L’institut embraye la «phase d’investigation» qui a pour objectif d’offrir la «forme de monnaie la plus sûre», celle de la «monnaie de banque centrale».
La Banque centrale européenne a annoncé mercredi le lancement d’une phase de travaux en vue d’introduire l’euro numérique, conçu comme une réponse à la dématérialisation croissante des paiements et à la multiplication des cryptomonnaies.
Ce «projet pilote» destiné à durer deux ans a été immédiatement salué par Paris et Berlin, qui ont toutefois conditionné la création d’une version numérique de l’euro à une «décision politique» des 19 Etats membres de la zone euro.
«Un euro numérique pourrait avoir des conséquences considérables pour les citoyens et les entreprises de la zone euro, ainsi que sur la stabilité financière», selon un communiqué commun des ministères des Finances français et allemand.
Ils ont appelé à «une implication étroite des Etats membres» dans les travaux qui vont être menés.
Durant deux ans, la BCE va oeuvrer pour définir les fonctions et les modalités techniques de ce futur moyen de paiement virtuel.
Cet euro serait une forme électronique de monnaie de banque centrale, existant parallèlement aux espèces. Particuliers et entreprises pourraient stocker ces devises dans un «porte-monnaie numérique».
L’objectif est d’offrir la «forme de monnaie la plus sûre», celle d’une banque centrale, selon un communiqué publié à l’issue d’une réunion du conseil des gouverneurs à Francfort.
La décision ferme sur le lancement d’un euro numérique interviendra seulement après cette phase exploratoire.
«Notre objectif est d’être prêt au bout de ces deux ans à commencer à développer un euro numérique, ce qui pourrait prendre environ trois ans», a déclaré mercredi Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, jugeant le calendrier «ambitieux».
Cela aboutirait à un lancement effectif autour de 2025/26.
La BCE s’engage au moment où d’autres grandes banques centrales, en Chine et aux Etats-Unis, travaillent aussi à l’émission de leur propre monnaie digitale.
L’institution francfortoise craint que la multiplication des monnaies virtuelles, privées ou nationales, puissent saper l’influence de la monnaie unique européenne.
En évaluant la faisabilité de ce projet complexe, le plus important depuis le lancement de l’euro en 1999, la BCE voudra s’assurer que l’euro numérique réponde aux «besoins des Européens» : une monnaie facile à utiliser, sécurisée, efficace, «tout en contribuant à prévenir les activités illicites et en évitant tout impact indésirable sur la stabilité financière et la politique monétaire».
L’euro numérique pourrait servir à faire des virements ou régler des achats, en ligne via une application sur smartphone, ou à l’aide de cartes de paiement similaires à la carte de débit.
La BCE va également étudier comment cette future monnaie sera un jour programmable comme des «jetons» (token) ouvrant des droits financiers.
Pour ne pas aggraver la fracture numérique au sein des sociétés, l’euro électronique «ne remplacera pas» l’argent liquide, a martelé Fabio Panetta.
L’infrastructure informatique soutenant le projet sera formalisée une fois ses fonctionnalités arrêtées.
Pour l’heure, tant le système de paiements instantanés «TIPS», centralisé à la BCE et utilisé depuis 2018 en Italie, que des alternatives se servant d’une chaîne de blocs décentralisés (ou «blockchain») «se sont avérés capables de traiter plus de 40.000 transactions par seconde», assure l’institut.
Sur le plan institutionnel, les autorités européennes - Parlement, Commission, Conseil, Eurogroupe - devront donner à l’euro numérique un statut officiel et conforme aux règles européennes, nécessitant des changements législatifs, précise la BCE.