Banques privées: pause dans la consolidation

Yves Hulmann

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Selon KPMG, la Suisse comptera un peu moins de 100 établissements de gestion de fortune d’ici à fin 2020, contre 163 en 2010.

Christian Hintermann, partenaire en services financiers chez KPMG et co-auteur de l’étude

63 établissements en moins en l’espace de dix ans. Le nombre de banques privées suisses, qui atteignait encore 163 instituts en 2010, a reculé à 101 instituts à fin 2019 pour être de 100 à fin juin dernier. Etant donné que deux transactions supplémentaires ont été annoncées en juillet dernier, le nombre d’établissements spécialisés dans les activités de gestion de fortune en Suisse devrait passer pour la première fois sous le seuil des 100 instituts d’ici à la fin de cette année, met en perspective l’étude annuelle de KPMG intitulée «Clarity on Performance of Swiss Private Banks» présentée mercredi à Zurich. L’étude, réalisée par le cabinet d’audit en collaboration avec l’Université de Saint-Gall, repose sur les données fournies par 84 banques privées opérant en Suisse qui géraient des actifs totalisant 2860 milliards de francs à fin 2019. Cet échantillon, qui n’inclut pas UBS et Credit Suisse, ne prend pas non plus en compte les établissements en liquidation ou n’auraient pas publié de rapports annuels au cours des cinq dernières années.

Peu de fusions et acquisitions durant le premier semestre

L’essentiel du mouvement de consolidation observé sur dix ans est toutefois intervenu surtout durant la première moitié de la décennie écoulée. A fin 2015, le nombre de banques privées avait déjà reculé à 119 instituts. Les activités de fusions et acquisitions ont du reste aussi ralenti au cours des cinq dernières années : après un pic de 19 transactions répertorié en 2018, le nombre d’opérations de fusions et acquisitions est redescendu à 9 transactions en 2019 pour se maintenir aussi cette année à un faible niveau de 5 transactions entre janvier et juillet.

La répartition des banques privées en fonction de
leur taille n’a que peu varié au cours des trois dernières années.

La répartition des banques privées en fonction de leur taille n’a que peu varié au cours des trois dernières années. Ainsi, parmi les 100 établissements qui étaient dénombrés à fin juin dernier, on comptait 18 grandes banques privées, soit des instituts disposant d’actifs sous gestion dépassant les 25 milliards de francs, 32 établissements de taille moyenne (entre 5 milliards à 25 milliards) ainsi que 50 instituts gérant des actifs inférieurs à 5 milliards. Au-delà du seul aspect de la taille, l’étude répartit les banques privées entre celles qui réalisent les meilleures et celles qui affichent les moins bonnes performances. KPMG observe à cet égard une tendance à la polarisation entre les instituts qui voient leur situation s’améliorer ou se détériorer : le cabinet a identifié 23 «strong performers» (soit 27% du total) en 2019 contre 19 instituts en 2018. A l’inverse, 26 établissements étaient au contraire toujours considérés l’an dernier comme des «weak performers» (31%), soit presque autant qu’en 2018 (28 instituts). De plus, 17 établissements affichaient des pertes opérationnelles, en hausse de 21% sur un an.

Afflux nets d’argent frais «extrêmement encourageants»

L’aspect le plus positif relevé par KPMG est l’accroissement de l’afflux net d’argent frais l’an dernier – un signe «extrêmement encourageant pour le secteur des banques privées», jugent les auteurs de l’étude. Près des deux tiers des instituts passés en revue ont en effet enregistré un afflux net d’argent positif en 2019, comparé à 56% en 2018. L’an dernier, les taux de croissance des afflux nets d’argent frais ont été les plus élevés chez les grandes banques privées (3,1%), suivies par les petits établissements (1,5%) et les instituts de taille moyenne (1,1%). Toutes catégories confondues, le taux de croissance des afflux nets d’argent frais a atteint en moyenne 2,4% en 2019, contre 0,5% un an plus tôt et 0,6% en 2017. «La branche est aujourd’hui mieux positionnée pour acquérir de nouveaux clients», a estimé Christian Hintermann à la lecture de ces chiffres.

Pas de corrélation claire entre taille et rentabilité

La taille n’est toutefois pas à elle seule une garantie de meilleure rentabilité. Côté positif, les grandes banques privées affichaient à fin 2019 en moyenne le ratio coûts/revenus le plus favorable avec 75%, comparé à 82,5% pour les établissements de taille moyenne et 84% pour les petits instituts. En revanche, les grandes banques privées ont subi le recul le plus important de leur marge de revenus («income margin») l’an dernier (en baisse de 4 points de base à 65 points de base), tandis que celle-ci n’a que peu diminué chez les établissements de taille moyenne (86 points en 2019, contre 87 points un an plus tôt) et alors que les petits instituts ont même amélioré celle-ci (97 points de base, contre 94 points un an plus tôt). «En dépit d’un environnement de marché positif et d’importants progrès réalisés concernant les afflux nets d’argent frais, la performance financière de la branche n’est pas encore satisfaisante», a estimé Christian Hintermann, partenaire en services financiers chez KPMG et co-auteur de l’étude. Le rendement des fonds propres, par exemple, a reculé à 4% en 2019 en moyenne, soit le plus bas niveau affiché depuis sept ans.

Les programmes étendus de réduction des
coûts sont généralement «un signe de désespoir»

Si les auteurs de l’étude encouragent les banques privées à améliorer leur efficience sur le plan opérationnel, ils se montrent sceptiques quant aux mesures visant uniquement à réduire les coûts. Alors que des baisses de coûts modérées ont contribué à améliorer la rentabilité et les chances de survie des instituts, les programmes étendus de réduction des coûts sont, eux, généralement «un signe de désespoir», interprète Christian Hintermann. Dans le second cas, les banques cherchant avant tout à compenser de cette manière des pertes de volumes d’affaires.

Sur pause, le mouvement de consolidation reprendra

Si les banques privées suisses ont dans l’ensemble bien maîtrisé la crise du coronavirus, que ce soit sur le plan opérationnel ou dans le cadre de la gestion des relations avec leurs clients, estime KPMG, le cabinet d’audit et de conseil s’attend néanmoins à terme à une poursuite du mouvement de consolidation dans le secteur. «Le nombre de banques s’est stabilisé, étant donné que le mouvement de consolidation a été interrompu – du moins pour le moment. Le processus de consolidation va toutefois à nouveau s’accélérer», conclut Christian Hintermann.

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