A quoi s’attendre après une année surprenante

Salima Barragan

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Florence Pisani de Candriam: «la Fed va garder ses taux élevés un peu plus longtemps que le marché ne le pense».

Des classes d’actifs simultanément à la baisse, une inflation vertigineuse alors que les économies se remettaient à peine d’une pandémie, une guerre déconcertante en Europe: 2022 a été difficile, mais aussi surprenante. Des points d'interrogation subsistent à l’heure des prévisions pour le nouvel an: quels défis occuperont les marchés financiers? Comment la conjoncture et le renchérissement évolueront-ils? De quelles façons les experts positionnent-ils les portefeuilles pour les mois à venir? Autour de 5 questions clés, l’équipe d’Allnews vous souhaite une heureuse année 2023.

Nous abordons le premier volet des perspectives en laissant la parole à Florence Pisani. Selon la directrice de la recherche économique chez Candriam, la Fed ne se pressera pas de baisser ses taux aussi vite que le marché le pense. Entretien.

Quelle leçon retenez-vous de 2022?

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a été une surprise…mais la rapidité avec laquelle les gouvernements européens ont réagi a été remarquable: partout ils ont pris des mesures pour amortir les effets de la hausse du prix du gaz naturel et partout aussi ils ont œuvré pour trouver une alternative aux livraisons de gaz russe.

L’année qui vient de s’écouler a livré une autre leçon: les marchés, comme les économistes, ont toujours du mal à appréhender immédiatement et pleinement la portée d’un choc – a fortiori celle de deux chocs: la pandémie puis la guerre en Ukraine. Tout au long de 2022, l’inflation a ainsi été continuellement révisée à la hausse, tandis que les perspectives de croissance étaient, elles, revues à la baisse.

Les incertitudes géopolitiques, le resserrement des conditions financières et une inflation encore élevée vont continuer de peser sur la croissance mondiale en 2023.
Sommes-nous rentrés dans un nouveau régime d’inflation?

En Europe comme aux Etats unis, il est probable qu’en moyenne l’inflation soit en 2023, et peut-être même encore pendant une partie de l’année 2024, nettement au-dessus de l’objectif de 2% des banques centrales. Nous ne croyons pas pour autant que nous sommes entrés dans un nouveau régime d’inflation. Les banques centrales tolèrent temporairement un renchérissement plus élevé, mais elles ont tiré les leçons des années 1970: elles savent que reprendre le contrôle de l’inflation lorsque les anticipations ont dérapé est extrêmement coûteux!

Quand pensez-vous que le pivot de la Fed aura lieu, et comment l’anticipez-vous?

Avant de «pivoter», la Réserve fédérale doit d’abord voir la progression des salaires ralentir et ensuite être convaincue que l’inflation va revenir en quelques trimestres vers sa cible de 2%. Un pic des taux autour de 5% au cours du premier trimestre 2023 nous semble aujourd’hui une hypothèse raisonnable. Mais si elle réussit à faire atterrir en douceur l’économie, la Fed ne sera pas pressée de rebaisser ses taux: avec un taux de chômage encore bas et un potentiel de croissance plus faible qu’avant la crise, la banque centrale risque de devoir garder le pied sur le frein pendant un certain temps…

Quelles sont vos perspectives pour 2023 et comment les marchés réagiront-ils?

Les incertitudes géopolitiques, le resserrement des conditions financières et une inflation encore élevée vont continuer de peser sur la croissance mondiale en 2023. En Chine, l’activité est freinée par la politique du «zéro Covid», mais aussi plus profondément encore par le dégonflement de la bulle immobilière. En zone euro, si la croissance a jusqu’à présent plutôt mieux résisté que beaucoup ne le craignaient, le risque de récession est élevé. Aux États-Unis enfin, même si nous n’attendons pas de récession, la croissance devrait être à peine positive en 2023.

Des deux côtés de l’Atlantique, la tâche des banques centrales n’est pas simple. Aux Etats-Unis, le resserrement a déjà été conséquent et la politique monétaire agissant avec retard, savoir où et quand s’arrêter est difficile: plus elle montera ses taux, plus la Réserve fédérale prendra le risque d’un atterrissage brutal de l’économie. En Europe, la BCE est confrontée à une situation tout aussi délicate: si le risque récession est élevé, l’inflation est proche de 10% et le marché du travail est relativement tendu. Tant que la croissance résiste, la BCE a raison de poursuivre la normalisation de sa politique monétaire: ses taux courts devraient atteindre 2,5-3% cette année.

Comment positionnez-vous les portefeuilles pour les mois à venir?

La hausse des taux des banques centrales étant maintenant largement anticipée par les marchés, nous allongeons progressivement la duration des portefeuilles et augmentons son allocation sur le crédit de bonne qualité. Le «carry» sur la dette émergente et sur les obligations à haut rendement commence aussi à être plus attractif. Nous continuons également à investir dans des thématiques de plus long terme, la transition énergétique bien sûr, mais aussi l’automatisation.

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