2022, un cru alternatif

Anne Barrat

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Année de normalisation, 2022 sonnera le glas du traditionnel 60/40 actions-obligations. Place aux marchés privés et aux hedge funds, estime Julien Lafargue de Barclays.

Pour les stratégistes de Barclays, 2022 sera l’année du réveil mondial. La fin de la phase critique de la crise sanitaire emporte avec elle les mesures de soutien aux économies dans leur version extrême du «quoi qu’il en coûte», cédant le pas à une normalisation qui concernera tous les aspects de la vie des acteurs économiques. Lesquels vivront désormais avec le coronavirus comme ils le font avec une grippe saisonnière. La normalisation sur les marchés ne rimera pas avec retour à la normale, autrement dit à la traditionnelle allocation d’actifs, mais appelle des solutions alternatives d’investissement.

Normalisation des habitudes de consommation, qui verra un rééquilibrage entre les biens et les services, normalisation des politiques monétaires des banques centrales, la Fed prenant la tête d’un long et progressif mouvement de remontée des taux dès le deuxième trimestre 2022 que suivra en 2023 la BCE, normalisation de l’inflation largement soutenue par des facteurs temporaires, …, normalisation, le mot consensuel. Ce consensus sur le terme, devenu incontournable, pour ne pas dire normal, se nourrit du flou de la définition : normalisation pour retour aux équilibres (et déséquilibres) d’avant mars 2020 comme si les longs mois de la pandémie avaient été une parenthèse? Ou normalisation signifiant l’intégration de tous les événements, économiques, géopolitiques, sociaux, qui ont émaillé cette période inédite pour donner naissance à un nouvel environnement… normal?

Le regard longtemps tourné sur les actions américaines se portera au premier semestre sur d’autres marchés, l’Europe en particulier – hors UK.
Finie la crise, révolus les vieux modèles

«Il est peu probable que 2022 ressemble à 2021, explique Julien Lafargue, pas seulement parce que le COVID passera de pandémique à endémique, ou encore parce que l’inflation devrait se stabiliser à des niveaux inférieurs, passant de 4-5% à 2-3%. L’année 2022 verra également la confirmation de deux tendances naissantes, clés pour les 5 à 10 ans à venir: d’une part la divergence des politiques monétaires, d'autre part la déglobalisation des économies.» Des tendances qui se confirmeront tout au long de l’année prochaine sur fond de persistance des incertitudes liées aux tensions commerciales et géopolitiques, et mettront à mal la performance des portefeuilles construits sur une allocation 60/40. Un modèle dont la crise a acté l’obsolescence, largement programmée par des années de QE et de taux d’intérêts zéro ou négatifs. 

Si les actions restent dans la course, largement préférées au fixed income, ce devra être dans une proportion moindre et avec une approche différente. Le regard longtemps tourné sur les actions américaines se portera au premier semestre 2022 sur d’autres marchés, l’Europe en particulier – hors UK. Ce qui ne veut pas dire que les Etats-Unis perdront de toute attractivité, la politique monétaire moins accommodante de la Fed profitera aux valeurs cycliques. Ce qui semble sûr, c’est que l’euphorie que les actions ont connue ces dernières années est terminée. «Nous restons optimistes pour les marchés actions en 2022, souligne Julien Lafargue: ils sont actuellement très proches de leur plus haut niveau historique et il est tout à fait probable que nous atteignions de nouveau des records. Cependant, la normalisation généralisée qui caractérisera l’année prochaine se traduira par une avancée plus lente que les années précédentes.»

Elargir l’univers des possibles

Dans ce contexte où les classes traditionnelles offrent des perspectives moins flamboyantes voire atones, les marchés privés offrent une alternative de choix pour des investisseurs de long terme. Les marchés privés sortent eux aussi renouvelés (ce qui ne veut pas dire normalisés) de la crise sanitaire. D’une part parce que la crise a conduit les entreprises, privées de revenus, à avoir recours en urgence à des financements pour traverser la tempête puis, celle-ci terminée, pour remettre de l’ordre dans leur bilan et restructurer leur dette. 

«Les hedge funds fondés sur des stratégies décorellées seront en 2022 un de nos instruments de diversification favoris pour apporter de l'alpha.»

D’autre part parce que la «pause COVID» a donné du temps aux investisseurs pour repenser leur engagement dans des projets capables de transformer le monde et aiguisé leur appétit pour financer des nouvelles technologies, de l’innovation, de l’impact, le plus en amont possible. Ils sont plus que jamais désireux d’investir aussi tôt que possible dans le cycle de vie de ces entreprises de manière à être les premiers à bénéficier de leur croissance. 

L’autre classe alternative à privilégier en 2022, ce sont les hedge funds. Pas n’importe quels hedge funds, mais ceux qui apportent un vrai plus dans un portefeuille, des hedge funds aux stratégies alpha divergentes, non- directionnelles, fussent-elles long short equity, cross asset class, ou encore activistes. 

«Les hedge funds fondés sur des stratégies décorellées seront en 2022 un de nos instruments de diversification favoris pour apporter de l'alpha dans la performance d’un portefeuille. L’autre classe d’actifs que nous privilégierons pour neutraliser une exposition à des marchés à faible beta sera les marchés privés. Private equity et dette privée offriront probablement des opportunités attractives à long terme, alors que l’obligataire et les actions pourraient être plombés par des valorisations (trop) chères, résume Julien Lafargue.» Avant d’ajouter: «Les matières premières? «Non, sauf l’or. Et l’or digital? Trop volatil à ce stade pour jouer le rôle de l’or.» Ce qui ne veut pas dire que les cryptos ne fassent pas partie de ces possibles, seulement que le recul manque pour affirmer qu’elles soient une valeur refuge comme l’est l’or. Un coussin de quelques pourcents d'or dans un portefeuille a prouvé être un pare-feu contre les feu-follets et autre stress des marchés. 2022 ne devrait pas faire exception à cette règle d’or.

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