La Chine dévoilera vendredi le chiffre de sa croissance économique en 2024, attendu conforme à l’objectif fixé par Pékin mais au plus bas depuis 35 ans hors années de pandémie, signe d’un essoufflement persistant sur fond de consommation toujours morose.
Selon la prévision médiane de douze analystes sondés par l’AFP, le Produit intérieur brut (PIB) de la deuxième économie mondiale a progressé de 4,9% en 2024, en-deçà des 5,2% enregistrés en 2023 et à son rythme le plus lent depuis 1990 si l’on excepte la parenthèse du Covid-19.
Ce niveau s’inscrirait néanmoins dans l’objectif d’»environ 5%» réitéré en fin d’année par le président Xi Jinping.
Pour autant, ce chiffre officiel est «souvent sujet à des ajustements stratégiques pour refléter des objectifs internes», prévient François Chimits, économiste à l’institut Mercator d’études sur la Chine.
«Sous le capot, le moteur de l’économie peine à trouver son élan», abonde Harry Murphy Cruise, économiste chez Moody’s.
La Chine peine à se relever d’une grave crise de l’immobilier qui pèse sur le moral des consommateurs et sur les finances des collectivités locales.
Le secteur immobilier joue en effet «un rôle extrêmement particulier», représentant «60 à 70% de la richesse des ménages et probablement autour de 40% des revenus de l’Etat», rappelle François Chimits.
Sursaut précaire de l’immobilier
Face au risque d’une spirale déflationniste, Pékin a annoncé en 2024 plusieurs mesures inédites de soutien à l’activité: baisses de taux d’intérêt, relèvement du plafond d’endettement des gouvernements locaux, important soutien aux marchés financiers en septembre...
Couplées à une demande extérieure vigoureuse -- les exportations ont atteint un niveau record l’an dernier --, ces initiatives ont contribué à faire rebondir la croissance au quatrième trimestre 2024.
Sans cela, «la consommation se serait nettement détériorée», affirme Michelle Lam, économiste à la Société Générale.
Pékin a également réalisé «quelques ajustements pour encourager l’achat de propriétés invendues par les gouvernements locaux», poursuit-elle.
Signe encourageant, la surface totale des transactions de propriétés résidentielles neuves dans les grandes villes a augmenté en décembre de 18% sur un an.
Mais les autorités chercheraient «davantage à empêcher de nouvelles baisses dans le secteur immobilier, plutôt qu’à le réhabiliter comme moteur principal de la croissance», tempère Betty Wang, d’Oxford Economics.
Dans un contexte où la consommation, autre moteur, peine à prendre le relais, «le ralentissement immobilier continuera probablement d’être un frein à la croissance (...) pendant plusieurs années», anticipe Lisheng Wang, économiste chez Goldman Sachs.
La conjoncture est d’autant plus fragile qu’un autre pilier majeur de l’économie chinoise, les exportations, pourrait pâtir sévèrement des droits de douanes promis par le président américain élu Donald Trump.
Le coup porté au commerce extérieur chinois serait conséquent: une hausse de 20% des droits de douane américains sur les produits chinois coûterait 0,7 points de croissance à la Chine en 2025, selon Goldman Sachs.
Relancer la consommation
Soucieux de se muscler en amont des turbulences attendues, Pékin a promis d’assouplir encore sa politique budgétaire en 2025 et de poursuivre ses mesures de soutien à la consommation, à l’image de la récente extension des subventions permettant aux ménages de remplacer leurs produits, notamment d’électroménager.
Une relance budgétaire visant les consommateurs est «bienvenue», juge Harry Murphy Cruise: «Les dirigeants cherchent un nouveau moteur de croissance, les ménages pourraient jouer ce rôle».
«Cela pourrait entraîner un nouveau changement de paradigme, avec une demande intérieure surpassant la demande extérieure comme ce fut le cas de 2009 à 2019», complète Larry Hu, de Macquarie Group.
Les analystes restent prudents sur l’ampleur totale de la relance, dont les détails ne sont attendus qu’après la session parlementaire annuelle de mars.
«Les autorités vont accroître leur soutien, mais cela ne compensera pas les conséquences de droits de douane plus élevés», prédit M. Cruise.
Pour Alicia Garcia-Herrero, de Natixis, les montants annoncés sont, pour l’heure, «destinés à la restructuration de la dette, pas vraiment à la consommation».
Les autres défis restent nombreux: Pékin doit aussi «assainir le marché immobilier, réformer le système fiscal, améliorer le système de protection sociale et réduire les tensions géopolitiques pour parvenir à une reprise de croissance véritablement durable», énumèrent les analystes de Nomura.
L’équation est complexe: le panel d’experts sondés par l’AFP anticipe un nouveau ralentissement de la croissance chinoise à +4,4% en 2025, avec le risque qu’elle trébuche sous 4% en 2026.