Au-delà des apparences sur les marchés émergents

Brett Diment, Aberdeen Standard Investments

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Nombreux sont ceux qui disent que les marchés émergents ne sont jamais ennuyeux. Ce constat est aujourd’hui plus vrai que jamais, remarque Brett Diment d’Aberdeen Standard Investments.

Au cœur d’une année pleine de rebondissements, allant du départ du président sud-africain Jacob Zuma à l’évocation de nouvelles sanctions contre la Russie, la dernière actualité en date provient des Etats-Unis, qui ont l’intention d’imposer des taxes sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de Chine. Tout cela peut sembler inquiétant, mais si l’on veut réellement apprécier les perspectives des pays émergents, mieux vaut gratter la surface pour voir ce qui se cache dessous.

Prenons le cas des taxes américaines sur l’acier et l’aluminium. On peut aisément interpréter l’intention des États-Unis d’imposer de nouvelles taxes sur les importations en provenance de Chine comme le prélude à une guerre commerciale entre les deux plus grandes puissances économiques mondiales.

Croissance et développement inégalés

A bien des égards, c’est là une réaction naturelle. Après tout, les discours, surtout d’origine américaine, prônant l’élimination des obstacles au commerce mondial ont dominé ces 30 dernières années. Cela a engendré une croissance et un développement inégalés dont ont bénéficié la plupart des pays, notamment les marchés émergents.

Quand la Chine éternue, l’univers des pays émergents
ne s’enrhume pas forcément, mais il s’inquiète.

La puissance économique de la Chine et son besoin insatiable en ressources provenant de pays étrangers en font un baromètre pour les autres pays émergents. Quand la Chine éternue, l’univers des pays émergents ne s’enrhume pas forcément, mais il s’inquiète. De manière générale, les pays émergents ont largement profité de l’abaissement des barrières commerciales. Il serait donc logique de s’inquiéter du relèvement des tarifs douaniers, qui sonne comme un affront au commerce mondial.

Pas encore une guerre commerciale

Mais il faut examiner la situation plus en détail avant de tirer de telles conclusions. Premièrement, il ne s’agit pas encore d’une guerre commerciale. L’administration Trump s’efforce de rééquilibrer ses rapports économiques avec la Chine, notamment ses relations commerciales bilatérales, qu’elle juge déséquilibrée. La Chine le sait et a réagi de façon mesurée.

Il existe effectivement un risque d’escalade qui, s’il se concrétisait, affecterait la croissance mondiale et les pays émergents. Mais les deux parties mesurent foncièrement l’ampleur des enjeux. La situation de la Chine est de plus en plus liée à la vigueur de sa gigantesque demande intérieure. Sa croissance ralentit, mais cette demande aspirera une part considérable des ressources mondiales au cours des années à venir.

Distinguer les paroles des actes

Deuxièmement, il convient de distinguer les paroles des actes. Le détail des nouveaux tarifs douaniers n’a pas encore été dévoilé mais sera crucial pour comprendre si ces taxes sont à la hauteur des menaces proférées à ce jour.

Les mesures de l’administration Trump s’avèrent souvent
moins sévères que ses diatribes. Le Mexique en est un bon exemple.

Ce ne serait pas la première fois que des mesures de l’administration Trump s’avèreraient moins sévères que ses diatribes. Le Mexique en est un bon exemple. Il a relativement souffert ces dernières années. La possibilité que les États-Unis rapatrient leurs activités industrielles et les craintes relatives à l’ALENA ont accentué les problèmes politiques internes, avec un effet de ricochet sur la monnaie et la croissance. Étant donné la dépendance de l’économie mexicaine à l’égard de l’économie américaine, beaucoup sont désormais pessimistes quant aux perspectives du pays.

Mais l’avenir pourrait s’avérer beaucoup moins sombre que certains ne le craignent. Soulignons que malgré le durcissement des discours à l’égard du Mexique, ce dernier, ainsi que le Canada, sont épargnés par les mesures douanières prises par les États-Unis. Par ailleurs, il est de moins en moins probable que l’abrogation éventuelle de l’ALENA devienne réalité.

Reprise au Mexique

Le Mexique est confronté à des défis. Sa relation commerciale avec les États-Unis va probablement évoluer, même si la réalité s’avère moins radicale que les discours ne le laisseraient entendre. L’avancement des progrès sociaux et économiques est plus difficile et plus lent qu’à l’époque du boom des matières premières.

C’est un défi que connaissent bien d’autres pays émergents, comme le Brésil. Ce dernier a subi une dure période de récession et de contestation et est exposé à une corruption endémique.

Normalisation de l’inflation

Mais le pays est en train d’émerger de cette phase et on assiste à la reprise de sa croissance économique ainsi qu’à une normalisation de son inflation.

Les perspectives des autres grands pays émergents semblent elles aussi encourageantes. En Inde, la monnaie s’est affaiblie mais l’inflation s’améliore et le vaste programme de réformes du Premier ministre Narendra Modi portera ses fruits au cours des années à venir.

Dans l’ensemble, les principaux moteurs économiques des pays émergents fonctionnent. Quant à l’aspect politique, il constituera toujours une particularité à intégrer. Mais la politique et l’économie sont inséparables dans de nombreux pays, qu’ils soient émergents ou non. Il est donc crucial de distinguer les paroles des actes.