Attention à ne pas surinterpréter trop vite les mauvaises «surprises»

Clémentine Gallès, Société Générale Private Banking

2 minutes de lecture

Les «surprises» comptabilisent, pour un grand nombre d’indicateurs économiques, les publications au-dessus ou en-dessous des anticipations.

Depuis quelques semaines, les «surprises» côté activité apparaissent clairement négatives à la fois aux Etats-Unis et en zone euro. Elles illustrent avant tout le maintien d’une certaine déconnexion entre les données d’enquêtes et les données «en dur». Elles ne remettent pas non plus en cause le scénario probable d’un environnement économique qui reste porteur, avec une activité modérée mais positive et une inflation qui continue de diminuer, ouvrant la voie aux baisses des taux des banques centrales. Cet environnement jouerait en faveur des marchés actions et obligataires.

Déconnexion entre les données d’enquêtes et les données en «dur»

Depuis le Covid, les indicateurs d’enquêtes sous-estiment la reprise de l’activité économique. La première explication était liée aux tensions très spécifiques engendrées par la pandémie, notamment en raison des difficultés d’approvisionnement et des goulets d’étranglement. Plus récemment, cette déconnexion s’expliquerait par une sensibilité accrue des ménages et des entreprises à certaines variables. C’est en particulier le cas de l’inflation et des taux d’intérêt, puisque les économies développées n’avaient pas connu d’épisode inflationniste marqué depuis près de 40 ans et de taux aussi élevés depuis 10 ans.

Tout d’abord, les ménages continuent d’avoir une perception fortement négative de l’inflation alors que celle-ci a déjà bien diminué. En effet, ils restent davantage marqués par la hausse significative des prix, que par le ralentissement du rythme de leur hausse. La progression des revenus n’est en outre pas perçue comme suffisante et entretient un climat de confiance dégradée des ménages vis-à-vis de la conjoncture. Par effet de symétrie, les enquêtes auprès des entreprises resteraient affectées par le niveau toujours élevé des taux d’intérêt.

Le ralentissement économique américain surestimé

Partant de niveaux de croissance très élevés pendant plusieurs trimestres, l’activité économique a ralenti outre-Atlantique, une détente à la fois attendue et souhaitable. Si ce ralentissement est bien réel, il apparaît surestimé par les données d’enquêtes. Les données en «dur» d’activité montrent un repli beaucoup plus contenu. La consommation en biens des ménages ou encore le marché du travail ralentissent certes, mais la consommation en services, la production industrielle ou encore l’investissement des entreprises restent bien orientés. Au total, les données en «dur» vont dans le sens d’une croissance qui pourrait se stabiliser autour de 2% aux Etats-Unis, soit son niveau pré-covid. Avec la confirmation de la baisse de l’inflation, ce scénario permettrait à la Réserve fédérale de baisser ses taux d’intérêt dans les mois à venir.

Zone euro: une croissance contenue et incertaine

En zone euro, le contexte reste différent de celui des Etats-Unis, avec un niveau d’activité toujours plus modéré. Au-delà des enquêtes qui apparaissent en retrait, les données en «dur» envoient également des signaux mitigés, avec notamment une activité industrielle qui continue de décevoir. Les données en «dur» et les indices de confiance continuent d’indiquer une divergence entre la robustesse des secteurs liés à l’investissement des entreprises (un moteur puissant de la croissance en 2022 et en 2023) et la faiblesse de la consommation des ménages (notamment de biens durables tels que les automobiles). Néanmoins, le repli de l’inflation dans un contexte de marché du travail toujours tendu et de croissance vigoureuse des salaires devraient permettre une amélioration du revenu disponible réel des ménages et, à terme, de la consommation.  Le maintien d’une croissance modérée mais positive, soutenue par la détente de l’inflation puis des taux d’intérêt au second semestre, semble donc se profiler.

Une désinflation qui se confirme

En parallèle de ce contexte d’activité économique toujours favorable, la baisse de l’inflation se poursuit de part et d’autre de l’Atlantique et permettrait aux principales banques centrales de réduire le caractère restrictif de leur politique monétaire. Elles appliqueraient une détente dorénavant synchrone et progressive de leurs taux directeurs, avec un rythme d’une baisse de taux par trimestre d’ici fin 2025 pour la Réserve fédérale, la Banque Centrale Européenne et la Banque d’Angleterre. La Banque Nationale suisse pourrait quant-à-elle poursuivre ses baisses de taux à un rythme plus modéré, compte tenu de celles déjà opérées et du niveau de taux directeur déjà plus bas.

Un environnement favorable aux actions et aux obligations

Le contexte de croissance toujours positive et de baisse des taux d’intérêt devrait continuer de soutenir les marchés actions des économies développées. Les marchés américains continuent de bénéficier de la vigueur de leur économie, tandis que les marchés européens offrent toujours des valorisations attrayantes. En parallèle, les marchés obligataires devraient être soutenus par la détente attendue des taux d’intérêt.

A lire aussi...