36pbs ou la hausse des taux américains en 2021

Bastian Gries, ODDO BHF AM

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Les banques centrales et leur gestion de l’inflation à venir, le duo de choc qui domine les marchés en ce début d’année.

Lorsque l’on examine les marchés obligataires sur ces dernières semaines, la dynamique de resserrement des spreads s’est accompagnée d’un débat de plus en plus intense sur une hausse de l’inflation et des rendements des obligations d’État. Depuis le début de l’année, les rendements des obligations d’État américaines et allemandes à 10 ans ont augmenté, respectivement, de 36 et 20 points de base.

Les valeurs dites «refuges» ainsi que les obligations d’entreprises Investment Grade ont subi des performances négatives. Dans le même temps, les segments plus risqués comme les obligations à haut rendement et les AT1 ont bénéficié du portage et de la forte baisse des spreads.

L’un des moteurs de l’augmentation des taux des obligations d’État - combinée à une pentification des courbes de taux – provient des commentaires de certains membres de la Fed, début janvier, ayant évoqué la possibilité de ralentir leur programme d’achat d’obligations sur les marchés. En effet, les progrès dans le déploiement de la vaccination et les plans de relance budgétaire supplémentaires devraient renforcer le rebond de l’économie américaine. Les marchés se sont positionnés pour bénéficier de cet effet reflationiste y compris sur les obligations à 10 ans indexées sur l’inflation. En particulier, le taux d’inflation anticipé a augmenté de manière significative depuis le début de l’année et a atteint 2,25% le 16 février, son plus haut niveau en six ans. En outre, concernant le déploiement du programme de relance supplémentaire, le président américain Biden a également déclaré que «plus il sera conséquent, mieux ce sera pour l’économie». Dans ce contexte, certains acteurs du marché ont critiqué le fait qu’un programme de relance sensiblement plus élevé que l’écart de production actuel («Output Gap») de l’économie américaine pourrait entraîner une augmentation significative de l’inflation.

Pour le moment, il n’y a aucun signe donné quant à un changement
des taux directeurs pour les années à venir.

Toutefois, ces craintes s’inscrivent dans un contexte où les objectifs d’inflation à long terme de la Réserve fédérale - un objectif d’inflation moyenne supérieur à 2% sur une période prolongée - ne semblent toujours pas réalisables de manière durable. En outre, le deuxième objectif de la Réserve fédérale, à savoir le plein emploi, semble également très éloigné, ce qui crée une certaine incertitude quant à l’ampleur de l’écart de production potentiel aux États-Unis. Dans ce contexte, un autre membre de la Réserve fédérale a récemment déclaré qu’il était encore trop tôt pour discuter de la réduction de l’écart de production. Selon le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, le taux de chômage réel est actuellement plus proche de 10% que du chiffre officiel de 6,3%. Par conséquent, les craintes du marché concernant une réduction progressive de la Réserve fédérale semblent prématurées. En outre, selon les orientations de la banque centrale, les taux directeurs devraient rester inchangés au cours des deux ou trois prochaines années.

Dans la zone euro, l’inflation en janvier a aussi fortement augmenté pour atteindre 1,4%, contre 0,9% prévu et 0,2% le mois précédent. Cela a également entraîné une hausse des rendements des obligations d’État allemandes, qui avaient relativement bien résisté en janvier alors que les rendements américains été déjà orientés à la hausse. Le rebond de l’inflation dans la zone euro a été principalement dû à un certain nombre de facteurs techniques et ponctuels, comme l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée allemande, qui est revenue à 19%, ou les changements dans la composition des constituants des biens et des services. Si ces changements peuvent continuer à influencer l’évolution des prix au cours de l’année, ils pourraient être plutôt de nature transitoire. Les prix des matières premières ont également fortement augmenté depuis mars 2020 et auront un impact important sur les chiffres d’inflation dans les mois à venir. Toutefois, il reste peu probable que l’augmentation de l’inflation soit durable à long terme, car des facteurs structurels tels que les tendances démographiques et les ruptures technologiques persisteront. Si l’on examine les différents scénarios macroéconomiques de la BCE, l’inflation globale devrait rester bien en deçà de l’objectif de «près de 2%» de la banque centrale, même dans le meilleur des cas. Et pour le moment, il n’y a aucun signe donné quant à un changement des taux directeurs pour les années à venir.

Néanmoins, l’ampleur des réponses monétaires et fiscales à la profonde récession induite par la Covid19 a créé un environnement d’incertitude élevée. Ainsi, même s’il semble encore très incertain que l’inflation puisse augmenter de manière durable, le débat sur les risques d’un retour de l’inflation pourrait bien perdurer.