Bitcoin et crypto-monnaies, les trois vagues

Pierre Savarzeix, Seeyond

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Au sortir de la crise, il est certain que les mille milliards de dollars stockés en bitcoins attiseront la convoitise.

En seulement 10 ans d’existence, le bitcoin est parvenu à atteindre une capitalisation de 1000 milliards de dollars américains. Par sa croissance vertigineuse et sa dimension politique, le bitcoin est rapidement passé de sujet technophile avant-gardiste à problématique incontournable pour les investisseurs et les banques centrales, et pose aujourd’hui de nombreuses questions quant aux risques et bénéfices de son adoption à très grande échelle.

Au-delà de l’ascension vertigineuse de son cours ces derniers mois, le bitcoin a été utilisé comme réserve de valeur, en protection d’une potentielle dépréciation des monnaies contrôlées par des banques centrales. Cet afflux d’argent vers le bitcoin et les autres crypto-monnaies s’est fait au grand dam de certains observateurs qui auraient préféré voir l’or jouer ce rôle de façon exclusive.

Il semblerait donc que le bitcoin, bien qu’étant soumis à de fortes fluctuations de cours, soit finalement en train de gagner ses lettres de noblesse, à la fois chez les institutionnels de la finance et les trésoriers d’entreprise.

De nombreux observateurs prédisent déjà un avenir funeste au bitcoin.

Janet Yellen, Présidente du Trésor américain, a récemment qualifié le fonctionnement du bitcoin comme «inefficient» d’un point de vue transactionnel. De plus, le bitcoin favoriserait toujours le financement du terrorisme et les activités de blanchiment d’argent, comme le souligne le Département de la Justice américain. Aux Etats Unis, l’emploi de la devise numérique est vu comme un frein dangereux à l’extraterritorialité du dollar américain. Ainsi, une potentielle remise en cause de l’emploi du dollar dans les transactions internationales au profit du bitcoin risquerait de priver les Etats-Unis d’un puissant levier géopolitique.

En Europe, Christine Lagarde, Présidente de la Banque centrale européenne, semble définitivement fermer la porte au bitcoin en tant qu’actif de réserve pour son institution. Aussi, l’impossibilité pour le bitcoin d’être facilement intégré à un dispositif de surveillance des mouvements de capitaux comme Tracfin, provoque de la part de la justice européenne des réactions épidermiques.

Additionnant ces facteurs négatifs, de nombreux observateurs prédisent déjà un avenir funeste au bitcoin, actif hautement déflationniste par construction puisque le nombre maximal de 21 millions de bitcoin ne peut être dépassé. De plus, il présente un coût d’opportunité élevé car il ne verse pas d’intérêts ni de dividendes.

Comme le dit la fausse citation attribuée à Schopenhauer: «Toute vérité passe par trois étapes, d'abord elle est ridiculisée, ensuite elle est violemment combattue et enfin elle est acceptée comme une évidence». Raillée aux prémices de sa médiatisation comme devise antisystème de quelques «geek», les attaques constantes auxquelles elle fait face attesteraient-elles que l’on n’en soit qu’à la deuxième vague de ce processus?

Banques et assurances sont donc dans une position attentiste par rapport à leurs autorités de tutelle.

C’est sans compter l’intérêt récent des acteurs de la finance traditionnelle pour les cryptomonnaies qui entrevoient au travers de leur diffusion un potentiel de redynamisation de leur offre, et rendre plus attractif le paysage bancaire actuel pour le client. L’adoption des monnaies numériques ne serait en somme que la phase finale de l’automatisation de l’industrie bancaire. Dans un monde qui connait sans cesse l’adoption de nouvelles réglementations, les cryptomonnaies et la blockchain permettraient aux autorités une surveillance centralisée plus efficace, et moins couteuse à mettre en place pour les acteurs bancaires.

Cependant, cette adoption n’est pas poussée proactivement à l’heure actuelle par les institutions financières privées, car celles-ci bénéficient du quasi-monopole de la création monétaire que leur octroient les banques centrales. Banques et assurances sont donc dans une position attentiste par rapport à leurs autorités de tutelle. C’est dans ce cadre que la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne cherchent à incuber un dollar et un euro numérique en lançant - entre autres - des consultations publiques. Elles restent soucieuses, dans un premier temps, de ne pas trop chambouler les usages bancaires et de ne pas laisser le contrôle de la création monétaire à des nouveaux acteurs qui seraient plus difficiles à réguler. La mise en place de ces cryptomonnaies étatiques entérinerait alors le passage à la troisième vague: la généralisation et la banalisation de l’usage des cryptomonnaies quelles qu’elles soient.