La Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé à l’unanimité de laisser ses taux inchangés mercredi, se disant dans l’incapacité de prévoir où va l’économie américaine confrontée au tremblement de terre des nouveaux droits de douane.
Il y a «tellement d’incertitudes» autour des répercussions de ces nouvelles taxes sur les importations que la Fed préfère ne pas bouger ses taux pour l’instant, a déclaré le président de l’institution en conférence de presse.
«Si les augmentations de droits de douane qui ont été annoncées se prolongent, cela risque de se traduire par une augmentation de l’inflation, un ralentissement de la croissance économique et une hausse du chômage», a aussi affirmé Jerome Powell.
Ce serait pour la Fed, a-t-il dit, un «scénario difficile» de voir le chômage augmenter en même temps que les prix.
Pour juguler l’inflation, une banque centrale augmente généralement ses taux directeurs, qui guident le coût du crédit pour les entreprises et particuliers.
En revanche, si des emplois sont détruits, elle est censée les baisser pour donner un coup de fouet à l’activité économique.
Ce statu quo sur les taux d’intérêt (dans une fourchette comprise entre 4,25% et 4,50% depuis décembre) était largement attendu par les marchés.
La Bourse de New York a évolué en dents de scie, au gré des commentaires de M. Powell, conservant in fine la direction qu’elle avait prise avant l’annonce de la Fed.
Vers 19H10 GMT, le Dow Jones prenait 0,70%, l’indice Nasdaq reculait de 0,25% et l’indice élargi S&P 500 grappillait 0,12%.
«Changer la donne, ou non»
Depuis la dernière réunion de la Réserve fédérale, en mars, le président Donald Trump a déclenché un séisme économique.
Lors de ce qu’il a lui-même surnommé «jour de la libération», le 2 avril, le président américain a érigé un mur de nouvelles taxes sur les produits importés aux États-Unis.
Donald Trump a depuis partiellement fait marche arrière et promis des «deals» avec les partenaires majeurs des Etats-Unis pour alléger la facture. Aucun n’a encore été annoncé.
Les droits de douane sont désormais beaucoup plus élevés qu’avant le début de son second mandat, et les échanges avec la Chine sont quasiment à l’arrêt.
Des responsables américains et chinois ont rendez-vous pendant le week-end en Suisse pour poser les bases d’une négociation.
La conclusion d’accords commerciaux pourrait «changer la donne significativement ou non», a déclaré M. Powell.
La banque centrale a ainsi conclu deux jours de conclave avec comme principe cardinal de rester collée aux données économiques et éviter toute décision hâtive.
Les baromètres économiques réguliers montrent une nervosité croissante, de même que les communications des entreprises.
Toutefois, les indicateurs officiels n’ont pas déraillé: 4,2% de chômage en avril, 2,3% d’inflation sur un an en mars, légèrement au-dessus de la cible de la Fed.
Le PIB du premier trimestre, publié la semaine dernière, a néanmoins fait l’effet d’un coup de semonce, avec un recul de 0,3% en rythme annualisé. La Fed a choisi d’évacuer cette donnée, dans la mesure où elle reflète avant tout une envolée des importations sur la période.
Entreprises et ménages avaient en effet cherché à prendre de vitesse l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane.
Au-delà de ce contexte ultra changeant, la Fed - et surtout son président - font face à des critiques répétées de Donald Trump, qui veut voir les taux baisser, ce qui aurait le mérite d’amortir quelque peu l’impact des droits de douane, au risque de nourrir l’inflation.
Les déclarations présidentielles «n’affectent pas du tout notre travail», a assuré M. Powell.
«Nous considérons, a-t-il ajouté, toujours uniquement les données économiques, les perspectives, la balance des risques et c’est tout. Donc cela n’affecte vraiment pas ni notre travail, ni la manière dont nous l’exécutons.»