Achetez maintenant, payez plus tard

Eros Portillo Spetaliere, DPAM

3 minutes de lecture

Les modes de paiements sont en pleine transformation. Dernière évolution en date le «Buy Now - Pay Later».

L’achetez maintenant - payez plus tard, ou BNPL pour les intimes, permet au consommateur d'acheter un produit ou service sur le champ et le payer en plusieurs versements. On peut distinguer deux types de BNPL. Le premier et plus populaire, permet des remboursements échelonnés sur une courte période, sans intérêts. Le deuxième type propose quant à lui, des remboursements sur plus longue durée, avec paiement d’intérêts. 

Principale différence avec les carte de crédit? L'absence d’intérêts sur le paiement différé (du moins pour le type le plus populaire). De plus, les clients ne verront pas leur cote de crédit affectée par ce qui reste essentiellement, un prêt à court terme. Par ailleurs, les sociétés de BNPL n'effectuent généralement pas de vérification de solvabilité auprès des bureaux de crédit. Au lieu d'utiliser des contrôles formels, elles gèrent leur risque de crédit en accordant aux utilisateurs un accès privilégié à la plateforme. Le consommateur se voit ainsi accorder, dans un premier temps, une autorisation de crédit pour un petit montant. Ce dernier peut être augmenté par la suite, si les mensualités sont remboursées dans les temps. 

Malgré des frais plus élevés, ce mode de paiement reste intéressant pour le commerçant, puisque les consommateurs utilisant le BNPL achètent plus.

Mais alors comment les sociétés BNPL parviennent à couvrir leurs frais? Simple, les commerçants paient une commission directe au fournisseur de BNPL pour accepter ce mode de paiement en leur point de vente. Il est équivalent au taux d'escompte dans le cadre d'un paiement par carte traditionnel. Toutefois, ces frais se situent entre 2 et 6%, soit un peu plus que les frais pour un paiement par carte de crédit ou débit. Ces commissions représentent 70 à 85% des revenus de la plupart des sociétés de BNPL. Mais malgré des frais plus élevés, ce mode de paiement reste intéressant pour le commerçant, puisque les consommateurs utilisant le BNPL achètent plus. Le taux de conversion des transactions de BNPL est également plus élevé que celui des méthodes de paiement traditionnelles. Il s’agit d’ailleurs d’un élément crucial pour l’e-commerce. On constate également que les achats répétés sont plus nombreux, que le trafic augmente et que les coûts d'acquisition des clients sont moins élevés. Ainsi les commerçants ont tendance à utiliser les plateformes de BNPL comme outil promotionnel pour leurs produits.

En plus de percevoir des frais auprès du commerçant, les sociétés de BNPL facturent des frais de retard aux consommateurs qui n’effectueraient pas leurs remboursements à temps. Ces frais peuvent représenter jusqu’à 10% du chiffre d'affaires et constituent un outil supplémentaire pour gérer le risque et les pertes. Enfin, ces entreprises gagnent des commissions supplémentaires en invitant les clients à se rendre directement sur les boutiques en ligne des commerçants à partir de leurs plateformes, tirant ainsi parti du fort engagement de leur base d'utilisateurs.

Un mode de paiement en forte croissance 

Selon le rapport Global Payments de Worldpay, ce mode de paiement est passé de 1,6% des transactions de l’e-commerce mondial en 2019 à 2,4% en 2020. D'ici 2024, il devrait atteindre 4,2% des volumes mondiaux de l’e-commerce, impliquant un taux de croissance annuel moyen supérieur à 30% par rapport à 2020.

Mais dans certaines régions, le BNPL dépasse déjà largement ces chiffres. Ainsi en Australie, en Suède et en Allemagne, il représente respectivement 10%, 23% et 19% des paiements en ligne. Donnant à croire qu'à terme, les modes de paiements BNPL pourraient englober une large portion des paiements en ligne, renforçant ainsi les perspectives de croissance du marché.

Un concurrent des banques?

Si l'on considère la valeur ajoutée que le BNPL offre à ses clients, la popularité actuelle de ces plateformes n'est pas surprenante. Pourtant, la majeure partie des transactions se fait toujours par l'intermédiaire de cartes bancaires traditionnelles. La méthode ne fait que déplacer les volumes de paiement en ligne des cartes de crédit vers les cartes de débit, entrainant un impact limité du BNPL sur les réseaux bancaires

Toutefois, il faut distinguer les différents flux de transactions. Les paiements en amont sont ceux effectués par les fournisseurs de BNPL aux commerçants. La plupart d’entre eux disposent d'intégrations directes avec les commerçants, leur permettant de récupérer les données sur les unités de gestion des stocks, les données produits, ou encore les détails d’expédition. Cela permet de payer les commerçants instantanément dans le cadre des chambres de compensation automatisées. Les réseaux de transaction et les commerçants sont absents de l'équation dans ce cas de figure. Si les fournisseurs de BNPL ne disposent pas d'une connexion directe, une carte virtuelle à usage unique est émise pour payer le commerçant. Dans ce cas, les réseaux de cartes et de transaction marchands bénéficient d'un modèle économique équivalent.

Le client décide du mode de remboursement de ses versements.

Les paiements en différé sont effectués par les clients auprès du fournisseur de BNPL. Le client décide du mode de remboursement de ses versements. Si le client décide de lier sa carte de débit ou sa carte de crédit à la plateforme de BNPL, les réseaux bancaires et de transaction bénéficient de la transaction. Ils ne sont pas contournés. Aujourd'hui, rien n’indique que les fournisseurs de BNPL parviennent à convaincre, ou à permettre efficacement aux clients de lier leurs comptes bancaires directement à la plateforme de BNPL. Si ces acteurs renforcent cette capacité, un système en circuit fermé pourrait apparaître à long terme par le biais de mandats de débit direct.

Les spécialistes des portefeuilles virtuels comme PayPal et Square ont clairement repéré le potentiel du BNPL dans l'espace de l’e-commerce pour le développement des réseaux biface. Square a acquis AfterPay, un des leaders du BNPL, pour 29 milliards de dollars afin d'accroître son exposition en ligne, sa présence internationale et de se diversifier vers les grands distributeurs. Là encore, il ne devrait pas y avoir de menaces substantielles en circuit fermé pour l'écosystème des paiements. Square reste centré sur les États-Unis et ne traite que 1% du commerce total. Son application Cash est principalement utilisée pour les transactions Peer-to-Peer plutôt que pour payer les commerçants. PayPal a lancé sa propre offre de BNPL et a acquis l'acteur japonais Paidy pour 2,7 milliards de dollars. La plupart des utilisateurs de PayPal lient leurs comptes portefeuilles à des cartes de crédit et de débit. D'autres relient leur compte bancaire ou paient des transactions par le biais de soldes stockés. PayPal ne ferme pas encore activement la boucle. Le groupe privilégie toujours une approche partenaire au sein de l’écosystème des paiements. Néanmoins, il pourrait devenir plus agressif à long terme en poussant les gens vers des sources de financement autres que les cartes ou en réussissant à déployer des méthodes directes de versement. Cette dernière option suppose que les utilisateurs du portefeuille permettraient à PayPal de transférer automatiquement un certain pourcentage de leur salaire sur leur compte. 

En somme, le BNPL est devenu une option incontournable de l'espace des paiements en ligne. Il apporte une approche disruptive dans le domaine du crédit à la consommation à court terme. A l’avenir, il se pourrait être un élément perturbateur dans l'écosystème traditionnel des paiements, si les acteurs du secteur décident de passer en «circuit fermé». Mais pour l’instant ils contribuent surtout à la croissance globale. 

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