L’Etat français n’a «pas fait cesser» la fraude des eaux de Nestlé

AWP

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La commission d’enquête du Sénat dénonce également l’attitude des dirigeants du géant de l’agroalimentaire et de sa filiale Nestlé Waters. Cette dernière dit prendre acte des conclusions.

Les membres de la commission d’enquête du Sénat ont dénoncé lundi le fait que l’Etat français, une fois au courant, n’a pas mis fin à l’infraction liée aux filtres illégaux des eaux minérales en bouteille, ainsi que l’attitude des dirigeants de Nestlé et de sa filiale Nestlé Waters. Cette dernière dit prendre acte des conclusions.

«Il faut faire attention à ne pas faire peur aux consommateur, il n’y a pas eu de contamination sanitaire avérée», comme l’eau a été filtrée, a assuré lundi en conférence de presse Laurent Burgoa, président de la commission d’enquête sur les eaux en bouteille et sénateur du Gard. C’est dans ce département qu’est exploité le site Perrier, propriété de Nestlé Waters, où des contaminations bactériologiques avaient notamment été découvertes.

Mais pour le rapporteur Alexandre Ouizille, «la gestion du risque sanitaire» s’est révélée «dégradée». Une fois au courant des filtrations, qui sont illégales pour des eaux dites minérales naturelles, «l’Etat n’a pas fait cesser l’infraction» et «les ventes» d’eau en bouteille des marques du portefeuille de Nestlé (également Vittel, Contrex et Hépar) se sont poursuivies.

«Malgré cette fraude du consommateur, les autorités ont décidé de ne pas poursuivre» l’industriel, a-t-il déclaré, insistant sur l’absence de signalement au procureur de la République», sachant que «l’affaire a été suivie de près par l’Elysee», soit au plus haut sommet de l’Etat français.

Chantage à l’emploi

Interrogé sur l’intérêt de l’Etat à cacher la fraude tant au consommateur qu’au niveau européen, le rapporteur a souligné «le chantage à l’emploi». «Les autorités ont été mises sous pression par cette question». En exemple, il a cité Perrier, «une marque milliardaire qui crée des emplois». Le site gardois emploie un millier de personnes. Mais lui n’a «pas vu d’objectivation du risque économique».

Plus tôt dans la matinée, le sénateur avait souligné au micro de la radio publique France Inter que cette «fraude massive» est estimée a minima par la répression des fraudes à 3 milliards d’euros. De plus, «il y a une difficulté de Nestlé à renoncer à l’appellation eau minérale naturelle», que le groupe peut vendre plus cher.

M. Ouizille a ajouté «qu’aucune enquête interne n’a été diligentée pour comprendre la chaîne de responsabilité» dans l’entreprise. Il a précisé que le directeur général de Nestlé, Laurent Freixe, a annoncé lors de son audition une «inspection». «Pour l’instant, ce ne sont que des paroles», a asséné le rapporteur en conférence de presse.

Parmi les recommandations de la commission d’enquête sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille, les sénateurs veulent mieux protéger la ressource en eau et que soit menée une analyse des polluants éternels et microplastiques dans les eaux minérales, restructurer et clarifier les arrêtés sur la qualité des eaux conditionnées ou encore «rénover un dispositif de contrôle trop complexe et fouillis».

Nestlé Waters se défend

Muriel Lienau, présidente de Nestlé Waters, a déclaré dans un communiqué reçu par AWP, prendre «acte des conclusions du rapport», «qui reconnaissent l’importance des enjeux sectoriels nécessitant une clarification de la réglementation et un cadre stable, applicable à tous». Elle s’émeut toutefois des «nombreuses déclarations dénigrantes contre l’entreprise», qui «réitère ses regrets pour les traitements non conformes utilisés par le passé, désormais retirés».

Alors qu’une information judiciaire a été ouverte en février par le Tribunal judiciaire de Paris à la suite d’une plainte de l’ONG Foddwatch visant Nestlé pour pratiques commercialises trompeuses, «Nestlé Waters ne cherche ni à éluder cette question, ni à la minimiser: nous collaborerons avec la justice comme nous l’avons toujours fait», a ajouté Mme Lienau, elle-même entendue par les sénateurs.

Début mai, la presse s’est fait l’écho d’un éventuel désengagement de Nestlé de son portefeuille d’eaux en bouteille. Le géant veveysan aurait chargé la banque Rothschild de vendre Nestlé Waters avant la fin de cette année. La marque au nid d’oiseau a décidé à l’automne dernier d’autonomiser ses activités dans les eaux, qui compte aussi San Pellegrino et Acqua Panna, et boissons (Nesquik, Nestea, Milo, Nescafé) dites haut de gamme.

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