Retour des mines d’or et des métaux de la transition

Emmanuel Garessus

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David Finch, d’Ixios, privilégie les mines à la durée de vie supérieure à la moyenne et les producteurs de métaux spécifiques de la transition énergétique.

Les secteurs miniers reprennent des couleurs. L’or a établi un nouveau record et de nombreux métaux semblent mieux disposer que l’an dernier. Ixios, spin-off du groupe Exane (filiale de BNP Paribas), gère précisément un fonds sur les actions aurifères (Ixios Gold) et un autre sur les valeurs minières liées à la transition énergétique (Ixios Energy Metals). Le gérant des deux stratégies, David Finch, répond aux questions d’Allnews:

L’or a établi un nouveau record historique. Quelles sont vos convictions dans les compagnies aurifères?

Nous investissons non pas dans les grands noms du secteur, comme Barrick Gold et Newmont, en raison de leur complexité et des défis posés à leur gestion des coûts, d’autant que leur valorisation est plus chère que la moyenne. Nous préférons les petites et moyennes capitalisations. 

Comme une mine d’or est un actif fini, la durée des mines est très brève, en moyenne de 7 à 8 ans. Les sociétés doivent constamment réinvestir pour remplacer les mines qui arrivent à échéance. Elles ont toujours peiné à dégager un bénéfice pour le distribuer aux actionnaires. Leurs actions ont donc rencontré de grandes difficultés à surperformer le cours de l’or physique. Cette situation est en train de changer car les managements deviennent plus rigoureux sur leur allocation de capital alors que le prix de l'or est robuste. Cela devrait crée un intérêt sur les minières aurifères pour les investisseurs qui souhaite profiter d’un effet de levier sur l’or. Nous avons une recette qui permet d’identifier les sociétés capables de remplacer leurs réserves et de dégager une rentabilité supplémentaire. 

Quelle est cette recette?

Nous cherchons des sociétés dont les mines ont une durée de vie supérieure à la moyenne, et présentes dans des juridictions plutôt sûres, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui au Mali, au Burkina, en Afrique du Sud, en Chine et en Russie. La plupart de nos mines sont en Australie, au Canada, aux Etats-Unis et dans certains pays d’Amérique latine. 

«Les coûts se stabilisent tandis que le cours de l’or monte».

Il faut aussi savoir que l’activité minière est très complexe. Elle fait intervenir des défis logistiques, géologiques, de gestion des coûts et des relations avec les communautés locales. Aujourd’hui, le volet durable (ISR) devient très important. Je préfère avoir un actif médiocre en termes de capacités géologiques mais un excellent management qu’un actif extraordinaire sur le plan géologique avec un mauvais management. Nous passons beaucoup de temps avec la direction des sociétés, au total 450 rencontres par an. C’est une condition nécessaire si nous voulons surperformer le prix de l’or, les ETF et l’indice des valeurs aurifères de référence. Nous y sommes parvenus depuis la création du fonds il y a presque 5 ans (29.5.2019), en réalisant une performance absolu de 80% (en euros), et une surperformance de 22,5% sur le benchmark des minières et de 12% par rapport au cours de l'or physique (au 8.3.2024).

Quel est le sentiment de la communauté aurifère en ce moment?

L’industrie aurifère a souffert, durant le covid, d’une inflation des coûts et de la rupture des chaînes d’approvisionnement sans parler des difficultés dans la gestion de ressources humaines liées à la localisation de mines dans des régions reculées. Les coûts se sont accrus et les marges se sont réduites. 

L’industrie sort de cette période difficile. Les coûts se stabilisent tandis que le cours de l’or monte. Les marges commencent à redevenir correctes. Les managements reprennent confiance. L’activité de fusions et acquisitions repart par exemple à la hausse. 

Il faut aussi savoir qu’entre la découverte d’un gisement et le démarrage de la production, il se déroule 10 ans. Une décision d’investissement dans une nouvelle mine ne se fonde pas sur l’évolution de l’or à court terme.

Qu’en est-il du hedging des sociétés minières?

Il y en a très peu. Les sociétés australiennes effectuent du hedging pour 10 à 15% de leur production, alors que les sociétés canadiennes et américaines renoncent à se couvrir sachant que l’investisseur est à la recherche d’un levier sur l’or. Une stratégie de hedging n’existe qu’au moment où une société emprunte pour financer la construction d’une nouvelle mine. Dans ce cas, le syndicat bancaire exige parfois un hedging.

Quelles sont les particularités de l’or physique et d’un fonds en valeurs aurifères?

Ce sont des véhicules d’investissement très différents. Les sociétés minières sont plus volatiles et présentent des effets de levier (de 2 à 3) à court terme. La volatilité de l’or physique oscille entre 7 et 10 et celle des valeurs minières entre 25 et 30. 
La plupart de nos investisseurs ont 5 à 10% du portefeuille investi en or physique et, lorsqu'ils deviennent plus positifs sur le cours de l’or, ils achètent 1 à 2% en mines d’or. Au moment où le métal jaune bat des records historiques, certains investisseurs s’intéressent donc davantage aux mines d’or. La baisse des taux d’intérêt renforce le scénario haussier pour ce secteur ainsi que sa valorisation historiquement très bon marché.

Quelle est la valorisation des actions aurifères?

La valorisation est comprise entre 2 fois pour les petites sociétés le bénéfice d’exploitation (EBITDA) et 6 fois pour les grandes sociétés. Nous sommes des investisseurs «deep value» avec une moyenne de 3,5 fois dans notre fonds.

«Les grands groupes ne sont d’ailleurs que peu exposés au lithium et le sont très peu à l’égard du cuivre ou de l’uranium»

Quel est votre concept d’investissement dans les actions minières qui soutiennent la transition énergétique?

Nous sommes convaincus que la transition énergétique va poursuivre son chemin. L’objectif de 0 émission carbone en 2050 paraît inaccessible, et le public peine à comprendre l’énormité de la tâche. Le coût global de la transition (200 trilliards de dollars) en fait le plus grand projet de notre civilisation. Il faut remplacer toute la flotte automobile et toute la production d’électricité traditionnelle. Nous pensons que l’idée d’une réduction des émissions carbone est la bannière pour populariser le projet auprès des citoyens, mais la raison principale qui pousse la transition énergétique est la volonté politique d'arriver à l’indépendance énergétique. Le pays le plus avancé sur la voie de la transition énergétique est la Chine, qui n’est pas connue pour ses vertus écologiques et qui pour rappel, dépend pour ses propres besoins énergétiques à 60% du monde extérieure, en l’occurrence de pays potentiellement instables ou ennemis. La Chine veut s’affranchir de cette dépendance internationale en investissant dans le solaire, l’éolien et surtout le nucléaire. Aux Etats-Unis, il faut aussi savoir que les réserves de pétrole ne sont suffisantes que pour 5 à 6 ans. Cette perception géostratégique est le moteur de la transition qui a énormément besoin de métaux, et en particulier de métaux que l’on utilisait moins auparavant (lithium, uranium, terres rares, cobalt). Une nouvelle industrie minière est en train d’émerger.

Dès lors, faut-il acheter les actions chinoises?

Non. Les sociétés chinoises sont dépendantes des décisions gouvernementales et sont prêtes à produire à perte pour satisfaire les objectifs nationaux. Elles ne visent pas à maximiser leur valeur actionnariale.

Quelle est la solution? Faut-il acheter des grands groupes ou dans des spécialistes?

Nous pensons qu’il est préférable d’investir dans les producteurs de ces métaux spécifiques que dans les fabricants de panneaux solaires ou d’éoliennes ou encore de véhicules électriques. Nous préférons les producteurs miniers nécessaires à la transition plutôt que dans les groupes diversifiés comme Rio Tinto et BHP parce que ces derniers produisent avant tout du minerai de fer pour l’acier. Les grands groupes ne sont d’ailleurs que peu exposés au lithium et le sont très peu à l’égard du cuivre ou de l’uranium. Nous préférons le segment de production «mono-métal», soit des sociétés de taille moyenne qui ne produisent que du cuivre, de l’uranium ou du lithium. Les noms sont méconnus mais il en existe beaucoup.

Est-ce que les PER sont élevés pour ces spécialistes?

Non, les multiples sont bas pour les actions minières, y compris celles-ci. Les grands groupes se traitent à 6 ou 7 fois l’EBITDA, les bons producteurs de taille moyenne à 4 fois et quelques small caps à 2 fois.

Quels noms sont intéressants?

Dans le cuivre, je citerai Ivanohe Mines, ou Hudbay Minerals et Ero Copper.

Préférez-vous les producteurs miniers ou les équipementiers?

Il existe très peu de sociétés spécialisées dans l’équipement et ce sont souvent des conglomérats actifs dans d’autres domaines. Nous avons quelques équipementiers dans le forage, comme Foraco et Major Drilling. Mais il est difficile de présenter un portefeuille diversifié dans l’équipement minier.

Quelle est votre performance? Est-ce corrélé aux valeurs solaires et éoliennes?

Non, pour répondre à la 2e question. Les valeurs solaires et éoliennes ont beaucoup souffert de la concurrence chinoise. Notre approche est «upstream». Depuis la création du fonds il y a 3 ans, notre rendement atteint 17% en euros, ce qui est meilleur que de nombreuses stratégies qui ont joué la transition. Mais le thème des mines utiles à la transition émerge à peine. Il s’imposera encore durant de longues années. Il n’y a que 3% de véhicules électrique. 70% de l’électricité est encore fossile.

Quel est l’accueil des investisseurs ESG, potentiellement réticents à investir dans des mines?

Effectivement. Si l’on veut la transition, il sera indispensable de passer par la production des métaux nécessaires. Par ailleurs, nous disposons du label ISR de l’Etat français, lequel garantit que les sociétés dans lesquelles nous investissons produisent de façon responsable, minimisent l’impact environnemental et contribuent positivement aux collectivités locales. Les agences de notations n’analysent pas ces sociétés. Il nous appartient de faire ce travail nous-mêmes. C’est un fonds «article 8» avec le label ISR. Ce dernier est beaucoup plus contraignant que l’article 8 et l’audit est annuel. Pour le fonds aurifère, nous avons aussi le label ISR, ainsi que le Luxflag. Le respect des normes de durabilité profite d’ailleurs à l’investisseur.

Comment s’est passé le début d’année de votre secteur?

Après deux mois de fort rebond (novembre et décembre 2023), les fonds Ixios Gold et Ixios Energy Metals ont consolidé en ce début d'année. Le Fonds Ixios Gold redémarre avec une performance désormais positive, et une surperformance de 7,5% (au 8.3.2024) par rapport a son benchmark, dynamisé par le cours de l'or. Le Fonds Ixios Energy Métals commence à se reprendre depuis fin février, en restant en légère baisse depuis le début de l'année, tout en battant son benchmark de 3%. On note que le prix du lithium commence à rebondir, ainsi que celui du cuivre. L'uranium qui a doublé l’an dernier, consolide un peu en ce moment tout en restant très robuste. 

Les valorisations des minières restent très décotées. Le fonds offre une forte exposition au cuivre, devant le lithium, l’uranium, l’étain et l’argent. 

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