50 nuances de vert

Jacques-Aurélien Marcireau, Edmond de Rothschild Asset Management

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La couleur est celle d’une transition énergétique qui imprégnera les années à venir.

Ce texte ne débutera pas par un exposé convenu des causes et des conséquences du changement climatique: l’immense majorité des lecteurs du «Vieux Continent» est déjà convaincue. Notre niveau de développement économique nous permet plus facilement de considérer cette problématique, qui n’a jamais quitté notre regard malgré deux décennies de délocalisations de nos industries les plus polluantes sur d’autres continents. Nous sommes dans l’ensemble unis face à ce constat et c’est le fait le plus marquant: l’unité peut aujourd’hui se construire autour d’une économie plus verte. Dans un monde marqué par la corrélation frappante entre la montée des inégalités et du populisme, une relance économique verte est la seule qui rencontre une très large adhésion citoyenne. C’est d’ailleurs pour cette raison que, sans aucune coïncidence, l’immense majorité des plans de relance annoncés au lendemain de la crise liée au covid-19 sont tous conditionnés à un certain engagement en faveur de la transition énergétique, tous secteurs confondus. C’est une excellente nouvelle.

La couleur de la relance et de l’investissement

Au sein des entreprises et dans les rapports avec les investisseurs, le vert sera également la couleur de l’unité. La sensibilité des nouvelles générations aux enjeux environnementaux et la conversion progressive du monde de la finance aux critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) vont dans la même direction. Le «E» de Environnement mérite bien sa première place dans l’acronyme, car quel que soit son degré de matérialité – d’importance – pour l’industrie considérée, ce sera le point central selon nous, car le plus fédérateur et le plus objectivable face au caractère plus clivant de la gouvernance et des aspects sociaux, non moins importants par ailleurs. C’est une avancée que l’on salue.

Le vert est un impératif, la couleur de la reprise, de la responsabilité
et une exceptionnelle opportunité d’investissements.
La couleur de la responsabilité et de la marque employeur

Ne nous y trompons pas: l’impératif de transition énergétique ne devra pas se faire au détriment de l’esprit critique et de la lucidité. Conduire une voiture électrique n’apporte aucune solution, si les conditions d’exploitation des terres rares ne sont pas encadrées et le mix énergétique qui fournit l’électricité passablement décarboné. Le vert ne doit pas servir de couleur de camouflage à des bulles spéculatives, des tentatives de capture de rente, tout comme il ne doit pas détourner des autres enjeux. Ainsi, l’empreinte zéro carbone de datacenters de certains géants de l’Internet ne doit pas masquer leur empreinte négative bien réelle sur les écosystèmes économiques qui les supportent. Enfin, malgré les récents progrès réalisés, la génération actuelle de leaders écologistes est marquée par un certain désarroi face à la lenteur des progrès réalisés via les mécanismes institutionnels. Il nous incombe de progresser à marche forcée pour ne pas jeter la future génération de leaders dans les bras d’un terrorisme vert dont l’ombre dessine progressivement un cygne… noir.

Faisons en sorte que le vert ne soit pas la couleur du mensonge puis du désespoir

C’est pourquoi au sein du groupe Edmond de Rothschild, nous renforçons notre capacité d’investissement au service de la transition énergétique, avec pragmatisme et détermination. Nous saluons chaque mouvement en ce sens de la part de nos concurrents. Le vert est un impératif, la couleur de la reprise, de la responsabilité et une exceptionnelle opportunité d’investissements, s’ils sont réalisés avec discernement dans un monde qui gagne en complexité chaque jour.

Le vert peut être la couleur d’une Europe
rayonnante à travers le monde.
Le vert n’orne pas notre blason, mais il est ancré dans nos pensées

Répondre au défi de la transition énergétique représente une opportunité sans précédent pour une Europe qui compte aujourd’hui de nombreux acteurs capables de capitaliser sur leur capacité à apporter des solutions et faire émerger une thématique fondatrice pour construire une plus grande unité politique. À l’heure où certains investisseurs européens se détournent de leur propre marché en pensant que le dynamisme se trouve ailleurs, il est difficile de résister à l’envie de conclure notre propos par une citation d’Albert Camus, dans son ouvrage «L’été», qui bien que datant de 1940, reste d’actualité.

«Nous ne gagnerons pas notre bonheur avec des symboles. Il y faut plus de sérieux. Je veux dire seulement que parfois, quand le poids de la vie devient trop lourd dans cette Europe encore toute pleine de son malheur, je me retourne vers ces pays éclatants où tant de forces sont encore intactes. La méditation de leur exemple m’enseigne que si l’on veut sauver l’esprit, il faut ignorer ses vertus gémissantes et exalter sa force et ses prestiges. Ce monde est empoisonné de malheurs et semble s’y complaire. Il est tout entier livré à ce mal que Nietzsche appelait l’esprit de lourdeur. N’y prêtons pas la main. Il est vain de pleurer sur l’esprit, il suffit de travailler pour lui».

Ces lignes ont été écrites quelques années avant le redressement incroyablement rapide de l’Europe, porté par des investissements d’ampleur.

Il est temps d’oublier «l’esprit de lourdeur», de regarder au-delà des faiblesses de l’Europe, qui recèle également de grandes forces, pour passer à l’action – au sens propre comme au figuré – et investir. Faisons du vert la couleur du succès et d’une fierté collective. Le vert peut être la couleur d’une Europe rayonnante à travers le monde.