Brexit: pour le secteur financier, l’inquiétude après le soulagement

AWP

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Les démissions au sein du gouvernement jettent une ombre sur le projet d’accord sur le Brexit.

Les milieux financiers britanniques sont passés du soulagement à l’inquiétude jeudi, avec une chute de la livre dans la foulée de démissions au sein du gouvernement qui jettent une ombre sur le projet d’accord sur le Brexit.

La devise britannique, baromètre de l’humeur des investisseurs, a brusquement décroché en début de matinée, réagissant immédiatement à l’annonce par le ministre du Brexit Dominic Raab de son départ du gouvernement.

Vers 11H00 GMT, la livre reculait de 1,5%, à 1,2802 dollar, effaçant ses gains enregistrés depuis deux jours grâce à l’annonce du projet d’accord sur le Brexit puis l’aval donné mercredi soir par le gouvernement de Theresa May au terme d’une réunion de cinq heures.

Elle est même brièvement tombée à 1,2751 dollar, son plus bas niveau depuis deux semaines, faisant preuve depuis plusieurs jours d’une grande volatilité, sensible à la moindre rumeur politique autour du Brexit. La devise a rarement été aussi erratique depuis les élections législatives britanniques de 2017.

Signe de la fébrilité ambiante, à la Bourse de Londres, les secteurs les plus exposés comme les banques et les groupes de BTP chutaient lourdement.

L’annonce de plusieurs démissions au sein du gouvernement, en plus de celle de M. Raab, témoignait des profondes divisions au sein du camp conservateur et poussait les investisseurs à la plus grande prudence sur les chances de succès de l’accord.

«La série de démissions affecte le gouvernement et il semble que l’accord du Royaume-Uni avec l’UE soit déjà étouffé dans l’oeuf», avant même d’être examiné par un Parlement très critique, estime Chris Beauchamp, analyste chez IG.

Pour de nombreux analystes, c’est l’avenir de la Première ministre Theresa May qui est en jeu avec les conséquences imprévisibles sur la forme que pourrait prendre le Brexit. Les marchés pourraient très vite craindre à nouveau un Brexit «dur», le scénario le plus redouté par les milieux d’affaires.

«Il semble que la livre soit désormais un baromètre de la capacité de la Première ministre (Theresa May) à conserver son poste», a jugé James Hughes, analyste pour Axitrader, qui se demande «si elle peut tenir la journée».

Pragmatisme contre idéologie

Ces soubresauts sont de nature à refroidir les milieux économiques qui s’étaient réjouis dès mercredi soir des avancées vers un accord qui garantirait le maintien dans l’union douanière et une période de transition qu’ils appellent de leurs voeux.

«C’est un important pas en avant» mais «l’incertitude demeure élevée», expliquait Carolyn Fairbairn, directrice générale de l’organisation patronale CBI. «Un long chemin reste à faire mais il est temps de prendre des décisions. Et la première décision est d’éviter un Brexit sans accord».

Même prudence au sein du secteur automobile britannique, très dépendant du continent européen et qui n’a eu de cesse de mettre en garde contre les risques de baisse d’investissement et de perte d’emplois en cas de divorce sans concession.

«L’accord est une étape positive» mais «c’est seulement une première étape et les entreprises ont besoin de certitude», a prévenu Mike Hawes, directeur général de l’organisation SMMT, qui milite pour le maintien d’échanges sans entraves avec l’UE.

Dans un entretien au Financial Times jeudi, le patron du constructeur de voitures de sports Aston Martin concédait également une certaine inquiétude.

«Tant que nous ne voyons pas l’accord ratifié par le Parlement, nous n’allons changer notre position en aucune manière», souligne Andy Palmer, qui redoute le retour des contrôles douaniers dans les ports britanniques.

Les organisations défendant le puissant secteur financier de la City étaient sur la même ligne, alors que de grandes banques internationales, inquiètes d’avoir un accès moindre au continent, déplacent des activités vers l’UE.

«L’avenir économique du pays dépend de dirigeants politiques qui fassent preuve de pragmatisme et non pas d’idéologie», a estimé Stephen Jones, directeur général de l’association des banques et assurances UK Finance.

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