Suisse-Kazakhstan: 100 produits pour cimenter une alliance

Anna Aznaour

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La Confédération lance de nouveaux projets de coopération économique avec le Kazakhstan, confirme son ministre du Commerce, Bakhyt Sultanov.

En novembre 2019, Ueli Maurer, président suisse d’alors, rencontrait son homologue Kassym-Jomart Tokayev à Nur-Sultan. Plus qu'une visite diplomatique, cette rencontre avait comme vocation de préparer le terrain pour une relance des relations économiques, considérablement affaiblies l’an passé par le chaos des marchés mondiaux. Renforcer les liens avec ce pays qui fait 66 fois la taille de la Suisse, se trouve être d’autant plus essentiel qu’il va accueillir, en juin 2020, la hautement stratégique Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Un événement phare des accords commerciaux multilatéraux qui a lieu une fois tous les deux ans et où, contrairement aux réunions de la Banque mondiale ou encore du Fonds monétaire international, le pouvoir de décision n’est pas délégué à un conseil d’administration ou à son président. C’est donc en toute indépendance que chaque pays membres va pouvoir négocier ses intérêts. Le point sur les enjeux depuis le 50e Forum économique mondial de Davos.

Comment se fait-il que le Kazakhstan, qui n'a rejoint l'OMC qu'en 2015, ait déjà été choisi pour organiser cette conférence clé?

Notre pays a une position géographique qui le rend incontournable pour les échanges entre l’Europe et l’Asie. Et, sachant que les intérêts des Européens se focalisent actuellement sur le marché chinois et que le Kazakhstan est précisément leur première porte d’entrée, il n’est pas étonnant que nous ayons été choisi. Aussi, avec nos centres frontaliers de facilitation du commerce, vers l’Ouzbékistan notamment, nous servons de pont entre différents pays. D’autant plus que nos bonnes relations aussi bien avec la Chine qu’avec les États-Unis et la Russie offrent un terrain neutre pour ces négociations vitales pour tous.

Nos deux pays ont un point commun
très important: l'absence d'accès à la mer.
Historiquement, la Suisse entretient une relation privilégiée avec le Kazakhstan depuis son indépendance. Pourquoi, selon vous?

Bien que très différents de par leur ADN politique et géographique, nos deux pays ont un point commun très important: l'absence d'accès à la mer. D'où l'importance de cette collaboration mutuellement bénéfique. Pour le Kazakhstan, cela représente 47,4 milliards de dollars que la Suisse a investis dans le pays au cours des 30 dernières années. Et pour la Suisse, c'est une opportunité d'accéder à nos riches ressources naturelles mais aussi, et surtout, une passerelle vers la Chine.

Cependant, depuis 2018, on constate un ralentissement important des échanges avec la Suisse?

C'est vrai. En 2018, il y a eu une baisse de 5% des échanges, qui a atteint 24% en 2019. Cela est dû à la structure de nos échanges, dont 88% concernent le pétrole et le gaz naturel exportés vers la Suisse. Et comme les prix de ces matières premières sur le marché mondial ont fortement baissé, cela s’est répercuté sur notre coopération. D'où notre nouvelle stratégie de relations économiques, qui se concentrera davantage sur le commerce des produits finis ainsi que des services et non plus seulement sur les combustibles.

Comment cette nouvelle politique sera-t-elle mise en œuvre dans la pratique?

Avec les entreprises kazakhes, nous avons dressé une liste de plus de 100 produits manufacturés d'une valeur totale de 500 millions de dollars américains qui pourraient stimuler le taux d'exportation de notre pays. Ces produits comprennent des articles métallurgiques (barres de fer, etc.), des denrées alimentaires (farine de blé, huile de tournesol, etc.), des textiles, entre autres. Nous avons déjà soumis ce paquet de propositions à nos homologues suisses, qui l'étudient actuellement.

Nous nous concentrons sur la création de réseaux et sommes
particulièrement intéressés par des sessions spécifiques.
Quelles garanties offrez-vous aux investisseurs étrangers quant à leurs placements sur le sol kazakh?

Nous avons mis en place plusieurs mesures législatives. La plus importante c’est la modification de notre Constitution, qui fait suite à l'ouverture dans la capitale Nur-Sultan de l’Institut international de la finance (Astana International Financial Centre), où deux banques suisses sont déjà enregistrées. A partir de 2020, l'institution comptera près de 500 résidents. Sur son territoire, c’est le droit anglais qui s'applique. Nous avons également créé un tribunal anglais totalement indépendant à Nur-Sultan, pour des arbitrages libres de pression.

Vous dirigez la délégation kazakhe au 50e Forum économique mondial, qui se déroule ces jours-ci à Davos. Quelles sont vos attentes par rapport au WEF?

Nous nous concentrons sur la création de réseaux avec nos partenaires commerciaux et sommes particulièrement intéressés par des sessions spécifiques, telles que «Eurasie: perspectives stratégiques». Je tiens également à souligner que le concept du WEF nous a beaucoup inspirés lorsque nous avons créé le Forum économique d'Astana (AEF) il y a 12 ans, qui a acquis le statut de l'une des plateformes internationales les plus influentes en Eurasie pour discuter du développement de l'économie mondiale et du système financier.