Guerre en Ukraine: pas encore de récession en vue pour les entreprises suisses

Communiqué, Deloitte

3 minutes de lecture

La majorité des 99 CFO interrogés par Deloitte depuis le 1er mars mise sur une évolution positive de l’économie durant les 12 mois à venir.

Face à la guerre en Ukraine et aux importantes sanctions adoptées contre la Russie et la Biélorussie, les entreprises suisses affichent une certaine assurance. Et ce, bien qu’elles considèrent les incertitudes géopolitiques, celles liées à la guerre notamment, comme un risque majeur pour les douze mois à venir et que l’inflation, les chaînes d’approvisionnement et les prix de l’énergie les préoccupent. La majorité des 99 CFO interrogés par Deloitte depuis le 1er mars mise sur une évolution positive de l’économie durant les 12 mois à venir. L’optimisme est également de mise envers les perspectives financières de leur propre entreprise. Le nombre d’entreprises qui prévoient d’accroître leurs effectifs a même augmenté depuis l’automne. L’économie suisse fait preuve d’une grande résilience après la crise du coronavirus. L’amorce d’une reprise et l’optimisme lié à la fin de l’application des mesures sanitaires se trouvent toutefois sensiblement freinés, la guerre risquant de faire évoluer la situation rapidement.

Près de la moitié (46%) des CFO d’entreprises suisses interrogés reste persuadée que les entreprises suisses continueront d’enregistrer une croissance de leur activité durant les douze prochains mois. Certes, ce pourcentage a baissé de près de la moitié depuis la dernière enquête de Deloitte en septembre 2021 mais il est le double de celui des CFO qui s’attendent à une chute de la croissance (22%). Les CFO interrogés se préoccupent davantage de l’évolution économique en général que de leur propre entreprise. Plus de la moitié (57%) prévoit une amélioration des perspectives pour les entreprises dans les douze mois à venir. Tout juste 15% d’entre eux seulement s’attend à une évolution financière négative.

Globalement, les autres indicateurs de l’enquête Deloitte relatifs à l’activité des entreprises restent positifs. La majorité des CFO interrogés (64%) estime que les chiffres d’affaires continueront de progresser ; il est vrai qu’il y a six mois ils étaient encore plus nombreux à l’affirmer (79%). Pour les investissements, en général, ainsi que pour des dépenses comme le marketing ou les voyages professionnels, une majorité de CFO continue d’anticiper également une progression plutôt qu’un recul. Seules les marges opérationnelles obtiennent des résultats moins positifs dans le cadre de l’enquête : on observe en effet un quasi-équilibre entre les opinions optimistes et pessimistes. La hausse des prix est sans doute l’une des raisons principales.

La guerre comme amortisseur de la reprise

«La Suisse est sortie de la crise du COVID-19 plus rapidement que beaucoup d’autres pays de l’OCDE. Les entreprises suisses ont déjà appris durant la pandémie à faire face aux problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement. Pour elles, l’augmentation des taux d’inflation aux États-Unis et dans l’UE n’est plus une surprise non plus», explique Reto Savoia, CEO de Deloitte. «Actuellement je pense donc que la guerre en Ukraine ralentira effectivement la reprise post-COVID-19 mais que l’économie suisse maintiendra sa trajectoire de croissance cette année.»

La suppression, en grande partie, des mesures liées au COVID-19 il y a un mois a donné une impulsion supplémentaire à l’économie suisse. Mais elle s’est essoufflée depuis l’invasion de l’Ukraine par les forces russes. Outre la guerre, les CFO d’entreprises suisses considèrent l’inflation comme le principal risque (voir le graphique ci-dessous).

 

Il s’agit notamment de l’augmentation des coûts des intrants que les entreprises doivent absorber, notamment pour l’énergie, les matières premières, les produits intermédiaires ou les prestations de services. Près de la moitié des CFO interrogés (42%) prévoit une hausse des coûts des intrants de 5% ou plus. Parmi ceux qui anticipent une hausse des coûts des intrants, un bon tiers (36%) estime pouvoir répercuter en grande partie les hausses de prix sur leurs clients. Malgré tout, les CFO ne pensent pas qu’il y aura une hausse sensible des prix à la consommation en Suisse et estiment que les prix à la consommation augmenteront de 2% sur deux ans.

Inquiétudes relatives à l’inflation et problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement

«L’inflation est de retour, également en Suisse. Cependant, les entreprises suisses font preuve de résilience. Si elles doivent accepter un recul de leurs marges, de nombreuses entreprises sont très bien positionnées pour résister à la hausse des prix. La vigueur du franc ne pèse plus sur les exportations comme il y a quelques années», explique Jean-François Lagassé, responsable du secteur des services financiers chez Deloitte Suisse.

En référence à l’évaluation des risques des CFO, les chaînes d’approvisionnement sont désormais devancées par la guerre qui sévit actuellement en Ukraine et l’inflation qui s’avère persistante dans les grands espaces économiques du monde occidental - mais elles restent un grand défi pour beaucoup d’entreprises suisses. La plupart des entreprises se disent concernées au moins légèrement (77%), 16% d’entre elles indiquent une grave détérioration. 68% des entreprises concernées sont confrontées à de fortes hausses de prix des matières premières et des produits intermédiaires. Environ la moitié d’entre elles (52%) fait état d’une augmentation des coûts de transport, une conséquence de la hausse des prix de l’énergie et de nombreux problèmes logistiques. Quasiment la même proportion de CFO (40%) déplore que les produits intermédiaires ne sont pas livrés dans les délais prévus et un sur quatre (24%) qu’ils ne sont plus disponibles.

Une grande inconnue: le déroulement de la guerre

Les annulations de commandes par la clientèle ne posent, en revanche, guère de problèmes et un nombre de CFO plus limité qu’à l’automne considère la faiblesse de la demande comme un risque. «Pour l’instant, la guerre ne semble pas avoir d’incidence néfaste sur la propension à consommer en Suisse. Cependant, si elle devait perdurer voire s’intensifier ou s’étendre, les gens se montreraient plus circonspects et renonceraient à partir en vacances ou à réaliser certains achats. Par ailleurs, une inflation persistante pèserait sur le budget des ménages», souligne Reto Savoia. A noter également que l’évolution conjoncturelle en Allemagne, notre principal partenaire commercial, semble moins favorable. On verra par conséquent dans les semaines et les mois à venir si la reprise économique perdure en Suisse ou si un glissement s’opère vers une nouvelle récession.

A lire aussi...