrari applique une stratégie axée sur la croissance rentable et non sur la production de masse, contrairement à la plupart de ses «concurrents». L'entreprise ne fabrique actuellement qu'environ 14’000 automobiles, avec une croissance annuelle modeste à un chiffre. Mercedes-Benz, par exemple, produit plus de 2 millions de véhicules par an. En comparaison, Ferrari est un nain. Cependant, avec sa production, l'entreprise génère un chiffre d'affaires de plus de six milliards d'euros, grâce à des prix unitaires élevés et en constante augmentation. Les marges et les rendements sur capital, qui se situent dans la plupart des entreprises automobiles à un chiffre, dépassent les 25% chez Ferrari.

Et quels sont les plus grands risques? Contrairement à de nombreuses entreprises de produits de luxe, ce n'est certainement pas la Chine; Ferrari y réalise à peine 10% de ses ventes. Le risque de nouveaux concurrents est également faible, grâce à son histoire, bien que des entreprises comme Lamborghini essaient de mettre en place une stratégie similaire à celle de Ferrari. Les plus grands risques se trouvent davantage dans l’innovation produit et la transition, désormais légèrement moins marquée, vers les voitures électriques. Mais Ferrari est également de la partie. Bien que les moteurs à combustion dominent encore, les voitures hybrides représentent déjà plus de 40% du volume. Le premier Ferrari entièrement électrique pourrait sortir des lignes de production dans un an – pour un prix unitaire impressionnant de près de cinq cent mille euros.

Il y a près de dix ans, Ferrari s’est séparé de son ancien sauveur Fiat et est entré en bourse. Depuis lors, la valeur de l'entreprise a presque décuplé pour atteindre plus de 80 milliards, bien plus que des constructeurs de luxe comme Porsche ou Mercedes-Benz, qui fabriquent pourtant beaucoup plus de voitures. L'évaluation est donc logiquement élevée, comme presque toujours. Cependant, nous pensons que l’entreprise reste attrayante pour les investisseurs à long terme – tant qu’elle reste fidèle à sa stratégie.

A lire aussi...