Plateforme dédiée à la prévoyance

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Sept minutes pour définir et conclure un contrat? Entretien avec Florian Salzgeber de Vontobel.

 

Fin septembre, la banque Vontobel annonçait proposer des produits pour la prévoyance et l’assurance au travers d’une plateforme dédiée. Forte de son expérience des systèmes online avec deritrade, Vontobel rassemble déjà 70 banques et plus de 550 gérants et courtiers indépendants autour de cette nouvelle initiative. Florian Salzgeber, Head of Pension Investments chez Vontobel Investment Banking, commente cette percée d’un segment de marché en plein essor dans la digitalisation.

Quelle est l’audience servie par la plateforme Pension Investments?

Il s’agit d’une plateforme B2B 4(for) C (Business to Business for client). Y accèdent nos partenaires professionnels – banques, gestionnaires d’actifs, gérants indépendants, courtiers en assurance – qui, à leur tour, peuvent communiquer avec leur propre clientèle retail.

Comment y accèdent-ils?

S’ils sont clients de deritrade, ils peuvent y accéder directement par le biais de l’interface existante. Sinon, ils bénéficient d’un accès indépendant.

Vontobel n’a aucun système ancien et, de ce fait, est plus à même
de tirer parti des outils modernes de digitalisation.
Quel potentiel représente ce marché pour Vontobel?

Entre assurances-vie et fonds de retraite, le marché dépassait 1'100 milliards de francs à fin 2017 en Suisse. Soit environ la moitié de celui de la gestion d’actifs classique sur laquelle Vontobel opère déjà. Avec une simple projection arithmétique, on peut donc estimer qu’en devenant actif sur ce marché, nous pouvons espérer une croissance de 50% de notre marché cible.

Quels sont, à votre sens, vos principaux atouts?

Je les résumerais en trois points. En premier lieu, Vontobel a une excellente expérience du développement des plateformes informatiques et, plus encore, de l’optimisation des coûts par la digitalisation. Vontobel opère 16 plateformes dans 14 pays et nous nous sommes montrés capable, par ce biais, de réduire les coûts de traitement des produits financiers de 96% en 10 ans. Ensuite, alors que les compagnies d’assurance ont souvent des systèmes lourds, Vontobel n’a aucun système ancien et, de ce fait, est plus à même de tirer parti des outils modernes de digitalisation. Enfin, nous avons une expertise approfondie des produits financiers et de l’automatisation de leur personnalisation que nous pouvons mettre à disposition des produits d’assurance et de prévoyance.

Vous parlez effectivement de «mass customisation». Qu’entendez-vous par là?

Traditionnellement, personnaliser un produit financier est un travail à forte composante humaine. Nous avons développé des procédures automatisées qui permettent de le faire sans intervention manuelle à moindre coût.

Combien de temps faut-il pour définir et conclure un contrat sur votre plateforme?

7 minutes… à condition que toutes les informations soient à disposition.

Quels produits financiers mettez-vous aujourd’hui à disposition des assureurs et institutions de prévoyance?

A ce jour, nous en proposons trois dont la durée de vie est de 10 ans. L’un d’entre eux, par exemple, assure un revenu de 20% sur 10 ans à condition que certains indices pertinents ne tombent pas au-dessous de 45% de leur valeur actuelle à expiration de la période. Ce dont la probabilité est extrêmement faible. En d’autres termes, le bénéficiaire touchera 2% par an avec un risque contrôlé. A un moment où les taux sont nuls, voire négatifs, c’est tout à fait appréciable. Pensez qu’il y a à l’heure actuelle, en Suisse, plus de 350 milliards de dépôts placés en cash qui ne gagnent rien, ou même perdent jusqu’à 0,75% par an.

Les affiliés des caisses de pension
exigent davantage de flexibilité.
En développerez-vous d’autres?

Sans aucun doute. Des produits assurances sur la base des produits financiers de Vontobel et des produits de caisse de pension.

La baisse des rendements est donc en partie à l’origine de cette plateforme?

Il ne faut pas confondre plateforme et produits mais, effectivement, la baisse des rendements mène les assureurs et les responsables des caisses de pension à repenser leur modèle pour diversifier leur offre, réduire leurs coûts et améliorer les revenus. L’essentiel de leurs portefeuilles étaient traditionnellement composés d’obligations qui ne rapportent plus guère et leurs coûts de traitement ne sont pas en ligne avec les très faibles marges qu’ils peuvent aujourd’hui espérer des marchés sans risques.

Pourquoi ce segment du marché ne se décide-t-il à évoluer que maintenant? Pourquoi pas il y a dix ans?

Il y a dix ans, le besoin ne s’en faisait pas autant sentir et la technologie n’était pas aussi pointue qu’elle ne l’est aujourd’hui. N’oubliez pas que les contrats d’assurance portent parfois sur cinquante ans et que c’est un métier dans lequel la viabilité du prestataire est fondamentale – les assureurs ont d’ailleurs peu souffert de la crise de 2008. Mais qui dit long terme, dit aussi lenteur à adopter le changement. Il est parfois difficile de briser les vieux modèles.

Le changement du profil de la population est-il aussi un facteur de ce changement?

Sans aucun doute. En 2018, en Suisse, 3,4 millions de personnes ont plus de 50 ans (soit 40% de la population), dans 25 ans, en 2043, ils seront 4,5 millions (soit 46%). Mais ce n’est pas tout. Les affiliés des caisses de pension exigent davantage de flexibilité. Ceux dont les revenus dépassent 126’900 francs peuvent choisir leurs propres stratégies sur la partie surobligatoire. Cela contraint les prestataires à se montrer plus souples, plus innovants. D’où le bénéfice d’une plateforme qui permet de personnaliser l’offre automatiquement et rapidement.

A l’heure actuelle, la plateforme n’est disponible qu’en allemand. Quels plans pour la Suisse romande?

Nous lancerons la plateforme en français à l’été 2019. Puis, ensuite, la version italienne.

Les besoins sont-ils différents selon la région linguistique?

Il n’y a en principe aucune raison pour qu’ils le soient puisque toutes entrent dans le même cadre légal. Nous avons toutefois observé que les francophones semblent plus ouverts au changement.