Rolex reprend le détaillant horloger et bijoutier Bucherer

AWP

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Cette transaction constitue un changement de stratégie important de la part de la plus grande marque horlogère de luxe mondiale.

Avec le rachat d’un des plus grands détaillants horlogers et joailliers Bucherer, Rolex met un pied dans le secteur de la vente au détail. Cette transaction, dont les détails financiers n’ont pas été divulgués, constitue un changement de stratégie important de la part de la plus grande marque horlogère de luxe mondiale et pourrait à long terme avoir un impact sur toute l’industrie horlogère suisse.

«Cette nouvelle représente un séisme pour l’industrie horlogère et aura à long terme des conséquences chez les fabricants et détaillants de garde-temps», soutient vendredi l’analyste Jean-Philippe Bertschy de Vontobel.

A côté de l’horloger genevois Patek Philippe, Rolex était l’une des rares grandes manufactures à ne pas s’être développée dans la vente directe de ses garde-temps à la clientèle finale, préférant jusqu’ici se concentrer sur la fabrication.

Les groupes Richemont, propriétaire de Cartier, et Swatch, qui détient notamment Omega, ont développé depuis des années leur propre réseau de points de vente, tout en réduisant le nombre de magasins gérés par des détaillants pour n’en garder que les plus performants. Des maisons indépendantes telles qu’Audemars Piguet ont également suivi ce chemin ces dernières années, cette stratégie permettant d’engranger notamment davantage de rentabilité et mieux connaître sa clientèle finale.

Les grands deviennent plus forts

Il est cependant encore trop tôt pour connaître les réelles intentions de Rolex, une entreprise communiquant très peu. Dans son communiqué, Rolex assure que Bucherer restera indépendant et gardera son nom. La marque à la couronne note qu’elle s’est portée acquéreur du lucernois à l’issue d’un problème de succession, Jörg Bucherer, le propriétaire actuel et représentant de la 3e génération de la famille ayant fondé la firme, n’ayant pas de successeur.

Le distributeur lucernois, créé en 1888, vend depuis 1924 des montres Rolex dans ses filiales. Actuellement, c’est le cas dans 53 magasins Bucherer, alors que 48 d’entre eux vendent en plus les produits Tudor, une autre marque du groupe horloger genevois. Bucherer officie également comme centre de service officiel pour les deux marques.

Il est encore trop tôt pour analyser toutes les conséquences de ce rachat mais il évident que «les plus grands acteurs deviennent plus forts», fait remarquer Jean-Philippe Bertschy. Le groupe Swatch avait indiqué en mars vouloir aussi renforcer le nombre de ses points de vente, rappelle le spécialiste de Vontobel.

«Il n’y aura pas de changement dans la répartition de produits» du groupe Rolex entre les différents détaillants, affirme vendredi le détaillant britannique horloger Watches of Switzerland, un concurrent de Bucherer actif surtout au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, l’un des rares acteurs à oser prendre position après l’annonce.

Cette acquisition «ne représente pas un mouvement stratégique de la part de Rolex pour entrer dans le secteur de la vente au détail de montres», soutient un communiqué de Watches of Switzerland, qui souligne en outre «avoir reçu la confirmation de Rolex» avant de publier son point de vue sur l’opération vendredi matin.

Les investisseurs n’étaient pas rassurés, l’action du britannique s’effondrant à la Bourse londonienne à la suite de cette annonce de rachat. A 15h40, le titre chutait de 20,3% à 550 pence. Selon la Banque royale du Canada (RBC), Watches of Switzerland génère environ 50% de ses recettes annuelles avec les montres Rolex et Tudor.

Pour le moment, les titres Richemont (-0,12%) et Swatch (-0,2%) limitaient leur repli dans un marché SLI (+0,08%) en légère progression.

Deux géants de l’industrie

Cette acquisition réunit deux géants de l’industrie horlogère helvétique. La banque Morgan Stanley évalue le chiffre d’affaires de Rolex en 2022 à 9,3 milliards de francs, loin devant le numéro deux Cartier (2,7 milliards) et le numéro trois Omega (2,4 milliards de francs).

La banque Vontobel estime pour sa part que les recettes annuelles de Bucherer devraient s’approcher des 2 milliards de francs et valorise l’entreprise à approximativement à 4 milliards de francs, contre 2,3 milliards pour son concurrent Watches of Switzerland.

Le détaillant est présent en Suisse, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en France, au Danemark et en Autriche. Rolex se dit convaincu que l’opération constitue la meilleure solution pour ses propres marques et pour l’ensemble de l’assortiment de montres et bijoux d’autres marques partenaires, ainsi que pour tous les employés du groupe lucernois.

La transaction doit encore recevoir l’aval de la Commission de la concurrence (Comco).

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