Un contexte plus favorable aux placements alternatifs

Yves Hulmann

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Entretien avec Eric Bissonnier, directeur des investissements chez LumX Group.

 

Les activités de LumX Group, né de la fusion de Gottex et d’EIM, se répartissent autour de trois domaines. La gestion d’actifs, avec un accent mis sur les placements alternatifs (LumX Asset Management), l’analyse et la consolidation des risques avec la plateforme LumRisk ainsi que les solutions de structuration des fonds avec la plateforme LumMap. Entretien avec Eric Bissonnier, directeur des investissements chez LumX Group.

LumX Group est actif dans trois domaines distincts. Pourquoi travailler avec trois entités séparées?

Cette répartition de nos activités résulte en partie de l’historique de la société. Les activités que l’on a aujourd’hui sont des extensions de deux acteurs phares de l’industrie qui ont fusionné en 2014. EIM a commencé dès la fin des années 1980 à investir dans les hedge funds, Gottex au début des années 2000. Aujourd’hui encore, environ 60% de nos collaborateurs proviennent de l’une de ces deux sociétés. Les embauches qui ont été faites au cours des trois dernières années l’ont principalement été dans le domaine des technologies et des méthodes quantitatives. Actuellement, les hedge funds font toujours partie de nos activités mais ce n’est que l’une d’entre elles. Avant, les hedge funds constituaient la principale activité des deux sociétés. C’est aussi une des raisons qui fait que nous avons changé le nom de la société, qui est beaucoup plus diversifiée. Sur un plan opérationnel, le fait d’avoir trois entités distinctes apporte aussi de la clarté pour nos clients étant donné que chacun de ces segments répond à des besoins très spécifiques. 

«Il s’agit d’utiliser la technologie afin de faciliter l’analyse
et d’aller plus vite pour identifier les changements en cours.»
Vous soulignez les investissements effectués par LumX dans les technologies au cours des trois dernières années. Quelle est votre vision de l’essor des technologies qui permettent d’automatiser plus ou moins entièrement les processus d’investissement? 

Nous avons une vue très pragmatique au sujet de ces développements. Les outils technologiques qui sont désormais à disposition des investisseurs permettent d’analyser et d’appréhender des montagnes de données et de les utiliser éventuellement. Mais ce n’est pas suffisant. Par nature dans la finance, quelle que soit la pile de données qui est à votre disposition, tout ce que vous allez regarder est historique. Même si cela date de seulement quelques secondes ou de quelques années. Vous regardez ainsi toujours dans le rétroviseur. Se baser uniquement sur l’historique pour prendre des décisions, ça ne nous paraît pas raisonnable. Il s’agit plutôt d’utiliser la technologie afin de faciliter l’analyse et d’aller plus vite pour identifier les changements en cours, afin de détecter si l’on sort d’une certaine normalité. Ou encore afin de simuler des événements futurs pour estimer quel pourrait en être l’impact. L’important est de pouvoir appréhender la situation de la manière la plus complète grâce à la technologie mais tout en gardant une véritable réflexion dessus. A mon avis, l’objectif n’est pas d’implémenter directement ce que dit la machine mais plutôt d’utiliser à bon escient les données qu’elle met à disposition.

Le rôle croissant de la technologie dans les processus d’investissement ne précipite-t-il pas aussi les réactions des marchés, comme cela a été le cas début février?

Bien sûr, si tout le monde regarde la même chose et réagit de la même façon, l’impact sera d’autant plus fort sur les marchés. Maintenant, est-ce la faute de la technologie ou de la manière dont on regarde le risque? Si l’on parle du 5 février, c’est l’approche de gestion du risque qui fait que la volatilité a explosé. Il s’est passé la même chose en 1987, alors que les décisions n’étaient toutefois pas encore prises par des machines. Il existait à l’époque des processus d’immunisation des portefeuilles systématiques qui ont été soudainement enclenchés – même s’il n’y avait pas de robots pour les traiter. Alors, est-ce la faute du robot ou de celui qui a programmé le robot? La question reste ouverte. Si la technologie accélère les changements, elle permet en revanche d’être plus précis dans la manière d’appréhender l’évolution des marchés ou de détecter certains changements.

Si l’on reprend chacun de vos trois segments d’activité, à quels besoins répond l’offre de services proposée par LumX Asset Management?

LumX Asset Management est en quelque sorte l’extension de l’activité historique principale du groupe qui a vingt-cinq ans d’expérience dans les placements alternatifs. L’accent est placé sur la mise en place de stratégies non liées à des indices, ou non benchmarkées comme on les appelle aussi. Toutes sortes de clients, aussi bien des institutionnels que des gérants de portefeuille, s’intéressent à ces solutions, notamment afin de réduire la dépendance de leurs placements à l’évolution des indices.

«La question se posera de savoir qui sera l’acheteur marginal
qui permettra aux marchés des actions de gagner encore 10 ou 15%.»
Tant que les marchés montaient dans un contexte de faible volatilité, les investisseurs s’intéressaient peu aux placements alternatifs. Qu’en est-il maintenant? 

Depuis dix-huit mois environ, on assiste déjà à une amélioration de la performance des placements alternatifs. Après une phase de très faible volatilité, la dispersion entre les classes d’actifs a augmenté à nouveau. Une année comme 2017, caractérisée à la fois par des performance positive presque continuelle des marchés et par une volatilité ultra-faible, n’était de toute façon pas soutenable sur la durée.

Comment analysez-vous l’environnement de marché maintenant?

Les actions sont relativement chères. Et si les taux restent encore bas actuellement, ils tendent à augmenter sous l’effet des pressions inflationnistes et la fin du «quantitative easing» des banques centrales. Jusqu’ici, les marchés ont été valorisés sur la base de taux bas. Si les taux devaient monter, ne seraient-ce que de 1%, ils apparaîtront alors beaucoup plus chers. Dans ce contexte, la question se posera de savoir qui sera l’acheteur marginal qui permettra aux marchés des actions de gagner encore 10 ou 15%. Dans cette situation, un investisseur institutionnel ou une personne ultra-fortunée se pose davantage la question de savoir s’il vaut la peine d’investir dans le type de produits tels que nous les proposons. Le contexte est redevenu plus favorable aux placements alternatifs.

S’agissant de LumMap, à qui s’adresse une telle plateforme de structuration des fonds et quels en sont les avantages?

LumMap permet de lancer efficacement des fonds dans n’importe quelles juridictions et aide les gérants à satisfaire aux exigences réglementaires nécessaires à leur distribution en respectant différents régimes tels que UCITS ou la directive AIFM. C’est une structure clé en mains pour les gérants qui veulent avoir au marché de l’Union européenne via l’AIFM mais qui n’ont pas, eux, de capacités de gestion en Europe. Parmi les utilisateurs figurent aussi des institutionnels que des «family office» qui cherchent à simplifier leur infrastructure et réduire les coûts. Ils ont ainsi une structure de fonds contrôlée et régulée avec toute la transparence qui est nécessaire. Outre l’aspect de simplification de certaines tâches administratives, LumMap a l’avantage d’apporter une couche de contrôle supplémentaire. L’enveloppe est déjà mise à disposition, ce qui permet aux gérants de se concentrer sur leur activité de gestion proprement dite. Nous ne sommes pas les seuls à proposer de tels services mais nous avons l’avantage de venir nous-mêmes du secteur de la gestion. Nous comprenons donc d’autant mieux les besoins des gérants, et des allocateurs d’actifs qui recourent à ces services. Notre démarche n’est pas simplement administrative.

«Lorsqu’un événement affecte une société importante,
le temps à disposition est très limité.»
LumX Group investit aussi beaucoup dans sa plateforme de gestion des risques LumRisk. Pourquoi un gérant devrait-il déléguer l’analyse et la surveillance de ses risques à une société tierce?

Notre filiale LumRisk est une société indépendante depuis 2013. Son rôle n’est pas de surveiller les risques à la manière d’un régulateur. Son approche consiste à aller en profondeur dans les fonds ou les indices afin de pouvoir détecter certains risques qui n’apparaissent pas du premier coup d’œil dans un portefeuille. Certains portefeuilles détiennent indirectement jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de positions. LumRisk descend vraiment jusqu’à chaque position au sein du portefeuille. A la différence de sociétés de conseil ou de système de risques purs, son outil ne consiste pas simplement à observer les risques mais aussi à faciliter le processus de décisions des gérants. L’équipe LumRisk garde une approche de gérant aussi dans le cadre de ses activités, car c’est à l’origine nos outils de gestion de risque. LumRisk était développé par les investisseurs pour les investisseurs!

Concrètement, qu’apportent ces outils de gestion des risques pour un gérant? 

Prenons l’exemple d’un gérant qui veut chercher à évaluer ce qu’une hausse des taux d’intérêt de 1% aura comme effet sur son portefeuille. Il peut essayer d’analyser la réaction des principales positions de son portefeuille à une telle variation des taux. C’est toutefois gourmand en temps et en ressources. Le recours à l’outil interactif de LumRisk facilite énormément cette tâche – et surtout dans un temps très court. Car lorsqu’un événement affecte une société importante, que l’on retrouve présente dans toutes sortes de fonds ou d’indices, le temps à disposition est très limité. Si l’on prend l’exemple de Facebook, la soudaine correction subie par le titre la semaine dernière ne concerne pas seulement les investisseurs qui détiennent directement le titre. Elle affecte aussi tous les détenteurs d’ETF sur les indices américains, elle remet en question les valorisations dans le secteur des technologies dans son ensemble, etc. Il peut arriver qu’un investisseur ait une exposition très forte sur certains titres ou secteurs, alors que celle-ci semble très diluée au premier abord. Cela permet de réduire une exposition excessive à certains risques. S’il vous faut une heure pour estimer quelle est l’exposition de votre portefeuille à un risque de variation des taux dans un pays donné, vous ne le ferez pas. Si vous pouvez le faire en quinze secondes, cela devient plus utile.