Ukraine: l’armée russe resserre l’étau autour de Kiev

AWP

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Au lendemain du lancement par Vladimir Poutine d’une attaque massive contre l’Ukraine, qui a déjà fait des dizaines de morts et plus de 100’000 déplacés, les premiers combats dans la capitale étaient signalés.

Situation sur le terrain, réactions internationales, promesses de sanctions: le point sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Les forces russes resserraient vendredi leur étau autour de Kiev, avec des combats dans et aux abords de la capitale de l’Ukraine, au deuxième jour d’une invasion que l’armée ukrainienne faisait «tout son possible» pour repousser.

Au lendemain du lancement par Vladimir Poutine d’une attaque massive contre l’Ukraine, qui a déjà fait des dizaines de morts et plus de 100’000 déplacés, les premiers combats dans la capitale étaient signalés.

Le Kremlin a promis vendredi des répliques «symétriques ou asymétriques» aux sanctions imposées par l’Occident.

Dans un quartier résidentiel où l’armée ukrainienne avait fait état de combats, un civil mort gisait sur un trottoir. Un peu plus loin, des ambulanciers portaient secours à un autre, prisonnier d’une voiture écrasée par un blindé.

Viktor Berbach, 58 ans, a indiqué à l’AFP avoir assisté au matin, depuis son balcon, au passage de véhicules blindés et à des échanges d’armes automatiques.

Les forces ukrainiennes ont aussi rapporté combattre des unités de blindés russes dans deux localités entre 40 et 80 km au nord de Kiev. Des troupes russes approchaient aussi la capitale depuis le nord-est et l’est, selon l’armée ukrainienne.

Kiev, ville-fantôme

Après la fuite de nombreux habitants jeudi, le centre de Kiev, capitale forte en temps normal de quelque trois millions d’habitants et désormais sous couvre-feu, ressemblait à une ville-fantôme.

Hommes en armes et blindés étaient postés aux principaux carrefours proches des bâtiments gouvernementaux. De rares passants s’arrêtaient pour échanger les dernières nouvelles, alors que sirènes et explosions retentissaient dans un ciel chargé de nuages.

«Cette nuit, ils ont commencé à bombarder des quartiers civils. Cela nous rappelle (l’offensive nazie) de 1941», a déclaré le président Volodymyr Zelensky vendredi matin dans une vidéo sur les réseaux sociaux, prononçant cette phrase en russe, à l’attention des Russes.

Il a salué l’»héroïsme» de la population face à une invasion qui a selon lui déjà fait au moins 137 morts et 316 blessés côté ukrainien, assurant que ses soldats faisaient «leur possible» pour défendre le pays.

«La Russie devra nous parler tôt ou tard», a-t-il ajouté. «Plus tôt cette conversation commencera, plus réduites seront les pertes pour la Russie elle-même».

Moscou n’annonce pas les victimes au sein de ses forces.

Le ministère ukrainien de la Défense a appelé les civils à Kiev «à nous informer des mouvements ennemis: faites des cocktails molotov, neutralisez l’occupant!».

«Décapiter le gouvernement»

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a lui appelé à une reddition.

«Nous sommes prêts à des négociations, à n’importe quel moment, dès que les forces armées ukrainiennes entendront notre appel et déposeront les armes», a-t-il déclaré à Moscou.

Dans la nuit, alors que Zelensky décrétait la mobilisation générale, des sources militaires occidentales avaient indiqué que les forces russes, fortes d’»une supériorité aérienne totale», voulaient «décapiter le gouvernement» pour le remplacer par une équipe pro-russe.

Serguei Lavrov a déclaré que la Russie voulait «libérer» les Ukrainiens de «l’oppression», semblant confirmer cet objectif.

Zelensky a reproché aux Européens d’être trop lents à soutenir l’Ukraine. Il a appelé ceux ayant «une expérience de combat» à venir combattre côté ukrainien.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est membre de l’Otan, a aussi reproché à l’UE et l’Otan leur inaction.

Le président chinois Xi Jinping, aux relations étroites avec Poutine, s’est de son côté entretenu par téléphone avec le maître du Kremlin.

La Chine «soutient la Russie dans la résolution (du conflit) par le biais de négociations avec l’Ukraine», a rapporté la télévision publique CCTV.

«Guerre totale»

L’Alliance atlantique, dont les dirigeants se réunissaient vendredi en visioconférence, a répété qu’elle n’enverrait pas de troupes en Ukraine.

Le président américain Joe Biden a en revanche prévenu qu’ils ne cèderaient pas «le moindre pouce de territoire de l’Otan». Le Pentagone dépêchera quelque 7000 soldats de plus en Allemagne.

«La guerre est totale», a déclaré vendredi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. «La sécurité du président Zelensky est un élément central» et Paris peut «l’aider si nécessaire», a-t-il ajouté.

Durcissement des sanctions

Pour l’instant, le camp occidental se concentre sur le durcissement des sanctions contre la Russie, en restreignant l’accès aux marchés financiers internationaux de ses principales institutions et son accès aux technologies.

Joe Biden a promis de faire de Poutine «un paria sur la scène internationale».

«Les dirigeants russes devront faire face à un isolement sans précédent», a aussi affirmé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Les Vingt-Sept ne sont cependant pas allés jusqu’à exclure la Russie du système d’échanges bancaires internationaux Swift, comme Kiev le demandait.

Le président Zelensky a appelé les Européens à aller plus loin.

«Annuler les visas pour les Russes ? Déconnexion (du réseau interbancaire) Swift ? Isolement total de la Russie ? Rappel d’ambassadeurs ? Embargo sur le pétrole ? Aujourd’hui, tout doit être sur la table, car c’est une menace pour nous tous, toute l’Europe», a-t-il dit.

Après avoir flambé jeudi, les cours des matières premières restaient très élevés, avec un baril de pétrole Brent au-dessus des 100 dollars même si le WTI américain était revenu autour de 95 dollars.

La Russie et l’Ukraine sont des pays essentiels pour l’approvisionnement en pétrole, gaz, blé et autres matières premières.

Les grandes bourses mondiales se reprenaient après leur plongeon de la veille, malgré l’incertitude.

Afflux de réfugiés

Aux frontières de l’Ukraine avec l’UE, notamment avec la Pologne, la Hongrie et la Roumanie, les réfugiés affluent par centaines. Environ 100.000 personnes ont fui leur foyer en Ukraine et des milliers ont quitté leur pays, selon le Haut-commissariat de l’Onu pour les réfugiés.

Kristian Szavla, 28 ans, venu de l’ouest de l’Ukraine, a été un des premiers à passer la frontière hongroise. «Nous ne voulons pas vivre ce que nos amis et compatriotes subissent dans l’est du pays, nous réveiller aux sons des sirènes à chaque bombardement russe», a confié cet homme, parti avec épouse et enfant.

Les ministres européens de l’Intérieur doivent se réunir ce week-end pour examiner «l’impact humanitaire et sécuritaire» de la crise et «les mesures de rétorsion», selon un responsable français.

L’offensive russe avait commencé jeudi à l’aube, après la reconnaissance lundi par Vladimir Poutine de l’indépendance de territoires séparatistes ukrainiens du Donbass, parrainés par Moscou depuis 2014.

Pour justifier cette intervention, le maître du Kremlin a réitéré ses accusations de «génocide» orchestré par Kiev dans les «républiques» séparatistes prorusses du Donbass et dénoncé la politique «agressive» de l’Otan.

Plus de 150’000 soldats russes étaient déjà massés aux portes de l’Ukraine depuis des semaines.

Des manifestations contre la guerre ont eu lieu jeudi à Moscou, Saint-Pétersbourg et d’autres villes russes, et dans plusieurs villes du monde.

Plus de 1700 personnes ont été interpellées à travers la Russie, selon une ONG, de tel rassemblements étant interdits.

Etats-Unis et Albanie ont demandé un vote du Conseil de sécurité de l’Onu vendredi soir sur un projet de résolution condamnant l’invasion de l’Ukraine et réclamant à la Russie le retrait immédiat de ses troupes.

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