Céréales: les marchés misent sur le maintien du corridor agricole ukrainien

AWP

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Sur le marché Euronext, les cours décrochent depuis mardi: celui du blé a atteint son plus bas niveau depuis septembre, sous les 317 euros la tonne en séance mercredi.

Rien n’est encore acté mais les marchés ont déjà pris les paris: les cours des céréales accusent ces derniers jours un net repli, tablant sur le maintien du corridor maritime ukrainien à trois jours de l’expiration d’un accord crucial pour la sécurité alimentaire mondiale.

Sur le marché européen Euronext, les cours décrochent depuis mardi: celui du blé a atteint son plus bas niveau depuis septembre, sous les 317 euros la tonne en séance mercredi. Le maïs dévissait sous les 306 euros la tonne en séance, du jamais vu depuis le mois d’août.

Le même mouvement était aussi à la baisse, mais dans une moindre mesure, à la Bourse de Chicago, avec un repli de 2,65% du blé américain en préouverture et d’1% pour le maïs.

«Je suis convaincu que l’accord sur les céréales va continuer», a déclaré mercredi matin le président turc en marge du sommet du G20 à Bali, espérant une prolongation «pour un an».

Recep Tayyip Erdogan est l’un des artisans de cet accord signé fin juillet entre la Russie et l’Ukraine sous l’égide de l’ONU, qui a permis d’exporter près de 11 millions de tonnes de céréales et expire vendredi soir.

En dépit des dernières frappes russes en Ukraine, les signaux sont au vert: la file des navires en attente d’inspection se résorbe peu à peu dans le Bosphore, de hauts représentants de l’ONU ont évoqué des discussions «constructives» et le Kremlin a fait état mercredi «d’avancées».

«Le marché a intégré la perspective d’une poursuite de l’accord», estime Gautier Le Molgat, analyste au cabinet Agritel, qui relève que «rien ne vient pour le moment démentir» l’optimisme des opérateurs.

Crucial corridor

Si le corridor maritime n’a permis d’exporter que la moitié des plus de 20 millions de tonnes de grains stockés depuis le printemps dernier dans les ports ukrainiens, il a donné la possibilité de fluidifier les échanges et de limiter une inflation aux répercussions catastrophiques pour les pays pauvres.

Avec une récolte mondiale de blé record en 2022-23, «on a assez de grains pour nourrir tout le monde, mais le problème est la localisation des stocks», explique Edward de Saint-Denis, courtier chez Plantureux & Associés.

«Soit les céréales coûtent trop cher parce qu’il faut aller les chercher loin et que le coût du transport est insoutenable - par exemple la Tunisie préfèrera acheter du blé russe qu’américain ou australien - soit parce que les productions sont plus difficiles à sortir en raison du conflit», poursuit-il.

L’enjeu pour la sécurité alimentaire est énorme, alors que l’organisation onusienne pour l’alimentation (FAO) prévoit déjà un bond de 10% de la facture mondiale des importations alimentaires en 2022.

Dans ce contexte, les exigences de la Russie - qui a une exceptionnelle récolte de blé à écouler et réclame des facilités pour ses exportations d’engrais - sont à prendre au sérieux, pour les analystes.

La question de l’ammoniac

«La Russie a besoin d’un discours plus affirmé» des grandes nations qui doivent insister sur le fait qu’il est possible de transporter des produits agricoles russes, aujourd’hui pénalisés par des primes d’assurance en hausse et des freins bancaires, estime Jake Hanley de la société d’investissements Teucrium Trading.

Pour Andrey Sizov, du cabinet russe SoveCon, les problèmes d’exportation des engrais russes viennent surtout du fait que la Russie a été privée d’accès à des terminaux de chargement spécialisés. Et notamment de celui d’Odessa, où aboutit le plus long pipeline d’ammoniac au monde, qui relie Togliatti, dans la région russe de Samara, au premier port ukrainien. Avant-guerre, plus de 2 millions de tonnes d’ammoniac (l’ingrédient principal des engrais azotés) transitaient annuellement par cet oléoduc.

Sa réouverture fait-elle partie de l’accord en cours de renouvellement? Personne ne le dit officiellement mais les observateurs du marché s’interrogent ouvertement sur les garanties que Moscou pourrait avoir obtenues.

«Il semble que la Russie pourrait retirer quelque chose de tout ceci, ou en tout cas prétendre en avoir retiré quelque chose», ce qui plaide en faveur d’une reconduction de l’accord, estime M. Sizov.

«Le travail continue» et porte principalement sur «la levée des restrictions pesant sur les livraisons de productions russes vers les marchés internationaux», s’est borné à déclarer mercredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

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