Retour sur les petites et moyennes entreprises

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Délaissé depuis deux ans, ce segment de la cote mérite la plus grande attention. Avec Kathleen Gailliot de Kepler Cheuvreux.

Le moment parait particulièrement propice pour revenir sur le segment de la cote qui comprend les petites et moyennes entreprises. Délaissé au cours des deux dernières années, ce segment traite aujourd’hui nettement au-dessous de la valeur historique et devrait offrir une prime intéressante par rapport aux larges caps. A cet effet, Kepler Cheuvreux construit un panier de 10 valeurs au niveau européen, sélectionnées parmi les quelques 1000 valeurs suivies par le groupe de recherche. L’équipe, à la fois multisectorielle et multilocale, applique une approche en deux phases; bottom-up en fonction des convictions des bureaux de recherche puis top-down en ligne avec la macro et la stratégie de marché du moment. Cette sélection existe depuis 2014 mais, depuis l’an dernier, ces valeurs sont mises à disposition des investisseurs sous forme d’AMC (Actively Managed Certificates). Quelques questions à Kathleen Gailliot, responsable de la recherche Small et Midcaps européennes chez Kepler Cheuvreux.

Pourquoi le moment vous parait-il opportun pour revenir sur les small et mid-caps?

Sur les deux dernières années, le segment des SMID (petites et moyennes capitalisations boursières) a sous-performé les grandes valeurs de 25%, ce qui est comparable à la sous-performance subie lors de la crise de 2008/09 (-24%). Par conséquent, les SMIDs se se traitent aujourd’hui à une décote de 27% (en P/BV) par rapport aux large caps. Rappelons qu’au lendemain de la crise de 2008/09, les SMID ont commencé à surperformer les grandes capitalisations trois mois avant le point bas du marché en mars 2009. D’ailleurs, les SMID ont tendance à surperformer les grandes capitalisations pendant les phases de reprise du marché. Au-delà du rationnel historique, les flux de capitaux actuels confirment le regain d’intérêt des investisseurs. Par ailleurs, sur le long terme, les small & mid caps surperforment les large caps, générant des rendements deux fois supérieurs; il est donc intéressant d’y avoir une exposition structurelle de longue haleine. 

Après un recul marqué, nous entrons dans un nouveau cycle de surperformance. Les SMID sont plus sensibles aux taux d’intérêt que les grandes capitalisations et la baisse attendue des taux joue en leur faveur. 

Quels sont les atouts des SMID européennes?

Commençons par dire qu’on y trouve certains leaders mondiaux bénéficiant d’un fort pouvoir de fixation des prix – c’est le cas en Suisse pour les biens d’équipement. Elles permettent un positionnement défensif ou cyclique selon la stratégie recherchée et se prêtent particulièrement bien à certains thèmes comme l’eau ou l’hydrogène, car, contrairement aux larges caps, elles peuvent y être entièrement dédiées. Par leur orientation, certaines de ces entreprises permettent d’améliorer les ratings ESG des portefeuilles même si elles ne sont pas toujours suffisamment mûres sur le plan du reporting. Sur le plan de l’impact, elles peuvent être plus ciblée vers une amélioration de l’environnement. C’est le cas des entreprises spécialisées dans l’hydrogène. Parce que le segment est moins bien suivi que celui des large caps, elles peuvent révéler de meilleures opportunités ce qui améliore la génération d’alpha. Enfin, et sauf sur les deux dernières années, leur taux de croissance est globalement plus élevé que celui des larges caps. Une reprise de l’essor des BPA y est attendu et les investisseurs sont prêts à revenir sur la catégorie. 

Quel est leur PER à l’heure actuelle?

Le ratio est de 12,6x contre 13,3x pour les larges caps, soit une décote de 5% alors qu’historiquement elles se traitent à une prime (de 19% en moyenne depuis 2006 et 9% depuis 1997).

S’agit-il d’un segment homogène? 

En aucun cas. On y trouve de tout: des fournisseurs du secteur pétrolier à des banques très locales, des sociétés de biens d’équipement, de l’immobilier, de la biotech… Par définition pas de sociétés de production à grande échelle comme les majors pétroliers ou la big pharma.

Sont-elles très tournées vers l’exportation?

Sur certains segments comme les biens d’équipement, oui. Mais en moyenne, leur clientèle est plus locale que celle des large caps. J’entends par là, que les SMID sont plus tournées vers le marché intra-européen. En moyenne 40% du chiffre d’affaires des large caps est réalisé en Europe contre 60% pour les SMID. 

Sont-elles mieux gérées que les grandes capitalisations?

Pas nécessairement. Elles tendent à être parfois moins matures en combinant les rôles de CEO et de président ou en n’appliquant pas suffisamment de règles d’inclusivité. Néanmoins, beaucoup sont des sociétés familiales, ce qui peut impliquer un alignement des intérêts avec les actionnaires supérieur.

Quelles sont leurs perspectives?

Après un recul marqué, nous entrons dans un nouveau cycle de surperformance. Les SMID sont plus sensibles aux taux d’intérêt que les grandes capitalisations et la baisse attendue des taux joue en leur faveur. Avec un point d’entrée bas, les perspectives sont bonnes sur les cinq prochaines années. 

La relocalisation des activités dont on parle beaucoup peut-elle jouer en leur faveur?

Elle leur ouvrira des opportunités, en particulier aux sociétés de logistiques qui bénéficieront d’un remaniement des chaines d’approvisionnement. C’est un thème intéressant à exploiter. 

Vous offrez un panier des 10 meilleures valeurs européennes. Comment le construisez-vous?

Avec 100 analystes, l’équipe de Kepler Cheuvreux suit plus de 1000 valeurs européennes dont les deux tiers environ, soit 600 sociétés, sont des SMID. Elles sont suivies par secteur mais également cross secteurs et par des membres de notre équipe in situ à partir de nos 12 bureaux européens. Environ la moitié de ces entreprises est conseillée à l’achat (rating Buy). Sur cette base, les équipes appliquent des filtres successifs en fonction de leurs convictions pour réduire le nombre, jusqu’au choix final qui correspond à notre stratégie de marché. Il s’agit donc d’une approche biphasée: d’abord bottom-up puis top-down. 

Ces valeurs ne sont pas toutes sur le même indice. Comment établissez-vous le benchmarking?

Le benchmark utilisé est le STOXX Europe ex-UK Small. La liste est maintenue depuis fin 2014 et notre historique de performance a plus de 10 ans. La surperformance au benchmark est de +10% annualisé. Depuis l’an dernier, cette sélection est mise à disposition des investisseurs sous forme d’AMC. 

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