Une marque mondiale en devenir

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Passé de label suisse allemand à référence nationale, Vontobel aspire à la reconnaissance internationale. Entretien avec Zeno Staub.

Actifs sous gestion en hausse de près de 11%, chiffre d’affaires de 25%, bénéfice de près de 50%, Vontobel concluait le premier semestre sur de très bons résultats. Dans quelle mesure cette excellente progression est-elle due au à la stratégie affirmée il y a deux ans de «pure player» de l’investissement? Quelques questions à Zeno Staub, CEO de Vontobel.

En 2019, Vontobel se repositionnait comme maison d’investissement «pure play». Quel rôle a joué cette décision sur la croissance observée aujourd’hui? 

2019 ne fut pas un virage à 180° mais une étape supplémentaire sur un parcours cohérent depuis de très nombreuses années. Ce que nous avons annoncé alors a simplement clarifié, davantage si nécessaire, un processus déjà engagé en direction d’un recentrage complet de nos activités sur l’investisseur c’est-à-dire sur la gestion de fortune et sur la gestion d’actifs. Certes, cette stratégie a déjà produit d’excellents résultats mais ce qu’il faudra prouver, c’est qu’elle les produira de manière consistante sur le long terme. Nous nous donnons les moyens de nos objectifs, tant en termes de spécialistes en investissement – ils sont plus de 300 entre la Suisse, New York, Singapour et Hong Kong – qu’en termes de plateformes technologiques. Grâce à la structure de notre actionnariat et à sa gouvernance, nous avons le temps pour nous. Et nous sommes suffisamment petits pour dire non à ce qui ne nous convient pas et nous focaliser sur ce que nous savons faire le mieux.

D’autres éléments – liés à la crise du COVID par exemple – ont-ils également joué un rôle positif dans vos résultats récents?

Avoir investi dans des technologies innovantes nous a très certainement aidé en période de confinement. Nous disposons de meilleurs points de contact, plus fonctionnels, ce qui nous permet d’atteindre les bonnes personnes au bon moment et donc de diversifier la clientèle. 

Est-il difficile pour une banque d’attirer du personnel technique de haut niveau?

Ce n’est pas facile. A Zurich, nous nous retrouvons en compétition avec des acteurs comme Google pour attirer les talents. Certes, l’optimisation d’un moteur de recherche ou l’automatisation de processus d’investissement peuvent paraitre des problématiques bien lointaines… mais en réalité les compétences techniques de base sont les mêmes dans une large mesure.

Dans quel domaine estimez-vous que Vontobel a une marge de progression?

Il nous faut améliorer la notoriété de la marque, notamment sur les marchés internationaux. D’un label suisse allemand, nous sommes devenus un label national. Reste à devenir une marque mondiale. 

«Dans ce qui est la plus longue période de hausse jamais enregistrée, les produits structurés représentent un apport significatif à la performance d’un portefeuille.»
Sur le premier trimestre de l’année, les produits structurés ont prouvé être un moteur de croissance supérieur aux attentes. D’où vient leur succès?

Il existe plusieurs types de produits structurés qui répondent à des perspectives différentes. J’en retiendrai ici trois. En premier lieu, les produits structurés permettent de tirer parti du potentiel de croissance d’un titre, d’un secteur ou même d’un marché au sens large. Un autre potentiel est celui de traduire la volatilité en rendement. Je dirais même que c’est l’unique outil qui permet de le faire. Enfin, les produits structurés permettent d’aborder certaines thématiques très spécifiques auxquelles un investisseur moyen n’a ordinairement pas accès. Dans ce qui est la plus longue période de hausse jamais enregistrée, ces instruments représentent un apport significatif à la performance d’un portefeuille.

Ne présentent-t-ils pas toutefois certains risques en cas de retournement des marchés?

Ce risque existe dans tous les cas de figure. Les produits structurés permettent d'investir dans des convictions auxquelles l’investisseur moyen n'aurait pas accès autrement. Il est très conscient des risques et n’y affecte, en moyenne, que 3 à 7% de son portefeuille.

Revenons sur un sujet d’actualité. Vous estimez qu’intégrer pleinement l’ESG au processus d’évaluation du risque vaut mieux qu’essayer de convaincre la clientèle du bien-fondé d’un produit ou d’un autre. Quelle est votre philosophie? 

L'ESG a connu plusieurs vagues. Dans les premiers temps, ceux qui décidaient de l’orientation de l’investissement (églises, trusts, fondations) en étaient également les bénéficiaires. Ces premiers clients ont donc approché la question en fonction d’angles très disparates, conduisant à des univers d'investissement peu homogènes d’un portefeuille à l’autre. Puis, on a vu apparaitre un deuxième type de clientèle au sein de laquelle les propriétaires d'actifs et les bénéficiaires n’étaient pas les mêmes. C’est le cas des fonds de pension qui gèrent des capitaux dont ils ne sont pas les bénéficiaires ultimes. Est apparu alors un autre éventail d'attentes et c’est à cette époque que l’Environnement, la Société et la Gouvernance (avec ce qu’elle implique d’engagement de la part de l’investisseur) sont devenus les paramètres de l'investissement durable. Dans ces conditions, le mieux est d'intégrer ces paramètres dans le processus d'investissement et de juger aux résultats.

La réglementation joue toutefois un rôle clé sur le résultat d’un investissement.

C’est effectivement un paramètre important mais la réglementation ne fait que refléter le consensus sous-jacent, le sentiment du public. Ce sentiment du public est la clef des résultats à long terme car les marchés ne sont pas parfaits et peuvent échouer pour ne pas avoir pris en compte les externalités.

Estimez-vous qu’en matière de finance durable, il est nécessaire d’établir des standards rigoureux?

La transparence, la divulgation de l’information et sa comparabilité sont indispensables. Nous avons besoin en matière d’ESG d’un cadre équivalent à celui imposé par les normes comptables. Ce n’est pas au banquier de décider ce qui est bon et ce qui est mauvais mais il doit avoir en main les instruments pour évaluer correctement les risques. 

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