La politique économique envisagée aux Etats-Unis par le président élu Donald Trump «comporte des risques inflationnistes» dans toutes ses dimensions, a estimé le chef-économiste du Fonds monétaire international (FMI), Pierre-Olivier Gourinchas dans un entretien accordé à l’AFP.
Le candidat républicain, qui doit retourner à la Maison Blanche à compter de lundi, prévoit de nouvelles baisses d’impôts, qu’il souhaite en partie financer par une hausse des droits de douane, de 10 à 20%, sur l’ensemble des produits entrant aux Etats-Unis, et même jusque 60% à 100% pour les produits chinois.
Dans le même temps, il souhaite multiplier les mesures de dérégulation, tout en abaissant les dépenses de l’Etat fédéral.
Il compte également reconduire à la frontière autant de migrants entrés illégalement aux Etats-Unis que possible, au risque de déstabiliser certains secteurs de l’économie qui reposent largement sur cette main d’oeuvre, tels que la construction ou la vente au détail.
Or, qu’il s’agisse des droits de douane ou de la politique migratoire, «ce sont des politiques qui viennent réduire les possibilités, elles compliquent la vie des entreprises, réduisent leur capacité à embaucher ou leur accès aux matières premières et au final réduisent le volet offre de l’économie», a souligné M. Gourinchas.
Dans le même temps, «vous avez des politiques qui visent à stimuler la demande, s’il y a par exemple un élargissement des baisses d’impôts», mais également celles qui pourraient «renforcer la confiance», comme les dérégulations.
«Si vous additionnez tous ces effets, réduction de l’offre et de la production, cela entraîne une hausse des prix. Tout ce qui renforce la demande, cela aussi augmente les prix. Donc lorsque vous regardez les Etats-Unis, nous voyons un risque de reprise de l’inflation», a détaillé le chef-économiste du Fonds.
L’inflation aux Etats-Unis a marqué le pas sur le dernier trimestre de 2024, avec même une légère reprise, alors que la hausse des prix est remontée à 2,9% en rythme annuel au mois de décembre, selon l’indice CPI publié mercredi.
Risque de déflation en Chine
La Réserve fédérale (Fed), qui a procédé a trois baisses de ses taux d’affilée depuis septembre, pour les ramener dans une fourchette comprise entre 4,25% et 4,50%, pourrait marquer une pause lors de sa prochaine réunion, prévue à la fin du mois, et ne réaliser que deux baisses de taux supplémentaires cette année.
Le FMI s’attend à ce nombre de baisses cette année, ainsi que deux autres l’année prochaine.
Mais pendant que les Etats-Unis risquent de voir l’inflation remonter, les risques sont plutôt à la déflation dans la seconde économie mondiale, la Chine, qui reste confrontée à une demande intérieure toujours faible.
«Si la situation dans le secteur immobilier se détériore, que le gouvernement central n’en fait pas suffisamment et que l’économie ralentit encore plus, c’est un risque», a pointé M. Gourinchas.
«Dans l’immédiat, nous pensons que le gouvernement va dans la bonne direction mais il peut sans doute faire plus, en particulier sur la crise du secteur immobilier, mais aussi pour améliorer les amortisseurs sociaux, ce qui aiderait à réduire le taux d’épargne».
Une problématique à laquelle «l’économie chinoise fait face depuis plusieurs années» mais que Pékin doit régler si elle veut avoir «une croissance durable soutenue par la demande intérieure. Car il est de plus en plus difficile de se reposer sur les exportations», a averti le chef-économiste du Fonds.
Interrogé jeudi par une commission du Sénat dans le cadre de son audition de confirmation pour le poste de secrétaire au Trésor, Scott Bessent estimait que, sans ses exportations, la Chine serait en situation de récession.
Sans aller jusque-là, il est certain que «le secteur extérieur a contribué et aidé la croissance économique chinoise l’année dernière et cela va se poursuivre cette année».