Assurances: l'un des plus grands changements comptables

Philippe Rey

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Les deux normes IFRS 17 et 9 ne changent pas la valeur économique des groupes, mais elles amènent plus de transparence et stabilité des bénéfices.

Plus de trois cents. C’est le nombre de personnes qui se sont mobilisées au sein du groupe Helvetia pour la mise en oeuvre en 2023 des nouvelles exigences comptables IFRS 17 portant sur les contrats d’assurance et IFRS 9 relatives aux instruments financiers, selon Annelis Lüscher Hämmerli, directrice financière de l’assureur saint-gallois. Ces normes remplacent respectivement celles IFRS 4 et IAS 39. Elles ont pour objectif d’offrir une meilleure comparabilité entre les groupes d’assurances, une meilleure transparence, ainsi qu’une amélioration de la communication financière.

Ce n’est pas une mince affaire; c’est le plus gros changement de la comptabilité dans l’assurance depuis des décennies. Tous les assureurs, qui nagent en pleine transition sur ce plan, vous le diront, bien que ça ne change pas la valeur économique de leur entreprise. L’introduction de ces principes n’a pas d’impact sur les remontées de liquidités à la société-mère ou holding, ni sur le ratio de solvabilité économique SST (Swiss Solvency Test). Elle ne remet nullement en question la politique de versement de dividendes, s’empressent de souligner les assureurs qui sont soumis au régime de ces normes comptables internationales sous la férule de l’International Accounting Standards Board (IASB).

Il s’agit avant tout d’une démarche comptable, qui concerne en premier lieu les affaires vie ainsi que le principe IFRS 17. «Elle assure une continuité dans les affaires non vie, réduit les décalages entre les actifs et passifs du bilan d’un assureur et limite la volatilité des bénéfices», explique Carsten Stolz, CFO du groupe Baloise. Cette démarche nécessitera cependant du temps pour être parfaitement rodée et la récolte des données sur une durée suffisamment longue. Elle donne du fil à retordre aux analystes financiers en matière de prévisions, dont l’horizon temps est souvent de 12 mois, du moins pour les analystes dits «sells-side».

La règle IFRS 9 simplifie les normes comptables concernant la valorisation de juste valeur des instruments financiers.

La règle IFRS 9 simplifie les normes comptables concernant la valorisation de juste valeur des instruments financiers dans le cas où les marchés ne sont pas liquides. Elle s’avère moins complexe en matière de comptabilisation de ces instruments. Et renforce en particulier les conditions de provisionnement des risques de crédit.

En pratique, sous la norme IFRS 17, les passifs d’assurance doivent être mesurés en valeur de marché; ce qui implique d’actualiser la valeur des cash-flow futurs attendus, par opposition à l’évaluation du passif du contrat à sa date de signature. Cette norme introduit par ailleurs une provision de marge de service contractuelle (CSM) à caractère de fonds propres. Laquelle permet de lisser les revenus issus de la partie servicielle sur la durée entière du contrat d’assurance, et d’assoir le principe de reconnaissance des profits réellement réalisés. Elle procure une meilleure transparence des bénéfices futurs.

Aussi bien Swiss Life que Helvetia et Baloise ont présenté cette semaine leurs résultats 2022 à l’aune de ces nouveaux standards comptables. «L’application des normes IFRS 17 et 9 n’a aucun impact sur les affaires sous-jacentes et la manière avec laquelle Swiss Life les gère», commente à ce sujet son CEO Patrick Frost. Le résultat découlant des affaires d’honoraires et commissions n’a pas été affecté ou à peine. Et de confirmer la stratégie du leader de la prévoyance et assurance vie, ainsi que les buts financiers visés d’ici fin 2024. Ceux-ci seront même en partie dépassés.

«Les nouvelles règles IFRS 17 et 9 convergent davantage vers les mesures de la valeur économique des activités d’assurance de personnes et des activités liées, sur la base en juste valeur des actifs et passifs», observe pour sa part Matthias Aellig, CFO. La somme des fonds propres (8,4 milliards) et de la CSM (13,0 milliards après impôts) du groupe Swiss Life s’élevait à 21,4 milliards de francs à la fin de 2022, soit bien au-dessus de la valeur boursière actuelle de Swiss Life Holding, d’environ 16 milliards, qui correspond à 13,5 fois le bénéfice net IFRS 17/9 en 2022.

Helvetia, qui mettra encore plus l’accent sur les bénéfices récurrents pour refléter sa performance opérationnelle, voit ses capitaux propres revenant aux actionnaires et la CSM à fin 2022, avec environ 8 milliards au total, dépasser sensiblement sa capitalisation boursière actuelle de 6,3 milliards de francs.

Le même constat peut être dressé s’agissant de Baloise. Ses fonds propres (3,4 milliards) et sa CSM après impôts (4,3 milliards) se montaient à 7,7 milliards de francs à fin 2022, contre une valeur boursière proche de 6 milliards à présent.

Le passage aux normes IFRS 17 et 9 entraîne pour 2022 un recul des bénéfices et des fonds propres, stricto sensu, sans la CSM, en comparaison de ceux sous l’ancien régime IFRS 4, du fait du changement de méthodologie. Les bases sont désormais posées avec les nouvelles règles comptables pour permettre des comparaisons semestrielles et annuelles des résultats. 

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