Achat de nationalité, golden visa et titre de séjour

Philippe Kenel, Valfor

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La Suisse ne permet pas l’achat de sa nationalité et n’accorde pas de golden visa, mais applique une politique très restrictive en matière d’autorisation de séjour à des ressortissants non européens.

Suite à l’arrêt rendu le 29 avril 2025 par la Cour de justice de l’Union européenne, la presse a abondamment parlé de la problématique de l’achat d’une nationalité, du golden visa et du permis de séjour.

Afin d’éviter toute confusion, il est important de clarifier ces notions et de présenter les règles helvétiques. En guise de préambule, il y a lieu de relever que ces problématiques concernent uniquement les ressortissants non européens, soit ceux qui n’ont pas la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne (UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE), vu que ces derniers bénéficient de la libre circulation des personnes et de la faculté de voyager sans visa dans l’Espace Schengen.

L’achat d’une nationalité est la faculté offerte par un Etat d’acquérir, moyennant finance, sa nationalité. Au sein de l’UE, cela était notamment possible ces dernières années à Chypre, en Bulgarie et à Malte. Dans l’arrêt précité, la Cour de justice a jugé que cela était contraire au droit européen. Le fait d’acquérir la nationalité d’un Etat membre de l’UE permet d’acquérir également la citoyenneté de l’Union avec tous les avantages que cela comporte, notamment la libre circulation des personnes. Un citoyen européen peut s’installer librement au sein de l’UE ou dans les pays bénéficiant, comme la Suisse, de la libre circulation des personnes et de voyager sans visa au sein de l’Espace Schengen.

Le golden visa permet à son titulaire de voyager librement au sein de l’Espace Schengen si l’Etat qui l’a octroyé en est membre ou a un accord avec lui allant dans ce sens. Il est fortement apprécié par les ressortissants d’un Etat tiers qui souhaitent pouvoir se rendre dans ledit espace sans à chaque fois demander des visas sans pour autant avoir l’obligation de résider dans l’Etat en question. Il est possible d’acquérir de tels visas par exemple à Malte, Chypre ou en Grèce moyennant l’acquisition d’un bien immobilier. Tel était également le cas au Portugal. Néanmoins, vu que cette pratique y a fait exploser le prix des biens immobiliers, le Portugal a maintenu la pratique du golden visa mais en ne prévoyant plus la possibilité de l’obtenir par le biais de l’acquisition d’un bien immobilier. L’une des possibilités offertes est que l’intéressé fasse une donation culturelle d’au moins 250'000 euros pour préserver un bien d’héritage national au Portugal.

Le permis de séjour permet quant à lui à son titulaire d’être domicilié dans l’Etat en question ce qui engendre pour lui l’obligation d’y payer ses impôts. En Italie, il existe un «elective residence programme». Pour en bénéficier, il suffit de démontrer ses moyens financiers afin d’obtenir le droit de résider en Italie. Le golden visa permet également dans certains Etats à son titulaire d’y prendre domicile.

Qu’en est-il de la Suisse?

La Suisse, et c’est très bien ainsi, ne connaît ni la possibilité d’acheter la nationalité helvétique, ni le golden visa.

Alors que les ressortissants européens bénéficient en Suisse de la libre circulation des personnes, notre pays, contrairement à ce que d’aucuns affirment, a une politique migratoire très restrictive, aussi bien en matière de permis de travail que d’autorisation de séjour, à l’égard des ressortissants d’un Etat tiers. Si une personne n’ayant pas la nationalité d’un Etat membre de l’UE ou de l’AELE, tels les ressortissants du Royaume Uni souhaite prendre domicile en Suisse sans y travailler, seules deux possibilités s’offrent à elle. Tout d’abord, si elle satisfait les conditions de l’article 28 de la Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l’intégration (LEI) et de l’article 25 de l’Ordonnance du Conseil fédéral du 24 octobre 2007 relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA), soit notamment être âgé de plus de 55 ans et avoir des liens personnels particuliers avec la Suisse (conditions interprétées très restrictivement par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM)), elle peut se voir octroyer une autorisation de séjour pour rentier. Il est très difficile d’obtenir ce type d’autorisation de séjour dans la mesure où rares sont les ressortissants d’un Etat tiers qui satisfont la condition des liens personnels particuliers avec la Suisse au sens où l’interprète le SEM.

En second lieu, si l’intéressé ne remplit pas les conditions précitées pour l’obtention d’une autorisation de séjour pour rentier, la seule solution qui s’offre à lui est de requérir une autorisation de séjour délivrée en raison d’intérêts publics majeurs au sens des articles 30 al. 1 lit. b LEI et 32 OASA. A titre d’exemple «d’intérêts publics majeurs», le Conseil fédéral cite la défense d’intérêts culturels importants ou d’intérêts cantonaux majeurs en matière de fiscalité (art. 32 al. 1 lit. a et c OASA). Alors que la première possibilité, s’offre uniquement aux artistes reconnus, la seconde permet aux personnes qui acceptent de payer un montant minimum d’impôts d’obtenir ce type d’autorisation de séjour. Contrairement à ce que prévoie un certain nombre d’Etats européens, les ressortissants d’un Etat tiers bénéficiant de l’un des deux types d’autorisation précités doivent séjourner au moins six mois par année en Suisse.

Il résulte de ce qui précède, que contrairement à ce qu’on a pu entendre ces derniers temps, la Suisse non seulement ne permet pas l’achat de sa nationalité et n’accorde pas de golden visa, mais applique de plus une politique très restrictive en matière d’octroi d’autorisation de séjour à des ressortissants non européens. La solution qui consiste à ce que les intéressés, s’ils ne remplissent pas les conditions pour obtenir l’autorisation de séjour pour rentier, doivent payer un montant supérieur d’impôts, a les avantages suivants. D’une part, cela garanti que l’argent payé ne peut pas été récupéré comme cela peut être le cas lorsqu’il s’agit d’investissements ou de donations. D’autre part, cette pratique est sans conséquence sur le marché immobilier hormis peut-être sur le très haut de gamme. Enfin, l’argent payé est destiné à la collectivité publique. 

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